Laboratoire Léon Brillouin
UMR12 CEA-CNRS, Bât. 563 CEA Saclay
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L’avènement des lasers femtosecondes (1fs = 10-18s) de puissance avec la technique "Chirped Pulse Amplification" (CPA) [1] permet aujourd’hui de délivrer des intensités lumineuses gigantesques (> 1021 W.cm-2) associées à des champs électriques ultra-intenses de l’ordre de 1013 V.m-1. Dans ces conditions extrêmes, la matière devient plasma et le champ laser peut accélérer des particules chargées (électrons/ions) du plasma à des vitesses relativistes en quelques attosecondes (1as = 10-18s). La physique associée à ces nouveaux régimes, appelée physique des Ultra-Hautes Intensités (UHI), est ultra-relativiste, fortement non-linéaire et hors-équilibre, ce qui rend son étude particulièrement importante d’un point de vue fondamental. Les codes "Particle in Cell" - code PIC - sont particulièrement adaptés pour modéliser ces types de plasmas. Ils permettent de tester finement tous les effets de l'interaction laser-matière, lorsque l'on manipule des impulsions ultra-courtes et ultra-intenses, et surtout permettent de proposer de nouveaux modes expérimentaux. Comparé au régime térawatt, il est ainsi montré que de nouveaux phénomènes apparaissent lors de la focalisation d'une impulsion laser d'une puissance supérieure au pétawatt (> 1 PW = 1015 W) sur une surface solide : du fait de l'effet doppler et de la courbure induite par l'extrême pression de radiation, un facteur 500 est prédit sur l'intensité du champ réfléchi par un "miroir plasma", pouvant alors atteindre 1025 W.cm-2 au point focal. [1] Le prix Nobel 2019 de Physique a été attribué à Gérard Mourou et Donna Strickland pour la découverte de cette technique d'amplification des impulsions laser. |
Aujourd’hui, l’avènement des lasers pétawatts (PW) (e.g. APOLLON, ELI, BELLA) capables de délivrer des intensités supérieures à 1022 W.cm-2, ouvrent de nouvelles perspectives pour la physique UHI. Ces nouveaux lasers permettront de produire des sources de particules et de lumières ultra-compactes et ultra-brèves aux applications extrêmement prometteuses (X-FEL compacts, hadronthérapie, collisioneurs de particules du futur, etc...).
Le succès des installations lasers PW et l’avancement de la physique UHI dépendront du fort couplage entre les expériences et les simulations ‘premiers principes’ de type Particle-In-Cell (PIC). En effet, les échelles de temps et d’espace mises en jeu dans cette physique étant extrêmement faibles, il n’existe pas à l’heure actuelle de diagnostics expérimentaux permettant de ‘capturer’ la dynamique fortement non-linéaire du plasma sous l’effet du champ laser. Pour comprendre cette dynamique complexe, une description cinétique ‘premiers principes’ du plasma à l’aide de la méthode PIC est donc nécessaire. Cette méthode résout de manière couplée les équations de Maxwell et le mouvement des particules du plasma. Malheureusement, les codes PIC standards actuels ne permettent pas de décrire avec précision ces nouveaux régimes PW d'interaction laser plasma car le solveur de Maxwell aux différences finies (Finite Difference Time Domain FDTD) utilisé pour propager les champs électromagnétiques en temps et en espace génère de nombreux artefacts numériques affectant les résultats de simulation [2,3]. Jusqu’à présent, l'atténuation de ces artefacts nécessitait l'utilisation d'une très haute résolution, augmentant de ce fait considérablement le temps de calcul et empêchant une modélisation 3D réaliste.
Pour faire face à ce challenge, une collaboration entre le CEA- IRAMIS et le Lawrence Berkeley National Laboratory (LBNL) a développé une nouvelle génération de codes PIC utilisant des solveurs de Maxwell pseudo-spectraux infiniment précis et massivement parallèles (code PICSAR) [3-7]. Malgré leur précision, ces solveurs ont été progressivement abandonnés au profit des solveurs FDTD, du fait de leur faible scalabilité, jusqu’à 10 000 cœurs seulement. Une nouvelle technique de parallélisation [4,5] de ces solveurs a alors été développée jusqu’à 1 000 000 de cœurs, rendant possible pour la première fois leur utilisation à très grande échelle dans des simulations PIC 3D sur la machine MIRA aux USA [3]. Nous avons notamment montré que ces solveurs convergent beaucoup plus rapidement à résolution identique vers la solution physique que les solveurs FDTD. Par exemple dans le cas de l’interaction laser-solide, notre étude démontre que notre code converge 500 fois plus rapidement que les codes standards, pour lesquels il est donc impossible de converger vers la solution même sur les plus gros calculateurs exascale à venir.
La précision apportée par notre code a récemment permis deux avancées majeures :
Cette étude montre une nouvelle fois toute l'importance de la simulation de type PIC pour la maitrise des impulsions laser de ultra haute intensité, qui permet de révéler de nouveaux effets et de proposer ainsi de nouvelles expériences, pour explorer ces régimes d'intensités extrêmes qui deviennent aujourd'hui accessibles avec l'avènement de la dernière génération de lasers UHI.
Références :
Voir les faits marquants antérieurs sur les miroirs plasmas "UHI-100" :
Voir l'observation expérimentale réalisée en 2022 : "Miroir plasma : un pas supplémentaire pour approcher la limite de Schwinger et sonder le vide".
Contact CEA-IRAMIS : Henri Vincenti (IRAMIS/LIDYL/PHI)
Le développement du code PICSAR s’est fait en collaboration entre l'équipe PHI du LIDYL et le Lawrence Berkeley National Laboratory (LBNL), voir le site : https://www.picsar.net.
Collaboration :
• Interaction laser-matière › Interaction laser-matière en champ fort
• Institut Rayonnement Matière de Saclay • Laboratory of Physics and Chemistry of Surfaces and Interfaces