CEA | CNRS |
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GROUPE AD HOC DE PROSPECTIVE NEUTRONS
RAPPORT
Ce rapport, établi à la demande du CEA et du CNRS, a été présenté en Novembre 1997 à ces organismes, qui en ont recommandé la diffusion. Il ne reflète pas la position officielle des organismes. Le groupe de travail n'a pris en compte que les aspects scientifiques, laissant en particulier de côté toute considération financière.
Edition Juin 1998
La transposition de la forme papier
au format électronique a légèrement
modifié la mise en page de ce rapport. Il est disponible, dans sa
forme originale sur papier, sur simple demande, au secrétariat du groupe ad-hoc :
B. FARNOUX, DSM, CEA-Saclay, Orme des Merisiers, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex.
TABLE DES MATIERES
Lors du conseil d'administration extraordinaire du laboratoire Léon Brillouin (LLB), qui s'est tenu le 30 septembre 1996 à Saclay, le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) et le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) ont convenu d'instaurer un groupe de réflexion relatif à l'utilisation des neutrons.
La mission du groupe a été définie par la lettre du 8 Janvier 1997. Elle est, dans les perspectives européennes d'évolution des sources de neutrons, d'apprécier les besoins de la communauté scientifique française en termes de caractéristiques des sources, d'équipements expérimentaux et temps de faisceau pour les dix prochaines années.
Les questions posées par la lettre de mission sont jointes en annexe (Annexe 1) ainsi que la liste des membres du groupe (Annexe 2) qui ont été, pour la plupart, choisis parmi les utilisateurs.
Nommés au mois de Janvier 1997, les membres du groupe se sont réunis sept fois, le 6 Février, le 27 Mars, le 29 Avril, le 27 Mai, le 17 Juin, le 3 Septembre et le 30 Septembre. Chaque réunion a fait l'objet d'un compte rendu transmis aux organismes. A la demande des deux organismes (paragraphe II de la lettre de mission), un document intermédiaire, appelé " Etat des travaux ", faisant le point sur l'avancement des travaux à l'issue des trois premiers mois de travail, a été remis le 14 Mai 1997.
La mission du groupe s'est déroulée dans le contexte imprévu de l'annonce de la dénonciation par le CNRS de la convention le liant au CEA pour l'utilisation du réacteur ORPHEE (lettre du 24 Décembre 1996).
Pour répondre aux questions posées par la lettre de mission, des enquêtes ont été réalisées par la Société Française de Neutronique (SFN) (§ 6.1) et par les membres du groupe. Ceux-ci se sont en outre appuyés sur des études de prospective réalisées ces dernières années (OCDE, UE, ESF,...) et sur des rapports existants. La liste des principaux documents est donnée en annexe 3. Pour compléter leur information, les membres du groupe ont rendu visite aux laboratoires concernés, le Laboratoire Léon Brillouin, l'Institut Laue-Langevin (ILL) et le Département de Recherche Fondamentale sur la Matière Condensée (DRFMC du CEA/Grenoble) et ont pris contact avec les responsables des laboratoires européens proches (ISIS, Jülich, Munich). Ce rapport rassemble les idées recueillies par ces différentes voies et celles suscitées par les questions posées.
Compte tenu de sa longueur, le présent rapport est accompagné d'une note de synthèse qui en résume les principales constatations et conclusions, et qui décrit au passage le contenu des chapitres 3 à 8 ci-après. A titre d'introduction, nous en reproduisons ici une partie.
1 – Il ressort de l'inventaire des expériences réalisées en France ces dernières années (Ch. 3), de l'analyse détaillée des thèmes étudiés par les utilisateurs des neutrons (§ 4.1) et de l'examen du contexte scientifique international (§ 4.2) que le neutron restera dans la prochaine décennie (§ 4.3) une sonde irremplaçable pour l'étude de la matière, concurremment avec le rayonnement synchrotron (§ 5.4).
2 – Grâce à une politique de rationalisation, les utilisateurs français ont accès aux deux meilleures sources continues de neutrons actuelles, l'une nationale à flux moyen, le réacteur ORPHEE de Saclay, l'autre internationale, le Réacteur à Haut Flux (RHF) de Grenoble (§ 5.1.1). Complémentaires par leurs performances et par leurs usages scientifiques (§ 5.1.3), ces sources sont équipées d'instruments performants (§ 5.3 et Annexe 8).
A l'étranger (§ 5.1.2 et Annexe 8), la situation technique est souvent moins adéquate : les sources existantes sont anciennes, et devront en majorité fermer d'ici 5 à 15 ans ; la mise en service dans 5 ans à Munich d'un nouveau réacteur, intermédiaire entre ORPHEE et le RHF, n'aura sans doute pas d'incidence forte sur l'utilisation de l'ILL et du LLB.
Les neutrons de spallation (§ 5.2) n'intéressent pour l'instant les chercheurs français que pour un petit nombre d'expériences, où ils sont indispensables ; mais il convient de rester attentif au projet de Source Européenne à Spallation (ESS), susceptible de prendre la suite du RHF dans 15 ou 20 ans.
3 – L'emploi des neutrons peut bénéficier aux disciplines les plus variées non seulement de la physique mais de toute la science (§ 4.3), de sorte que les communautés concernées sont par nature extrêmement dispersées (Annexes 4 et 5), peu structurées, mal délimitées et souvent occasionnelles. Pourtant, en France, les atouts existants pourraient être mieux utilisés par les chercheurs : à côté de groupes, intérieurs ou extérieurs au LLB et à l'ILL, qui tirent le meilleur parti des instruments et des techniques pour faire progresser leurs recherches, il existe dans bien des domaines d'importants réservoirs d'utilisateurs potentiels (§ 6.1 et § 6.2).
En raison de la forte technicité nécessaire à l'emploi des neutrons, la formation des utilisateurs (§ 6.3) et leur accueil par les permanents du LLB et de l'ILL (§ 6.5) sont essentiels. Si le nombre d'utilisateurs est de l'ordre de 600 en France pour 800 en Allemagne, il est de 1200 au Royaume-Uni et 300 en Suisse, probablement parce que dans ces deux derniers pays une formation systématique et permanente des utilisateurs existants et potentiels a été organisée depuis longtemps.
L'usage industriel des neutrons, trop peu développé en France (§ 6.4), pourrait être amélioré par des actions de formation, d'information et de prospection.
Après une époque de concurrence lors de l'ouverture de l'European Synchrotron Research Facility (ESRF), une synergie se développe entre l'emploi du rayonnement synchrotron (RS) et celui des neutrons à mesure que les utilisateurs prennent conscience de la complémentarité des deux techniques (§ 5.4 et § 5.5). Cette stimulation a apporté depuis quelques années un regain de dynamisme à la communauté des utilisateurs de neutrons (§ 6.5).
On peut s'attendre à une croissance lente de la pression sur l'ensemble des deux sources, surtout si des actions adéquates de formation et de prospection sont menées.
4 – Contrairement aux autres Très Grands Equipements (TGE), le rayonnement synchrotron et surtout les neutrons ne peuvent être utilisés efficacement, compte tenu de la nature des communautés concernées, qu'en s'appuyant sur un laboratoire national centré sur une source (§ 7.1). Seule cette structure permet d'assurer les multiples fonctions indispensables de formation (§ 6.3), de structuration des communautés (§ 7.2.1), d'accueil (§ 7.2.3), de développement technique (§ 7.3), tout en permettant des essais non programmés, des expériences risquées (§ 7.2.2) et un accès adéquat pour les industriels (§ 6.4).
Ces tâches, dévolues au LLB, ne sont pour la plupart pas du ressort de l'ILL (§ 7.2). Les CRG, qui facilitent l'accès national au RHF (§ 7.4), ne peuvent pas les assurer.
5 – La recommandation première du groupe, basée sur ces diverses constatations, est de maintenir dans la prochaine décennie l'accès de la communauté française aux deux sources restantes, avec leurs spécificités et leurs complémentarités scientifique et technique. Sinon, des pans entiers de la recherche seraient sacrifiés (§ 8.1).
Cette politique devrait s'accompagner d'un accroissement, scientifique et financier, des participations étrangères, dans le contexte de la fermeture prévue de nombreuses sources.
6 – Un emploi plus efficace des neutrons en France suppose des actions volontaristes et des réformes importantes.
Le rapport se termine (§ 8.2) par des propositions dans ce sens, visant à la prospection des utilisateurs potentiels, notamment dans l'industrie, à la systématisation des actions de formation à tous les niveaux, à l'ajustement entre besoins et moyens, à l'assouplissement du fonctionnement et à l'amélioration des conditions d'accès au site du LLB (§ 7.2.4). Des changements de structures adéquats devraient aider ce laboratoire à mieux assurer ses multiples missions.
De par leur nature même, l'utilisation de TGE tels que les sources de neutrons concerne une très grande partie de la communauté scientifique nationale. Cette pluridisciplinarité constitue la richesse de ces TGE, mais complique leur emploi rationnel, chaque composante ayant des exigences spécifiques, et l'utilisation des instruments nécessitant une bonne connaissance de la technique. Elle rend plus difficile la prospective car l'inventaire exhaustif des utilisateurs et de leurs besoins est d'autant plus complexe. Le présent inventaire a été réalisé à partir de l'exploitation des fichiers du LLB, et de ceux de l'ILL.
L'analyse des chiffres et statistiques est faite sur la période qui a suivi le redémarrage de l'ILL. Depuis 1994 le LLB a accueilli 172 équipes françaises différentes. Ce total représente environ 700 chercheurs qui sont venus au moins une fois au cours de ces trois dernières années pour réaliser ou participer à une expérience (la liste des laboratoires est jointe en annexes 4 et 5). On note de plus une importante proportion, de l'ordre du tiers, d'utilisateurs étrangers. Pendant la période d'arrêt de l'ILL le nombre de laboratoires représentés était largement supérieur.
Au LLB, de façon plus précise, le nombre de propositions d'expériences faites au cours des tables rondes de 1994, 95 et 96 est respectivement de 440, 442, 412 dont 251, 254 et 247 émanant des laboratoires nationaux. La baisse du chiffre correspondant à 1996 est due à l'introduction des propositions pluriannuelles qui, étant par nature plus thématiques, mettent en jeu des demandes d'expériences sur des instruments différents. La demande réelle répartie par appareil est en fait supérieure à celles des années précédentes.
Par rapport au total demandé, seulement 70%, 68% et 56% du temps a été accordé en première priorité pour les trois années considérées. Le bilan final de chaque année fait apparaître un temps réellement utilisé supérieur au temps réparti en première priorité, ce qui signifie que des expériences moins prioritaires et surtout des expériences soumises en cours d'année hors des tables rondes ont pu être effectuées. Ce résultat positif est dû au fonctionnement sans heurt ni arrêt intempestif du réacteur et de l'instrumentation de mesure de 1994 à 1997.
Les propositions d'expériences, émanant de la communauté française et étrangère, sont regroupées au LLB en quatre thématiques: Physico-chimie et biologie, Structures et transitions de phase, Magnétisme et supraconductivité, Systèmes désordonnés et matériaux. Le tableau ci-dessous donne les pourcentages de temps d'expérience par catégorie, en prenant comme référence les propositions faites en automne 1996 pour l'exercice 1997.
Demande française p.r. à la demande générale dans chaque discipline | Demande française p.r. au total général | Demande française p.r. à l'ensemble français | Poids de chaque discipline p.r. au total | Pourcentage de temps accordé dans chaque discipline | |
Physico-chimie et biologie |
83% |
18% |
28% |
22% |
53% |
Structures et transitions de phase |
75% |
15% |
23% |
20% |
60% |
Magnétisme et supraconductivité |
54% |
20% |
30% |
37% |
60% |
Systèmes désordonnés et matériaux |
61% |
12% |
19% |
21% |
53% |
65 % |
100 % |
100 % |
56 % |
Au sein de la communauté française, le poids des deux thèmes physico-chimie-biologie et magnétisme-supraconductivité est à peu près équivalent (30%) ; il est supérieur à celui des deux autres disciplines. Par rapport au total des demandes, le magnétisme est largement prépondérant (37%), compte tenu de l'importante participation étrangère liée à l'existence de spectromètres propres dédiés à ce thème et développés par des équipes étrangères. Il faut noter que la participation étrangère au LLB n'apparaît pas en totalité dans ce tableau car le tiers de temps réservé sur les spectromètres construits par des équipes extérieures n'a pas été pris en compte.
Dans la dernière colonne du tableau ci-dessus, le pourcentage de 56% de temps accordé par rapport à la demande paraît sain : un chiffre plus élevé pourrait signaler une demande trop faible en nombre ou en qualité.
A l'ILL, la demande française totale était de 2402 jours pour 1995, 2210 jours pour 1996. Pour 1997, 365 propositions d'expérience ont été soumises, 245 ont été acceptées. Sur les trois années 1995, 1996 et 1997, environ 400 chercheurs appartenant à 150 laboratoires français ont été concernés. Les tableaux ci-dessous situent la demande française et les temps accordés par rapport à la demande totale, avec la classification thématique en usage à l'ILL.
Année 1995 |
Demande française p.r. à la demande générale dans chaque discipline |
Demande française p.r. au total général |
Demande française p.r. à l'ensemble français |
Poids de chaque discipline p.r. au total |
Pourcentage de temps accordé dans chaque discipline |
Physique fondamentale et nucléaire |
15,3 % |
3,8 % |
15,3 % |
24,9 % |
30,5 % |
Excitations structurales et magnétiques |
33,2 % |
4,8 % |
19,3 % |
14,6 % |
39,7 % |
Cristallographie |
30,0 % |
3,1 % |
12,5 % |
10,3 % |
50,1 % |
Magnétisme |
24,0 % |
3,3 % |
13,3 % |
13,7 % |
57,1 % |
Liquides et verres |
23,1 % |
2,9 % |
11,7 % |
12,7 % |
34,1 % |
Matériaux et surfaces |
35,2 % |
1,4 % |
5,6 % |
4,0 % |
34,1 % |
Biologie |
34,6 % |
3,0 % |
12,1 % |
8,8 % |
52,3 % |
Matière molle |
22,4 % |
2,5 % |
10,1 % |
10,9 % |
41,6 % |
24,8 % |
100 % |
100 % |
41,3 % |
||
Année 1996 |
|||||
Physique fondamentale et nucléaire |
14.7 % |
2,6 % |
9,8 % |
17.5 % |
59,2 % |
Excitations structurales et magnétiques |
27,6 % |
4,9 % |
18,3 % |
17,6 % |
47,7 % |
Cristallographie |
28,8 % |
3,0 % |
11,2 % |
10,6 % |
65,7 % |
Magnétisme |
22,9 % |
4.1 % |
15,3 % |
17,7 % |
58,1 % |
Liquides et verres |
26,6 % |
2,5 % |
9,4 % |
9,5 % |
45,3 % |
Matériaux et surfaces |
35,9 % |
3.0 % |
11,3 % |
8,4 % |
43,9 % |
Biologie |
43,0 % |
4,3 % |
16,1 % |
9,9 % |
58,1 % |
Matière molle |
25,9 % |
2,3 % |
8,6 % |
8,8 % |
51,5 % |
26,7 % |
100 % |
100 % |
41,3 % |
Année 1997 |
|||||
Physique fondamentale et nucléaire |
17.2 % |
3,6 % |
13,9 % |
21,1 % |
36,8 % |
Excitations structurales et magnétiques |
34,6 % |
5,4 % |
20,9 % |
15,7 % |
50,8 % |
Cristallographie |
24,6 % |
2,5 % |
9,7 % |
10,4 % |
62,8 % |
Magnétisme |
21,6 % |
4.0 % |
15,5 % |
18,3 % |
60,3 % |
Liquides et verres |
34,5 % |
3,4 % |
13,3 % |
9,9 % |
49,5 % |
Matériaux et surfaces |
25,8 % |
1,9 % |
7,4 % |
7,4 % |
52,2 % |
Biologie |
34,0 % |
2,8 % |
10,8 % |
8,1 % |
70,5 % |
Matière molle |
24,0 % |
2,2 % |
8,5 % |
9,1 % |
52,4 % |
25,8 % |
100 % |
100 % |
41,3 % |
Le tableau suivant précise le temps obtenu (en jours) par les équipes françaises pour chaque thématique :
1995 |
1996 |
1997 |
|
Physique fondamentale et nucléaire |
92,7 |
127,5 |
98 |
Excitations structurales et magnétiques |
209,4 |
254,9 |
288,2 |
Cristallographie |
146,5 |
179,1 |
121,6 |
Magnétisme |
158,4 |
222 |
249,2 |
Liquides et verres |
110,5 |
81,4 |
130,2 |
Matériaux et surfaces |
46,6 |
108 |
81,3 |
Biologie |
155,1 |
204 |
238,5 |
Matière molle |
132,9 |
105,4 |
121,2 |
total |
1052,1 |
1282,4 |
1328,2 |
A ces chiffres s'ajoute à partir de juin 1995 le temps des deux CRG opérationnels (§ 7.4). Il s'élève à 553 jours pour les trois années et il concerne principalement le magnétisme et la supraconductivité. De façon générale, l'évolution de la demande n'est pas facile à analyser compte tenu du redémarrage récent du RHF. Globalement on note une certaine décroissance dans le thème des études structurales, la demande diminuant de 3% entre 95 et 96. Cette décroissance pourrait s'expliquer par un flux plus tendu antérieurement, alors en rapport avec la poussée d'intérêt pour les oxydes supraconducteurs à haute température. Les autres disciplines restent stables mais avec une évolution interne notable dans la section systèmes désordonnés - matériaux, où la part des matériaux est en nette progression.
Au total, la demande française sur le LLB et l'ILL marque une légère tendance à la croissance. Les chiffres, qui fluctuent assez fortement d'une année sur l'autre, sont plus élevés au LLB qu'à l'ILL, ce qui est naturel pour une source nationale.
Afin de décrire plus en détail les différentes composantes de la communauté, le groupe a choisi de classer les sujets scientifiques étudiés selon les six thèmes suivants :
Les grands axes de recherche et les résultats les plus significatifs sont indiqués afin que l'importance actuelle de la diffraction et de la diffusion des neutrons par rapport aux autres techniques d'étude de l'état condensé apparaisse le plus exactement possible. On essayera plus loin ( § 4.3) de dégager les sujets dans lesquels on peut attendre des développements fructueux dans les années qui viennent.
L'utilisation à des fins industrielles est traitée dans chaque thème. De par sa nature elle intéresse principalement ORPHEE. Deux techniques d'utilisation des neutrons, qui sont essentiellement de caractère appliqué ou industriel, ne sont mentionnées que brièvement au paragraphe 4.1.7, car elles sont développées en dehors du LLB.
La cristallographie neutronique reste un outil irremplaçable dans de nombreux cas, tant pour les capacités de pénétration, que pour les propriétés de contraste isotopique, de diffusion nucléaire et magnétique. Cet outil est toujours apprécié par la communauté et les laboratoires français présents dans cette discipline sont très variés et répartis sur l'ensemble du territoire.
Les avantages ou spécificités de la diffraction neutronique rappelés ci-dessus l'ont rendue tout à fait pertinente pour anticiper et accompagner les récentes et larges vagues de recherche sur les matériaux nouveaux : supra à hautes Tc, quasi-cristaux, systèmes à magnétorésistance géante, aimants puissants, systèmes moléculaires, matériaux composites et super alliages, diagrammes d'états en conditions extrêmes.
De façon générale, cette partie classique de la neutronique est la plus accessible aux moins initiés. A l'heure actuelle, elle bénéficie de plus en plus de techniques nouvelles (optiques amont, dynamique de détection et résolution de localisation, traitement du signal et de l'information…), ce qui permet de réduire considérablement le handicap réputé de la faiblesse relative des flux. On peut ainsi étudier en neutronique des objets petits, ou même des surfaces. La topographie, la tomographie, l'analyse des textures, permettent aussi de sortir des "images" sur plusieurs ordres de grandeur en intensité du signal. Ces méthodes d'imagerie plus massives devraient attirer les partenaires industriels grâce à une analyse améliorée en dynamique d'acquisition et en résolution spatiale.
En ce qui concerne la diffraction in-situ, une demande renouvelée et sans doute importante est à attendre avec la mise en service du détecteur rapide de D20 à l'ILL. Cela permettra de réaliser aussi bien des expériences stroboscopiques (chimie, mécanique) que résolues en temps, en pression, en température, intéressant autant le domaine de la physique des transitions de phases que celui de la réactivité chimique. Ces aspects originaux de la diffraction in-situ devraient intéresser les partenaires industriels.
Le neutron est une sonde indispensable pour l'étude des fluctuations et des excitations de basse énergie dans la matière condensée. Par rapport au photon, il a en effet une capacité de pénétration plus importante, et il possède, à longueur d'onde donnée, une énergie plus faible qui permet des mesures précises de faibles transferts d'énergie. Cet avantage de la diffraction neutronique est largement exploité pour l'étude des transitions structurales et la détermination des spectres de phonons ou des excitations magnétiques (celles-ci sont discutées dans le paragraphe suivant).
Dans l'étude des transitions ordre-désordre on peut citer parmi les résultats récents la détermination de l'ordre orientationnel dans les composés moléculaires à groupements méthyl ou les fullérènes. Dans le domaine des transitions displacives un certain nombre de composés modèles ont été étudiés qui présentent des modulations commensurables ou incommensurables associées à des modes particuliers de vibrations. Dans ce domaine, les transitions structurales avec couplage électron-phonon sont particulièrement intéressantes car elles conditionnent les propriétés électroniques et magnétiques des systèmes concernés.
Il faut également mentionner ici le problème important des systèmes quasi-cristallins. Des résultats marquants, apportant une contribution essentielle à la compréhension des propriétés structurales et dynamiques de ces systèmes, ont été obtenus au LLB par l'étude des sauts atomiques.
L'activité dans l'ensemble de ce secteur, complémentaire de celle de la cristallographie, est spécifique aux neutrons. La communauté nationale est bien représentée et il faut prévoir une demande globale constante sinon croissante, liée à l'intérêt soutenu pour les matériaux.
Le développement instrumental actuel, en particulier au niveau de l'environnement des spectromètres, ouvre des possibilités d'étude de systèmes sous conditions extrêmes. Au LLB un équipement de mesure sous haute pression installé sur un spectromètre 3-axes a déjà permis la détermination précise des branches de phonons dans le germanium et le zinc jusqu'à 10 GPa. Ce type d'instrumentation spécifique peut offrir des perspectives intéressantes à la géophysique.
En magnétisme, les neutrons, qui constituent un outil d'étude irremplaçable, sont en jeu dans pratiquement tous les thèmes actuels :
- l'analyse de la structure magnétique de nouveaux matériaux est un élément important de leur caractérisation. Elle est complémentaire des autres techniques de caractérisation du magnétisme (mesures magnétiques macroscopiques, spectroscopie Mössbauer, RMN, et plus récemment dichroïsme magnétique des rayons X). La détermination des arrangements de moments par diffraction neutronique joue un rôle central dans la compréhension des liens subtils existant entre interactions de natures diverses. Seule la diffraction neutronique a permis par exemple de comprendre un certain nombre de comportements complexes, d'abord interprétés de façon erronée (coercitivité intrinsèque, métamagnétisme d'électrons itinérants, réduction du moment 4f par hybridation avec la bande de conduction,...). Un nouvel intérêt existe aujourd'hui pour des oxydes magnétiques de type perovskites, dont les structures cristallographiques sont proches de celles des supraconducteurs à haute température critique.
- La mesure de densité de spins par diffraction de neutrons polarisés est un outil sans équivalent pour déterminer la répartition du magnétisme dans des systèmes très variés. De belles études récentes dans ce domaine concernent par exemple les composés moléculaires.
- Un autre thème d'étude concerne les interactions dans les systèmes frustrés (verres de spin, liquides de spin, quasi-cristaux). L'analyse quantitative de structures magnétiques complexes dans des composés à base de terres rares permet d'analyser la compétition entre interactions magnétiques de portées différentes.
- Dans les systèmes de fermions corrélés, la diffraction neutronique participe à la compréhension de l'interaction entre moments localisés et électrons itinérants, à travers la séparation par analyse des facteurs de forme, entre caractères normal, Kondo, valence intermédiaire.
- La diffusion inélastique des neutrons est un outil unique d'analyse du magnétisme des systèmes de basse dimensionnalité. Elle a permis les premières mises en évidence des solitons magnétiques dans des composés unidimensionnels et du gap de Haldane dans une chaîne antiferromagnétique de spins S=1.
- Les études sur les couches minces et multicouches profitent pleinement du développement de nouvelles techniques telles que réflectométrie de neutrons et diffraction rasante. En particulier, la réflectométrie des neutrons est la seule technique ultrasensible de mesure absolue de moments magnétiques dans les multicouches. Dans les systèmes multicouches, le fait que les neutrons pénètrent dans la matière donne accès à l'étude des interfaces. La périodicité à longue distance de ces systèmes procure une possibilité unique et non encore exploitée d'analyse de la localisation de la polarisation des électrons de conduction. La diffraction rasante des neutrons est une technique encore toute nouvelle qui devrait permettre d'aborder l'étude des ordres magnétiques en surface.
- Du point de vue des applications industrielles, l'utilisation des neutrons en magnétisme a été jusqu'à présent limitée à la caractérisation fondamentale de matériaux de caractère industriel. La dépolarisation des neutrons, méthode de caractérisation des domaines magnétiques à l'intérieur de la matière, pourrait aussi trouver certaines applications industrielles.
Au moment de la découverte des matériaux supraconducteurs à haute température critique, la diffraction des neutrons a d'abord contribué de façon essentielle à la détermination de leur structure cristallographique. Ce type d'étude a permis de définir les critères d'élaboration de matériaux de qualité. Plus récemment l'utilisation de la diffraction et de la diffusion des neutrons a donné des informations capitales sur les propriétés fondamentales de ces systèmes. Elle a fortement contribué à la compréhension actuelle de leur diagramme de phase et en particulier de la corrélation entre le magnétisme et la supraconductivité qui est une des caractéristiques essentielles de ces matériaux. Une grande variété d'arrangements magnétiques en fonction de divers dopages a été mise en évidence. Les études des excitations de réseaux et des fluctuations magnétiques ont apporté des informations importantes en révélant la très grande dispersion en énergie des excitations de spin ainsi que l'existence d'un gap de spin à basses températures dans les états normal et supraconducteur.
La diffraction des neutrons a été aussi utilisée pour étudier les réseaux de vortex dans ces matériaux, leur disparition sous champ magnétique intense, le phénomène de fusion de réseau à température finie.
Dans le domaine de la structure des liquides et des solides désordonnés, la diffusion neutronique possède un champ d'application très vaste et largement exploité par les équipes qui travaillent sur ce sujet. L'intervalle de vecteurs d'onde très étendu permet d'étudier la structure dans un grand domaine de distances où des comparaisons précises avec les modèles de structure atomique obtenus par simulation numérique peuvent être effectuées. La possibilité de substitution isotopique pour plusieurs éléments constituants des verres industriels permet de déterminer avec précision certaines fonctions de corrélations de paires atomiques.
La dynamique de relaxation dans les liquides qui se condensent en verres est un élément essentiel de compréhension du mécanisme de la transition vitreuse. Les neutrons permettent cette étude, par les techniques de haute résolution (temps de vol, rétrodiffusion, écho de spin). Ils sont extrêmement utiles pour tester les modèles théoriques de la transition vitreuse (théorie de couplage de modes en particulier). Les modes de vibration de basse fréquence sont associés aux mouvements de la structure, à des longueurs d'onde de l'ordre du nanomètre. Cette échelle, difficilement accessible aux méthodes d'étude directes de la structure, représente un domaine crucial pour la compréhension des caractéristiques structurales des verres. Le domaine de fréquences couvert par la diffusion quasiélastique et inélastique des neutrons apporte des informations uniques sur ce problème.
Dans le cas des matériaux organiques, verres moléculaires et polymères, la substitution isotopique de l'hydrogène donne un accès facile à la densité d'états de vibration et de relaxation. La spectrométrie de phonons, possible par la diffusion Brillouin des neutrons, est un domaine en plein développement qui devrait fournir des informations sur la nature des modes de vibration acoustiques de haute fréquence, responsables en particulier du transport thermique dans les verres. La diffusion de neutrons permet aussi des études de la transition vitreuse obtenue par compression isotherme. Ces travaux apportent des informations sur les propriétés structurales des verres.
La diffusion des neutrons aux petits angles (DNPA) est largement utilisée pour caractériser la structure des matériaux poreux. Elle permet des comparaisons fructueuses avec les modèles des structures désordonnées (modèle fractal en particulier). La dynamique vibrationnelle de ces structures est également étudiée par diffusion inélastique à haute résolution. Ces milieux nanoporeux –aérogels en particulier– fournissent un cadre de choix pour l'étude de la dynamique des fluides en géométrie confinée.
Dans le domaine des verres industriels, il existe des applications potentielles des neutrons qui devraient être développées. On peut citer les études structurales (principalement par diffusion aux petits angles) de vitrocéramiques et de verres démixés, de verres contenant des nanocristallites semi-conducteurs, de semi-conducteurs amorphes, de verres conducteurs ioniques, d'électrolytes solides amorphes, de verres complexes utilisés pour le confinement des déchets, radioactifs en particulier. On peut également caractériser des couches minces, des capteurs, des matériaux amorphes pour optique non linéaire.
La DNPA constitue un outil particulièrement adapté aux études structurales des polymères et colloïdes en raison notamment de la possibilité de substitution isotopique qui permet une détermination de facteurs de structure partiels. La dynamique de ces systèmes, caractérisée par des temps très longs comparés à ceux des systèmes atomiques est accessible par les techniques de diffusion inélastique cohérente ou incohérente. Récemment, des chercheurs du LLB ont réalisé une avancée notable avec la mise au point de la technique de contraste moyen nul qui permet d'obtenir directement le facteur de forme statique ou dynamique d'une chaîne de polymère.
Au cours de ces vingt dernières années des résultats spectaculaires ont été obtenus par DNPA dans le domaine des polymères. L'on peut citer en particulier la vérification de l'universalité des lois d'échelle dans les solutions et les fondus de polymères. Le LLB a joué un rôle central dans le développement de ce thème, en grande partie grâce à un couplage très étroit entre physiciens expérimentateurs, physiciens théoriciens et chimistes. Sur le plan dynamique, c'est principalement le groupe de Jülich qui a réalisé les expériences d'écho de spin, qui ont conduit à une vérification expérimentale de la théorie de reptation de de Gennes.
Un autre domaine dans lequel la diffusion de neutrons a joué un rôle majeur concerne les auto assemblages et plus particulièrement les auto assemblages de tensioactifs. La DNPA a ainsi conduit à une description détaillée de la structure de micelles de différentes morphologies, de la conformation de polymères cristaux liquides, de la courbure de films interfaciaux dans des microémulsions bicontinues.
Plus récemment, on a constaté un intérêt croissant pour l'étude de propriétés interfaciales et plus particulièrement pour la détermination de profils de concentration de polymères aux interfaces.
Tous les exemples cités ci-dessus correspondent à des systèmes modèles à l'équilibre thermodynamique pour lesquels il existe des théories robustes. On dispose donc d'une bonne compréhension de ces systèmes d'autant que l'amélioration constante des techniques expérimentales et les possibilités de mesure à plus faibles vecteurs d'onde, à l'ILL, permettent d'en raffiner la description.
Cependant l'intérêt de la communauté "matière molle" se déplace actuellement vers les recherches sur des systèmes plus complexes, souvent hors d'équilibre, et pour lesquels les approches théoriques ne sont pas très avancées.
La recherche industrielle est encore mal développée. Les utilisateurs les plus fidèles de la DNPA font essentiellement appel aux installations du LLB et proviennent de Rhône Poulenc (élastomères, suspensions de silice, tensioactifs), de l'IFP (asphaltènes) ou de l'INRA (gels alimentaires épaississants). Il y a pourtant un très vaste domaine d'applications des neutrons et nous avons cité plus haut certains problèmes qui intéressent la plupart des grandes compagnies (Elf Atochem, Sté des Ciments Français, Rhône Poulenc, Coatex, Michelin, Hutchinson, Danone, ...). Notons que ces compagnies ont créé un groupe de réflexion "Formulation" avec notamment comme objectif la mise au point de programmes communs entre la recherche publique et l'industrie sur le thème des fluides complexes. Il faudrait que, dans la définition des programmes de recherche, la diffusion des neutrons, qui peut apporter des renseignements spécifiques impossibles à obtenir autrement, ne soit pas oubliée. On peut aussi insister sur l'apport primordial que constitue la technique de variation de contraste lorsque les systèmes deviennent plus complexes. Ainsi les colloïdes et gels minéraux qui jusqu'à présent ont été étudiés principalement par rayons X (RX) peuvent faire l'objet de nouvelles études par neutrons du fait de l'adjonction à ces systèmes de tensioactifs ou de polymères.
On traite dans cette rubrique des études qui relèvent d'une discipline, parfois appelée la Métallurgie Physique, mais qui ne se réduit pas à l'étude physico-chimique des métaux et de leurs alliages. On cherche à connaître et à comprendre le comportement des matériaux sous diverses sollicitations, en fonction de leur composition, de leur structure et de leur microstructure. Une partie de la Chimie des Solides relève de cette activité (réactivité, transformations de phases, corrosion, tenue mécanique ...), l'autre (synthèse, structures, propriétés physiques élémentaires) étant traitée dans d'autres sections (cristallographie, magnétisme....). L'activité scientifique dans ce domaine couvre un spectre large, depuis des questions très fondamentales (stabilité des alliages, mécanismes de diffusion, cinétiques configurationnelles...) jusqu'à des problèmes industriels (vieillissement d'alliages, concentration de contraintes et rupture, tenue d'électrolytes solides au cyclage électrochimique...). Complexité et hétérogénéité sont des données incontournables de ce domaine. Dans ce contexte, si les neutrons sont une méthode irremplaçable pour certains problèmes (pénétration, contrastes, hydrogène, magnétisme, dynamique de réseau), d'autres techniques d'observation (observations dans l'espace direct, spectroscopies diverses, rayons X) sont indispensables. La plupart des techniques générales de neutronique sont utilisées dans ce domaine ; certaines sont spécifiques (textures, mesures de contraintes internes, neutronographie)* ; d'autres, d'un usage courant dans d'autres disciplines (diffusion aux petits angles, diffraction de poudres, diffusion diffuse), jouent un rôle important en Métallurgie. La diffusion inélastique et quasi-élastique, et la réflectométrie donnent aussi lieu à de très belles études (respectivement pour la diffusion atomique à l'état solide et les couches minces et multicouches, par exemple). Une partie importante de cette communauté s'exprime déjà en termes d'études cristallographiques et magnétiques neutroniques. La dynamique des réseaux, comme expliqué au paragraphe 4.1.1.2, relève également des centres d'intérêts du métallurgiste et du physicien du solide neutroniciens.
Au cours de la dernière décennie, pour les
laboratoires français, des résultats majeurs ont été
obtenus sur :
- l'ordre local dans les alliages, fondement expérimental
du développement de la théorie statistique et électronique
des alliages (surtout LLB) ;
- la structure des alliages quasi-cristallins c'est à dire la détermination
des surfaces atomiques par comparaison Rayons X - neutrons sur échantillons
isotopiquement enrichis (surtout ILL);
- les vibrations atomiques dans les quasi-cristaux : identification
des courbes de dispersion de phonons (surtout LLB) ;
- la mise en évidence des sauts à courte distance des diverses
espèces atomiques dans les quasi-cristaux, élément
indispensable à la détermination du mécanisme de diffusion
dans ces matériaux (surtout LLB) ; il en va de même pour les
composés intermétalliques cristallins (LLB, ILL) ;>
- les cinétiques de démixtion thermique ou sous irradiation
d'alliages (LLB, ILL) : effets de cohérence sur la forme des zones,
distinction des divers régimes de démixtion, structure des
précipités obtenus par irradiation... ;
- les aciers de cuve irradiés en service aux réacteurs
EDF (Chooz, Dampierre), qui ont révélé une corrélation
entre le nombre (et non la taille) d'amas formés et la dose intégrée
(ILL; études semblables à la demande d'autres organismes
au LLB),
- l'élucidation du mécanisme de dégradation des
électrodes des piles de type Leclanché (ILL).
Venant de laboratoires extérieurs, un renouveau
des sujets est visible (nano-poudres, structure et stabilité des
réseaux de vortex...), ainsi qu'un accroissement de la demande industrielle
(contraintes, textures). L'effort dans ce domaine est concentré
sur le LLB.
Les études relevant de ce qu'on peut appeler "la métallurgie
des polymères" sont évoquées dans le paragraphe
4.1.3.
L'eau, support du vivant, est un liquide ayant des propriétés remarquables, exceptionnelles par rapport aux autres liquides, propriétés encore mal appréhendées. A cause de leur sensibilité aux positions et aux mouvements des atomes d'hydrogène, les neutrons continuent à contribuer de façon unique à l'étude de la structure et de la dynamique de l'eau. La tendance actuelle au sein de cette thématique concerne les études en fonction de la pression, de la température et en présence de solutés divers.
En biologie moléculaire structurale les neutrons ont contribué à l'étude d'enzymes, de membranes, d'acides nucléiques, de divers complexes acide nucléique-protéine, d'interactions macromoléculaires variées, de structures fibreuses comme le collagène. Dans ce domaine, les problèmes évoluent très rapidement notamment à cause des centaines de structures de protéines qui sont résolues chaque année par RX ou RMN. En parallèle, à l'autre extrême de la fenêtre d'intérêt en taille et en temps, on trouve la biologie cellulaire avec ses nouvelles méthodes d'imagerie qui examinent l'emplacement et le flux des protéines dans les cellules. Il est déjà évident que ces informations (moléculaires d'une part, cellulaires de l'autre) ne sont pas suffisantes. Le lien entre la biologie des molécules et celle des cellules est au niveau de la structure et de la dynamique des grands complexes macromoléculaires fonctionnels dans des conditions choisies pour comprendre ce qui se passe in situ (présence de très fortes concentrations, effet des sels, du pH, de la température, de la pression, de différentes petites molécules, de la lumière sur les systèmes photosensibles...). Des progrès conséquents ont été accomplis dans la méthodologie de préparation d'échantillons pour ce type d'étude et l'intérêt d'utiliser les neutrons pour la caractérisation est déjà démontré.
Les avantages spécifiques remarquables des neutrons et leur complémentarité avec les RX pour les études en biologie et de l'eau sont bien connus :
– un choix de longueurs d'onde depuis de moins de 1Å jusqu'à plus de 15 Å, associé à une absorption négligeable pour la plupart des matériaux sur toute cette gamme, permettant l'exploration d'un grand domaine de vecteurs de diffusion dans des échantillons soumis à des environnements variés, très basses ou très hautes températures ou pressions, par exemple ;
– des amplitudes de diffusion non liées à la masse atomique ;
– l'effet isotopique, en particulier la très forte section efficace de 1H et son amplitude de diffusion cohérente négative, comparées aux autres noyaux des molécules biologiques ;
– la relation énergie-longueur d'onde particulièrement adaptée à l'étude simultanée d'amplitudes et de fréquences en dynamique moléculaire.
Une panoplie de méthodes est utilisée : la cristallographie à haute résolution spatiale (pour localiser les atomes d'hydrogène dans les macromolécules ce qui est essentiel pour la compréhension de leur fonctions biochimiques), la diffraction à haute résolution (structure de l'eau et des solutions), la cristallographie et la diffraction à faible résolution spatiale (structure de systèmes intégrés, complexes et membranes), la DNPA (structures et interactions macromoléculaires en solution), la diffusion inélastique à diverses résolutions temporelles (dynamique des protéines, des membranes, de l'eau et des solutions).
On pourrait diviser les expériences
en deux grandes familles :
- celles qui s'intéressent aux
principes généraux et unificateurs ;
- celles qui au contraire s'intéressent
à la spécificité et à la diversité
des systèmes.
L'étude de l'eau et des aspects physiques généraux de la dynamique des protéines sont des exemples du premier type. L'étude d'une protéine particulière en vue de comprendre sa structure et sa fonction serait du second type. L'aspect TGE est mieux adapté aux études du premier type, qui s'appuient habituellement sur des groupes de spécialistes. En revanche, celles du second type sont des expériences de caractérisation dans un cadre large d'expérimentation biologique qui intéressent souvent des non-spécialistes des neutrons.
L'aspect TGE a certes l'avantage de mettre à la disposition de la communauté scientifique une instrumentation de pointe. Cependant, il présente à l'heure actuelle des inconvénients importants : limitation du nombre d'expériences et du temps qui peut leur être consacré ; nombre restreint de chercheurs experts en ces méthodes de caractérisation et disponibles pour les collaborations.
La physique des particules et la physique nucléaire ne sont pratiquées qu'à l'ILL, où existent des appareillages spécifiques performants dédiés par exemple à la mesure des grandeurs relatives aux particules et éléments (moments dipolaires électriques, constante de structure fine) ou encore le confinement des neutrons " ultra froids " (UCN). L'interférométrie quantique neutronique n'est pratiquée qu'à l'ILL également, par une équipe autrichienne qui possède une grande maîtrise dans ce domaine. Cette technique n'est pas actuellement développée en France.
Nous mentionnons ici deux techniques particulières d'utilisation des neutrons dont le caractère est principalement appliqué ou industriel. Elles concernent le réacteur ORPHEE, mais pas le LLB.
La neutronographie est utilisée pour observer diverses propriétés de matériaux à usage industriel, ainsi que de minéraux et objets archéologiques. Elle permet de déterminer des contraintes, des textures, la porosité, la teneur en hydrogène, etc. Elle nécessite un faisceau sorti, et est pratiquée sur ORPHEE par le Département des Réacteurs Expérimentaux (DRE), Direction des Réacteurs Nucléaires (DRN) du CEA. Nous en reparlerons au chapitre 6.4.
L'analyse par activation nucléaire sert à déterminer des teneurs en tel ou tel élément existant à l'état de traces. Elle est pratiquée par le Laboratoire Pierre Süe (LPS), pour moitié sur ORPHEE et sur le réacteur voisin OSIRIS selon l'élément recherché. Ses applications en recherche fondamentale portent principalement sur les sciences de la terre (géochimie d'éléments en faibles concentration) et sur les sciences de l'environnement (pollutions diverses, d'origines humaines ou volcanique, étudiées surtout sur ORPHEE). Ses applications industrielles visent à certifier des qualités de produits ou à détecter des défaillances de matériaux (pureté chimique, propriétés mécaniques). Parmi les utilisateurs, au nombre de quelques dizaines, seuls les membres du Centre des Faibles Radioactivités et d'autres géologues viennent eux-mêmes travailler sur le réacteur. La pollution par métaux lourds fait l'objet d'un contrat européen.
Selon une enquête récente (voir Annexe 3, réf. 7) de l'European Neutron Scattering Association (ENSA) la communauté européenne utilisant les faisceaux de neutrons est de l'ordre de 3500 chercheurs. Les communautés les plus importantes sont celles qui ont accès à une source nationale : environ 1200 au Royaume-Uni, 800 en Allemagne, 600 en France et 300 en Suisse. Les pays ne possédant pas de sources nationales ne comptent qu'une centaine d'utilisateurs (Italie, Espagne). En comparaison la communauté Américaine est de l'ordre de 1000 utilisateurs.
Si certains thèmes de recherche ont pu se développer préférentiellement auprès d'un réacteur particulier (copolymères à Risø, Danemark, diffusion sous écoulement de cristaux liquides au LLB, diffusion sous écoulement de colloïdes à l'ILL et au LLB, séparation de phases dans les polymères au National Institute of Standards and Technology (NIST, USA...) en règle générale les chercheurs travaillant sur un thème donné se répartissent assez bien sur les différents sites. Il se produit une certaine autorégulation gouvernée par les fluctuations de la pression sur les divers instruments, les variations de performances des instruments et surtout les collaborations à l'échelle internationale et les contacts avec les chercheurs sur les sites. S'il y a des difficultés sur un instrument, les chercheurs se tournent vers un autre. Il est assez rare de voir une même étude effectuée par des équipes concurrentes sur deux sites différents.
Les axes de recherche de la communauté française doivent s'apprécier dans ce contexte international. Tout d'abord par comparaison avec les communautés proches, utilisatrices du RHF, avec lesquelles des collaborations étroites sont souvent établies, et ensuite dans le contexte mondial.
La recherche allemande en neutronique
s'articule autour d'installations performantes pour l'essentiel et bien
différenciées. Elle repose sur un certain nombre de groupes
et laboratoires universitaires aux compétences spécifiques,
en plus des équipes implantées autour des réacteurs.
Outre la participation à l'ILL et une forte présence au LLB,
l'utilisation des réacteurs allemands est remarquable dans les domaines
:
- des contraintes et textures (y compris
celle de minéraux) à Jülich, Geesthacht et Berlin,
- des études structurales, de
la polarimétrie et du magnétisme à Berlin ;
- ceux de la diffusion diffuse, des
excitations et de spin écho, à Jülich ;
- de la DNPA à Berlin et à
Geesthacht ;
- de l'étude de l'hydrogène
dans les métaux (Diffusion Quasiélastique, QNS) à
Jülich avec en prolongement des travaux importants à l'ILL
(diffusion, piégeage).
On peut remarquer plus particulièrement à Berlin, au Hahn Meitner Institut (HMI), les études sur les systèmes de basse dimensionnalité, sur la diffusion critique au voisinage de la température d'ordre magnétique ou le magnétisme nucléaire à très basse température.
En matière molle plusieurs groupes sont particulièrement actifs, dont celui de Jülich pour la dynamique des polymères, ceux de Bayreuth et Gottingen pour les colloïdes, celui de Munich pour les membranes.
Dans le domaine de l'eau et du vivant, la communauté allemande est à peu près comparable à la communauté française. Elle utilise principalement le RHF, mais développe aussi une activité à Berlin. Elle inclut les pionniers de méthodes très utilisées comme la triangulation ou la variation des contrastes ainsi que les spécialistes de systèmes biologiques particuliers (complexes acide nucléique-protéine, membranes…).
Les groupes allemands entretiennent un fort prolongement de leurs activités dans toutes les techniques présentes à l'ILL mais de façon plus marquée en mesures de type dynamique (Diffusion Inélastique INS, QNS). Il en va de même au LLB pour la diffusion atomique à haute température, les transitions par cisaillement. Signalons aussi que trois spectromètres de Dubna sont entretenus et servis par des équipes allemandes (textures, mécanique, pression). Par ailleurs c'est aussi quasiment la seule communauté organisée qui utilise actuellement un réacteur (RHF) dans le domaine de la physique nucléaire et des particules.
Au Rutherford Appleton Laboratory (RAL),
autour de la meilleure source mondiale à spallation pulsée
(ISIS), qui fournit des faisceaux de neutrons de plus haute énergie
qu'un réacteur continu, des expériences spécifiques
se sont développées grâce aux possibilités de
la technique (inélastique à fort transfert d'énergie)
et aux intérêts propres de la communauté scientifique
anglaise, avec une forte connotation de chimie fondamentale et appliquée.
Les domaines forts sont donc :
- la chimie du solide et la chimie
moléculaire,
- la cristallographie en temps de vol,
- les mesures de contraintes internes
(contraintes internes, pièces industrielles de forte taille…),
- les excitations dans les solides
moléculaires.
Les caractéristiques de la source expliquent le type de travaux effectués en magnétisme, sur les excitations dans les métaux de transition ou la mise en évidence de paramagnons dans le Pd.
Pour la matière molle, l'utilisation des neutrons est bien répandue en Angleterre. En particulier, on peut remarquer que de nombreux problèmes d'intérêt industriel sont abordés par l'intermédiaire de groupes universitaires. Dans le domaine des colloïdes un programme de recherches impliquant de nombreux laboratoires universitaires avec un très fort usage de la neutronique a été initié par le Department of Trade and Industry appuyé par quelques grandes compagnies industrielles. Parmi les très bons groupes d'utilisateurs on peut citer : Cambridge, et l'Imperial College de Londres pour les polymères, Norwich et Bristol pour les colloïdes et les liquides.
Dans ce domaine, il faut signaler l'expertise mondialement reconnue des chercheurs d'ISIS en réflectométrie, qui est très performante.
La communauté britannique d'utilisateurs de neutrons est la plus puissante au monde. Par ailleurs, les faisceaux issus d'une source à spallation ont diverses caractéristiques qui les rendent inadaptés pour de nombreuses expériences (§ 5.2). C'est pourquoi les Anglais maintiennent une très forte pression sur l'ensemble des installations de l'ILL. Ils y réalisent l'essentiel de leurs études structurales et beaucoup d'études en transfert d'énergie.
Si les Français ne participent plus guère qu'à des actions ponctuelles (en particulier en spectroscopie des muons), le Japon et l'Italie sont toujours présents à ISIS où ils ont implanté des instruments.
Dans les autres pays européens, il existe des noyaux expérimentés de neutroniciens basés autour d'installations moyennes ou faibles mais souvent rendues performantes grâce à une optique soignée.
A Risø, Danemark, une bonne partie de l'activité se retrouve autour des mesures de contraintes et des textures (clefs en main, faibles tarifs), des analyses fines du magnétisme (excitations, structures complexes…) et de la structure de copolymères.
Une petite activité texture est aussi à signaler à Delft, Hollande.
En Hongrie, le réacteur de Budapest a été récemment rénové et il est utilisé notamment pour des études par DNPA sur des matériaux irradiés, la détermination de structures magnétiques, la diffraction à haute résolution sur poudres, et la diffusion quasi-élastique par écho de spin.
Au Paul Scherrer Institut (PSI), en Suisse, la source à spallation continue SINQ est en cours de montée en puissance (donnée pour opérationnelle à l'été 97). Une communauté dynamique et éclectique dans ses intérêts (le plus fort rapport neutroniciens/habitants est certainement en Suisse !) pourra utiliser un large parc instrumental prévu pour toutes les disciplines. En attendant, cette très active communauté est allée travailler dans la plupart des grands centres (ILL, LLB, Jülich, Dubna, ISIS, Université de Missouri), sur des sujets traditionnels en physique et chimie du solide
D'autres communautés de neutroniciens n'ont plus ou n'ont pas de source nationale ; certaines cogèrent des instruments dans des centres étrangers. Citons les Espagnols, les Belges, les Autrichiens et les Italiens parmi les plus dynamiques. Venant des Pays-Bas, de Pologne (accord avec la Russie), du Portugal, de Grèce, de Norvège, de Finlande… des physiciens, chimistes ou biologistes pratiquant la neutronique vont aussi régulièrement travailler auprès des divers réacteurs d'Europe.
Aux Etats-Unis :
- Le NIST, possède une panoplie assez complète d'appareillages (comparable au LLB). Il fournit des mesures de DNPA, de textures… clefs en main et à bas prix. Il faut y noter une très forte activité dans le domaine des polymères. Le développement instrumental fait partie des faits notables (lentilles…).
- A l'IPNS, Argonne, la métallurgie est bien reconnue avec la DNPA (effets de cohérence sur la précipitation, défauts d'irradiation, amorphisation, contraintes…). Citons également les études conjuguées de dynamique et de diffraction en temps de vol dans des matériaux solides, de diffusion quasi élastique et inélastique, les études d'excitations (magnétiques et du champ cristallin), enfin les études par DNPA de matériaux moléculaires (membranes).
- Au MURR, Missouri, un petit réacteur, 100% universitaire, fournit également des expériences clef en main aux industriels américains (Boeing, NASA…); la recherche fondamentale y est également dynamique (inélastique, structures, magnétisme, réflectométrie, interférométrie…) avec une activité marquée de développement instrumental (optique, détecteurs).
- Les autres centres américains, ORNL (Oak Ridge), LANL (Los Alamos), BNL, (Brookhaven) sont moins actifs ; on citera l'étude des principes fondamentaux de la diffusion et de l'irradiation pour Oak Ridge, des études de métallurgie (texture corrosion…) et de réflectométrie (en particulier sur des copolymères) pour Los Alamos ; quant à Brookhaven, comparable à l'ILL pour l'éventail des techniques accessibles et pour la production scientifique, il est arrêté pour une durée indéterminée depuis plusieurs mois.
Au Canada :
Au NRU de Chalk River, outre la diffraction sur multicompteur avec expériences in situ, une forte activité liée à la métallurgie s'est adaptée aux dimensions industrielles et à la mesure de haute précision.
En Russie :
- Au JINR Dubna, les mesures de contraintes et textures se font en collaboration forte avec des groupes allemands. Les nombreuses études d'alliages (structure, diffusion) résultent de l'existence d'une excellente école russe en matière de matériaux métalliques notamment. Dans ce domaine les hautes pressions et les hautes températures sont bien outillées. La physique nucléaire (charge du neutron…) y est aussi présente. Parmi les développements technologique citons la diffractométrie à haute résolution et la production de guides polarisants.
- A l'Institut Kurchatov de Moscou on trouve un bon éventail de techniques pour la physique du solide (diffractomètres, trois-axes, DNPA). Il y a en outre des activités intéressantes en matière d'optique interférentielle neutronique.
- Signalons également auprès du réacteur du PNPI à St Petersbourg des activités dans le domaine de la physique du solide : excitations, transitions de phases, neutrons polarisés et métallurgie (contraintes résiduelles).
Au Japon :
Les moyens en neutronique restent relativement limités. On peut citer une petite source pulsée KENS (Tsukuba) avec l'étude de mouvements (dans des polymères par exemple) par spectrométrie haute résolution. Une communauté de métallurgistes (DNPA) se met en place autour du réacteur de Tokai ; il s'y pratique aussi la diffraction sur poudre à haute résolution, les neutrons polarisés, la diffusion inélastique. Enfin un petit centre de neutronique est lié à l'université de Kyoto. Rappelons que les japonais sont aussi présents à ISIS.
Les descriptions des sections précédentes ont souligné la richesse des techniques expérimentales développées autour des réacteurs de neutrons pour l'étude de la matière. Dans cette section, qui reprend le découpage en thèmes du paragraphe 4.1, on essaie de cerner, à la lumière des recherches actuellement entreprises en France et à l'étranger, de nouveaux aspects qui devraient se développer dans les quelques années à venir.
On a mis en évidence au § 4.2 le dynamisme de nombreux laboratoires à l'échelle internationale. La concurrence est plus forte que par le passé. La situation de supériorité créée par la mise en route du RHF et du réacteur ORPHEE et des instruments nouveaux comme la diffusion aux petits angles n'existe plus. Mais cette concurrence a un effet de stimulation et de relance de la communauté nationale.
Les études structurales au sens large du terme (poudre, monocristal, texture, topographie, diffus…), qui se justifient par les avantages spécifiques de la diffusion neutronique, vont bénéficier des progrès importants et actuels en matière d'optiques optimisées (multi-monochromateurs, guides, miroirs focalisants, capillaires et lentilles) et surtout grâce à la dynamique de comptage très élevée de nouveaux détecteurs. Parmi les nouveaux modes d'acquisition qui sont actuellement développés et mis en place, citons le système "image-plate" (adapté à la technique de Laue, à la topographie, aux textures…), des détecteurs très fins à haute dynamique basés sur la technologie "microstrips", des détecteurs bidimensionnels à diodes (diffractométrie 4 cercles). Un gain de 2 à 3 ordres de grandeur dans la dynamique d'acquisition est escompté dans certains cas. Outre les expériences très rapides ou stroboscopiques pour analyser des transformations de phases et l'effet de contraintes, des échantillons nettement plus petits (proches des tailles utilisables en rayons X) et représentatifs de l'état structural local de la matière pourront être analysés.
Les méthodes de traitement de l'information sont aussi en mutation marquée, au niveau soit de l'analyse des données comme pour la détermination de l'erreur statistique, soit de leur interprétation avec par exemple la méthode du recuit simulé. Pour ces deux aspects, les contributions françaises se situent au meilleur niveau.
Tous ces développements s'appliquent en fait à la détermination structurale au sens large, mais peut-être plus encore à ce que l'on appelle matériaux fonctionnels, donc complexes. Les phénomènes pré-transitionnels ou encore anharmoniques et pré-dynamiques seront mieux analysés et corrélables aux résultats issus d'autres grandes disciplines de la neutronique (INS, QNS…).
En magnétisme, les techniques
expérimentales variées de la diffraction neutronique resteront
des moyens fondamentaux d'analyse en vue de mieux comprendre les propriétés
de nouveaux matériaux. Par ailleurs le développement de nouvelles
techniques devrait ouvrir la voie à des approches originales dans
l'étude du magnétisme de la matière :
- La réflectométrie et
la diffraction rasante des neutrons devraient se développer pour
l'étude du magnétisme en dimensions réduites. La mesure
des excitations dans ces systèmes soulève des questions d'intensité
non encore résolues.
- Les possibilités offertes
par l'analyse de polarisation en trois dimensions grâce au système
Cryopad de l'ILL pourraient permettre une analyse approfondie de l'ordre
magnétique dans les systèmes frustrés, thème
de grande actualité. >
- Le développement de sources
de neutrons polarisés intenses utilisant un filtre à
3He polarisé pourrait permettre d'aborder de façon beaucoup
plus sûre la mesure de la diffusion paramagnétique dans les
métaux de transition (Fe, Co, Ni) ou les composés à
fluctuations de spins. C'est une information essentielle pour mieux comprendre
les mécanismes d'échange dans ces systèmes.
Les informations apportées par les études du magnétisme utilisant le rayonnement synchrotron devraient impulser de nouveaux thèmes d'études en diffraction neutronique. Les deux techniques sont en particulier complémentaires pour analyser de façon plus approfondie le magnétisme orbital.
Dans les études sur les verres, les améliorations des possibilités instrumentales en matière d'intensité des faisceaux, de sensibilité des détecteurs, d'extension des domaines de vecteur d'onde permettent une meilleure connaissance de la structure. Ces travaux devront être conjugués avec des simulations numériques qui bénéficieront des méthodes performantes actuelles de calcul. La détermination de la dynamique par diffusion cohérente dans le domaine du meV permettra de mieux connaître les vibrations à l'échelle du nanomètre et donc de préciser la structure à cette échelle.
De meilleures performances permettront également d'étudier des échantillons de plus petites dimensions ainsi que des verres et des liquides de composition chimique plus compliquée, plus proches des matériaux utilisés dans les applications industrielles.
Dans le domaine de la matière
molle, on peut citer quelques exemples de domaines actifs de recherches
où la diffusion des neutrons est susceptible de jouer un rôle
important :
- Structure et stabilité de
systèmes colloïdaux mixtes. Il s'agit de systèmes
où des particules de taille pouvant varier de 1 nm à 1 µm
coexistent avec un film ou une phase organisée de tensioactif. Les
particules colloïdales peuvent être de nature diverse : latex,
billes de silice recouvertes d'une couche de polymère adsorbée
ou greffée, particules magnétiques, protéines...
- Réactions chimiques
en milieu structuré : sont envisagées en particulier les
synthèses de milieux mésoporeux inorganiques, de matériaux
organiques en phases organisées ou micellaires de tensioactifs,
de précurseurs pour la réalisation de céramiques.
- Effet de l'écoulement
sur les structures : l'objectif de ces études consiste à
établir des relations entre structure et propriétés
rhéologiques de dispersions colloïdales : phases lamellaires,
phases de micelles vermiculaires, émulsions concentrées,
argiles, suspensions solides, vésicules. L'écoulement induit
des changements structuraux avec des diagrammes de phase dynamiques complexes
résultant d'un couplage fort entre l'écoulement et la thermodynamique.
Ce sont ces problèmes qui sont à l'origine du développement
récent de cellules de diffusion de neutrons sous écoulement,
en parallèle avec des cellules de diffusion sous écoulement
de RX (à l'ESRF) et de lumière.
- Phénomènes de surface
: polymères greffés ou adsorbés sur des surfaces,
polymères et protéines en solution au voisinage d'une interface.
Les expériences de réflectivité sur ces systèmes
s'appuient sur trois avantages particuliers aux neutrons : substitution
isotopique H/D, contraste polymère/substrat, grande pénétration
des neutrons.
Il est important de noter que cette évolution des thématiques, illustrée par les quatre exemples ci-dessus, tend à rapprocher les centres d'intérêt de la communauté scientifique des préoccupations des industriels. En effet, les progrès réalisés dans le domaine des systèmes complexes devraient conduire à des retombées sur un certain nombre de problèmes industriels bien identifiés concernant par exemple la synthèse de nanoparticules, la floculation, la coalescence, l'adhésion, le séchage, le traitement de surfaces, la vectorisation de substances biologiques.
En métallurgie, un intérêt accru se manifeste pour les poudres nanométriques, en particulier celles formées par broyage, pour certaines cinétiques d'évolution microstructurales (frittages de nano-poudres, couplage entre champ de concentration et champ de degré d'ordre à grande distance lors de la précipitation de phases ordonnées, phases magnétiques finement dispersées, vieillissement des matériaux des industries nucléaires et aéronautiques), pour la structure et stabilité des réseaux de vortex, etc. Dans ces domaines, la communauté française est bien placée. Les études de sauts atomiques par diffusion quasi-élastique sont irremplaçables et devraient se poursuivre. La liste n'est pas exhaustive.
Les études in situ qui voient la cinétique et la dynamique d'analyse progresser nettement devraient s'intensifier avec des études de diagrammes de phases, en température en pression, des études de contraintes mécaniques statiques ou résonnantes avec une base de temps pertinente allant jusqu'à quelques ms.
Plusieurs techniques permettent des applications technologiques ou industrielles (dans certaines conditions presque de routine) ; ce sont essentiellement les déterminations de textures d'orientation cristalline, les déterminations de contraintes internes, la caractérisation des dispersoïdes (séparation de phases, matériaux composites, matériaux frittés...), la neutronographie et l'analyse par activation. Un intérêt puissant des neutrons dans ce domaine est leur profondeur de pénétration et le caractère non destructif dans le cas d'échantillons massifs.
Les méthodes de détermination des hétérogénéités des contraintes méritent d'être étudiées compte tenu de l'enjeu pratique ; des progrès sont envisageables grâce à l'amélioration des traitements numériques et à la possibilité de comparaison avec le rayonnement synchrotron (X durs).
On peut aussi prévoir un développement des applications, encore peu répandues, à la géologie (ainsi qu'à l'archéologie), grâce à l'exploitation de propriétés spécifiques des neutrons : détermination de textures, mesures de porosité, ou de concentration d'hydrogène,...
Les neutrons ont un rôle majeur à jouer en biologie car ils devraient aider à établir le lien entre la structure des molécules (déterminée par cristallographie aux RX et RMN) et leurs rôles dans la cellule. Ce lien passe par la structure et la dynamique des grands systèmes intégrés, domaine auquel les neutrons sont bien adaptés. Cependant, leur emploi pour la biologie ainsi que pour l'étude de l'eau est actuellement sévèrement limité par le flux au niveau de l'échantillon. Des progrès certains sont prévisibles dans ce domaine par l'utilisation de guides super-miroirs et de monochromateurs focalisants. Un plus grand nombre de systèmes deviendra ainsi abordable par l'étude structurale et dynamique aux neutrons, avec des conséquences importantes pour la compréhension de la diversité, exprimée dans la relation entre structure, dynamique et fonction des macromolécules biologiques. En cristallographie neutrons des protéines la possibilité d'utiliser des cristaux de taille raisonnable aura un impact majeur sur le nombre d'études possibles et on pourra commencer à effectuer sur un plus grand nombre de protéines les études de structure complémentaires à celles des rayons X, comme l'observation des atomes d'hydrogène. Mais aussi, des flux accrus permettront de réaliser des expériences actuellement très difficiles à cause des faibles rapports signal / bruit, par exemple l'étude de la structure et de la dynamique de complexes in situ en utilisant la deutération spécifique dans les cas où seuls de faibles volumes d'échantillon sont disponibles.
En dehors de l'augmentation du flux
sur l'échantillon et du débit de données, des progrès
viendront :
- du développement en parallèle
de l'expérimentation et de la théorie en dynamique moléculaire
des systèmes biologiques ;
- de l'extension de la fenêtre
du temps vers les temps longs par l'écho de spin et vers les temps
courts par les sources pulsées ;
- d'avancées complémentaires
en biologie moléculaire et cellulaire, en chimie-physique des colloïdes,
etc., qui définiront de nouveaux systèmes abordables aux
neutrons, notamment de grands complexes pour l'étude in situ
dans des conditions diverses, ou de systèmes en couches minces pour
l'étude par réflectométrie ;
- pour l'étude des propriétés
structurales et dynamiques de l'eau, de la mise en œuvre de conditions
extrêmes de pression et de température.
Pour pouvoir espérer la réalisation de ces progrès, le développement des communautés de chercheurs aux interfaces est essentiel. Cependant, dans les conditions de travail auprès des TGE internationaux, l'élaboration de nouvelles méthodes et la réalisation d'expériences intéressantes, mais à risques, est difficile. Une exploration scientifique plus sereine est d'une part possible auprès des centres nationaux et d'autre part devrait résulter de la mise en route d'instruments par les laboratoires concernés dans le cadre des " Collaborating Research Group " (CRG) (voir paragraphe 7.4).
Bien que la communauté française se soit peu intéressée jusqu'ici à ces thèmes, plusieurs équipes sont actuellement impliquées dans un projet appelé PIAFE, qui est décrit au paragraphe 6.2.6.
Les perspectives de la neutronographie, qui intéressent surtout l'industrie, seront dégagées plus loin, au paragraphe 6.4. Un autre domaine potentiellement important d'application industrielle de la neutronique concerne la chimie analytique. Une possibilité nouvelle est apparue avec la technique d'analyse par détection directe de gammas produits par activation dans le faisceau (Prompt Gamma Activation Analysis, PGAA), qui peut permettre de doser des traces d'éléments avec une grande sensibilité (jusqu'à 1 mg/g). Elle est plus souple de mise en œuvre que les méthodes d'analyse plus classiques, qui nécessitent un aller-retour rapide de l'échantillon dans le cœur du réacteur, et plus efficace pour certains éléments. Une installation d'analyse par PGAA existe au NIST ; à l'ILL, un spectromètre a été développé dans le cadre d'un travail de thèse, mais l'utilisation de la technique ne s'est pas développée davantage.
Les neutrons utilisés en recherche fondamentale et appliquée sont issus de sources de deux types : les réacteurs, dans lesquels ils sont produits par des réactions de fission de l'Uranium 235, qui fournissent après thermalisation des faisceaux continus (un réacteur pulsé existe en Russie) de neutrons thermiques d'énergie comprise entre environ 100 meV et 1 meV et les sources à spallation, de création plus récente, dans lesquelles les neutrons sont produits par réactions de spallation lors du bombardement de cibles de métaux lourds (Plomb, Tungstène, Uranium...) par des protons de haute énergie (0,5 à 1 Gev). Ces sources, basées sur des accélérateurs de particules, fournissent en général des faisceaux pulsés (10 à 100 Hz) ; le spectre en énergie comporte un pic intense de neutrons thermiques, accompagnés d'une grande quantité de neutrons épithermiques (0,1 à 10 eV) et de gammas.
Le tableau suivant montre l'évolution du nombre total des sources dans les pays de l'OCDE (17 pays cités pour avoir ou avoir eu au moins une source). On peut interpréter cette évolution par un double souci de rationalisation : recherche de hauts flux et d'instruments performants, coopération multinationale autour d'un nombre limité d'appareils (les chiffres en italiques sont une projection).
Année |
1960 |
1965 |
1970 |
1975 |
1980 |
1985 |
1990 |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
nombre |
19 |
25 |
26 |
27 |
27 |
30 |
30 |
28 |
22 |
16 |
8( ?) |
Après un développement accéléré, notamment entre 1960 et 1970, on assiste maintenant à une décroissance du nombre de réacteurs en service. Dans leur grande majorité, la vingtaine de sources de neutrons existant dans le monde sont des réacteurs non spécialisés, qui servent aussi à d'autres usages. Les réacteurs sont classés en trois catégories suivant la valeur du flux de neutrons (en neutrons par cm2 par seconde) disponible : faible flux, inférieur à 1014, flux moyen, de l'ordre de 1014 et haut flux, supérieur à 1014. Seules les deux dernières catégories sont concernées ici.
Le premier réacteur conçu spécialement comme source de faisceaux sortis a été le réacteur à haut flux (HFBR) de Brookhaven (USA) qui a divergé en 1965. Depuis lors, dans le monde, deux autres réacteurs spécialisés ont été construits. Ils sont tous deux situés en France, à Grenoble et à Saclay.
Les besoins de la communauté scientifique française sont donc couverts par l'accès aux deux meilleures sources de neutrons mondiales : le RHF (57 MW, divergence en 1971) et le réacteur ORPHEE (15 MW, divergence en 1980).
Le RHF est une source internationale, gérée par l'Institut Laue–Langevin à Grenoble qui regroupe 3 pays associés (France, Allemagne, Royaume-Uni) et 5 pays membres scientifiques (Suisse, Autriche, Espagne, Italie et Russie). C'est un réacteur de type piscine dans lequel toutes les structures sont accessibles à distance. Cette disposition a été un atout primordial lors de la réparation des structures internes du réacteur entre 1992 et 1994. Il a été le premier réacteur au monde à intégrer dès l'origine d'une part des modérateurs à différentes températures pour élargir le spectre en énergie utilisable – une source chaude fournissant des neutrons d'énergie élevée (supérieure à 0,5 eV), et une source froide à deutérium liquide pour les basses énergies (inférieures à 5 meV) – et d'autre part des guides de neutrons (5 " thermiques " et 5 " froids "). Onze canaux horizontaux, dont quatre issus de la source chaude, et trois inclinés, débouchent dans le hall du réacteur. Une seconde source froide, alimentant trois guides, a été implantée en 1987 dans un canal horizontal du réacteur pour faire face à la demande de faisceaux de neutrons de faible énergie. Depuis sa réparation en 1994, le RHF reste la source la plus intense au monde pour de nombreuses années (15 à 20 ans). Malgré la diminution des instruments programmés (de 30 à 25) à la suite de restrictions budgétaires, c'est aussi toujours la référence en matière d'instrumentation.
Le réacteur ORPHEE, source nationale, est l'instrument du Laboratoire Léon Brillouin à Saclay, laboratoire commun du CEA et du CNRS. Il est exploité par le CEA/DRN. Il a été le premier réacteur mondial de flux moyen conçu pour l'utilisation quasi exclusive des faisceaux sortis. Basé sur le schéma du RHF, il intègre une source chaude mais il est doté de deux sources froides à hydrogène liquide : l'accent a donc été mis dès l'origine sur la production de neutrons de faible énergie. Ces sources alimentent six guides de neutrons et un canal direct, disposition unique jusqu'à ce jour, qui donne accès à des faisceaux plus intenses que sur les guides grâce à l'augmentation de l'angle solide. Près de la moitié des faisceaux utilisables sont des faisceaux de neutrons froids. Sept canaux, dont deux issus de la source chaude, débouchent dans le hall du réacteur. Dix-sept ans après sa mise en service, ORPHEE est toujours la meilleure source de flux moyen. Sa qualité est attestée par les demandes d'utilisation par des étrangers (pour 1/3 environ, voir chapitre 3) malgré l'existence de sources dans leur pays d'origine. Un programme continu d'investissements maintient l'installation dans un excellent état de fiabilité. La preuve en est administrée par le récent fonctionnement cumulé de plus de 280 jours sans chute de barres de contrôle. Avec 250 jours environ de fonctionnement annuel le taux de fonctionnement est de l'ordre de 70%, maximum possible compte tenu des arrêts pour les opérations de contrôle et de maintenance.
La modernisation des deux sources froides et du cryogénérateur en 1995 ont permis un accroissement du flux de neutrons froids compris entre 15% et 45 %. Au cours de l'arrêt de l'été 1997, une opération importante, le remplacement du caisson cœur, a été réalisée avec succès. Cette opération délicate, mais parfaitement préparée techniquement et financièrement depuis plusieurs années, renforce la fiabilité de l'installation. Si le programme d'investissements préventifs se poursuit comme prévu jusqu'à la fin de 1999, l'installation sera alors presque entièrement rénovée. Il ne restera ensuite à réaliser que le remplacement des doigts de gant des 9 canaux horizontaux et 10 canaux verticaux (4 d'irradiation, 4 pneumatiques et 2 sources froides) pour lequel l'approvisionnement en matière est déjà fait. Compte tenu du faible taux d'irradiation cette opération ne devrait intervenir qu'à partir de 2005 et pourra être programmée sur cinq ou six ans. Après ces rénovations le réacteur restera compétitif pour de longues années. De plus, dans ce type de réacteur piscine, il a été démontré qu'une opération de réparation lourde, analogue à celle effectuée sur le RHF entre 1992 et 1994, est toujours techniquement possible.
Un projet d'augmentation des capacités expérimentales en neutrons froids dans la perspective d'une ouverture internationale avait été proposé en 1990. Ce projet, appelé ORPHEE PLUS, consistait essentiellement en la création d'un deuxième hall expérimental abritant des guides issus de la seconde source froide. Celle-ci a été modifiée en 1995 pour assurer leur alimentation en neutrons. Ce projet est actuellement suspendu. Il faut noter que dans le cadre d'un programme d'amélioration instrumentale en cours il est prévu de modifier les collimateurs en pile (barillets) pour augmenter la section de certains faisceaux.
Pour ces deux réacteurs la seule incertitude pour le fonctionnement à long terme concerne l'approvisionnement en combustible. En effet le problème des combustibles usés est maintenant réglé par un contrat de retraitement qui assure le stockage et le retraitement au fur et à mesure de l'utilisation. Au cas où l'approvisionnement en Uranium enrichi à 93% en 235U, combustible actuellement utilisé, ne pourrait être assuré, des solutions palliatives existent.
Six autres principaux réacteurs sont en fonctionnement en Europe. Il s'agit des réacteurs de Risø (DR3, 10 MW) au Danemark, de Delft (IRI, 2 MW) aux Pays-Bas, de Studsvik (R2, 50 MW) en Suède, et de Berlin au HMI (BER II, 10 MW), de Geesthacht (FRG-1, 5 MW) et de Jülich (FRJ-2, 23 MW) en Allemagne. Ils sont anciens (les divergences ont eu lieu il y a plus de 30 ans). Par leur conception (réacteurs à buts multiples) ils sont moins bien adaptés à l'utilisation de faisceaux sortis, bien qu'ayant été modernisés (source froide, guide de neutrons). Il existe également un réacteur à Kjeller (JEEP2, 2 MW) en Norvège et des réacteurs à Budapest (KFKI, 10 MW) et au Portugal (RP-1, 1 MW).
La situation allemande est actuellement comparable à celle de la France en ce qui concerne le potentiel expérimental, malgré un nombre plus élevé de réacteurs (voir Annexe 7), mais elle va évoluer à moyen terme. Le réacteur en construction à Munich (FRM II, 20 MW), dont la divergence est prévue vers 2002 apparaît comme un élément important de rénovation du parc expérimental allemand. De même type que le RHF ou ORPHEE, il deviendra le réacteur à flux moyen le plus moderne du monde. Il fournira un flux plus de deux fois plus élevé que celui d'ORPHEE. Sa divergence coïncidera avec la fermeture du réacteur de Jülich. Equipé de neuf canaux horizontaux et de six guides de neutrons froids, il alimentera dans un premier temps vingt et un instruments. Un appel d'offres est lancé dans la communauté allemande pour leur réalisation.
Dans le reste du monde il existe une dizaine de réacteurs de bon niveau dont six en Amérique du Nord. Aucun de ces réacteurs n'est récent. Au Canada, le réacteur de Chalk River (NRU, 127 MW) doit être remplacé à court terme par un nouveau réacteur polyvalent, l'Irradiation Research Facility (IRF, 40 MW), doté d'une source froide, de onze canaux et de cinq guides de neutrons. La situation aux USA est plus critique. Un projet de super réacteur à haut flux qui devait fournir un flux cinq fois plus grand que l'ILL, l'Advanced Neutron Source (ANS, 300 MW), a été abandonné en 1994. Ce pays dispose de deux réacteurs à haut flux, le HFBR (60 MW) de Brookhaven, arrêté depuis janvier 1997 pour une longue période, et le HFIR (100 MW) d'Oak Ridge (divergence 1966) et de deux réacteurs à flux moyen modernisés, le réacteur du National Institute of Standards and Technology (NIST, 20 MW) et celui de l'Université de Missouri (MURR, 10 MW). Le réacteur du NIST est le siège du Cold Neutron Research Facility (CNRF) qui a été doté d'une source froide performante et d'un hall abritant sept guides de neutrons. Après l'abandon de l'ANS un projet de source à spallation a été lancé et à court terme un plan de modernisation est financé pour améliorer le réacteur de Oak Ridge et la source à spallation de Los Alamos.
En Russie il existe les réacteurs de Dubna au JINR (2 MW), du PNPI (4 MW) à St Petersbourg et de l'Institut Kurchatov (IRT-8, 8 MW) à Moscou.
Au Japon deux sources existent, le réacteur JRR3 M (20 MW) de Tokai et la source pulsée du KENS à Tsukuba.
D'autres pays se sont également équipés en sources. Parmi les plus crédibles signalons l'Inde avec Dhruva (100 MW) près de Trombay (diffraction, neutrons polarisés), la Corée du sud (KMRR, 30 MW) en 1996, l'Indonésie (RSG, 30 MW) en 1987 (diffraction, DNPA), le Pakistan, le Bengladesh… De plus la Chine se signale par un projet ambitieux ("copie" du réacteur ORPHEE pour 2000…).
Le choix de l'utilisation d'un réacteur à flux moyen ou à haut flux dépend en grande partie du sujet. On donne ci-après et pour différents secteurs quelques exemples pertinents.
En matière d'études structurales, y compris le magnétisme, un grand nombre de problèmes peuvent se résoudre sur des installations de flux moyen voire faible, pourvu que l'optique et la détection soient optimisées. Cependant les études de phénomènes faibles (monocouches physisorbées, diffusion diffuse, diffraction de surstructure sur monocristaux) ou rapides (cinétique de transformation de phase in situ, analyse stroboscopique) ne peuvent être entreprises que sous haut flux. La détermination de certaines structures magnétiques avec des moments très faibles (composés de la famille des nouveaux supraconducteurs), ou des moments légèrement inclinés (magnétorésistance géante), nécessite des statistiques de comptage élevées. L'analyse de faibles densités de polarisation magnétique ne peut se faire qu'en disposant de flux intenses. L'étude de textures sur des pièces de plus en plus massives ne pourra se faire que sur des installations très performantes.
Dans le domaine des excitations ou de la diffusion quasi-élastique, malgré les hauts flux de l'ILL, certaines expériences ne sont menées de façon déterminante qu'avec des temps d'expérience de 2 à 3 semaines (champ cristallin, diffusion du proton dans des électrolytes, piégeage du proton par des impuretés, diffusion incohérente de l'oxygène…). Il est inconcevable de pouvoir mener de telles expériences avec un flux moyen eu égard au temps nécessaire.
En matière molle, il est clair que les réacteurs à haut flux permettent d'une part d'étudier des systèmes plus dilués et d'autre part d'étendre la gamme des vecteurs d'onde vers les faibles valeurs. Ce gain se traduit par un raffinement dans la description de la structure ou de la dynamique des systèmes, mais ne conduit pas à de nombreuses avancées spectaculaires. L'existence d'un laboratoire national avec ses compétences (théoriciens, physiciens et chimistes) est objectivement plus importante que l'extension vers les faibles valeurs du vecteur de transfert ou une diminution des temps de comptage.
En biologie et de plus en plus dans le domaine de l'eau, les rapports signal / bruit sont faibles ; bien que du bon travail puisse être effectué auprès d'autres sources, le passage par un réacteur à haut flux est incontournable. Dans une étude de diffusion centrale en solution, on peut faire de bonnes expériences auprès d'un réacteur à flux moyen bien équipé dans des conditions de concentrations pas trop faibles, de contraste fort et de diffusion incohérente faible (par exemple, pour des concentrations fortes de protéines en D2O) ; par contre l'étude à faible concentration ou bien dans H2O dans le cadre d'une variation de contraste ne pourra se faire qu'à haut flux. Les expériences in situ nécessitent aussi des hauts flux. L'ILL par la performance et la variété de son instrumentation reste la seule source du monde où la gamme complète d'expérimentation en biologie/eau est possible. Dans ce domaine, par rapport aux sources autres que l'ILL, le LLB, grâce à son équipement et son potentiel humain, se place dans un petit groupe de tête avec le réacteur du HMI.
Ces exemples illustrent combien la complémentarité de deux sources, l'une internationale à haut flux, l'autre nationale à flux moyen, est un atout. L'Allemagne, le Royaume Uni, les USA, la Russie même… disposent ou s'efforcent de disposer de ces deux niveaux d'équipements complémentaires.
D'utilisation plus récente (une quinzaine d'années, à comparer aux quarante ans des réacteurs de recherche à faisceaux sortis), la première génération de ces sources a été basée sur un accélérateur existant.
La source anglaise ISIS est la source pulsée la plus intense du monde. Ses bouffées de neutrons sont 50 fois plus intenses que sa brillance moyenne, mais celle-ci reste 30 fois inférieure à celle du RHF. Inaugurée en Octobre 1985, ses caractéristiques la rendent complémentaire des réacteurs. Dix-sept instruments, utilisant la technique de temps de vol, sont basés près de cette source. Les projets de modernisation concernent la montée en puissance (de 200 µA à 300 µA) qui permettra un gain de 50% en intensité. Cette opération est liée à deux autres projets : i) l'implantation d'une seconde cible, utilisant un cycle sur trois, qui permettra l'optimisation et le développement des instruments à haute résolution et grande longueur d'onde ; le gain attendu par rapport à la présente source est d'un facteur 20. ii) une source de noyaux radioactifs, pour laquelle une collaboration européenne est prévue.
Trois autres sources existent dans le monde. Deux aux Etats-Unis, à Argonne, l'Intense Pulsed Neutron Source (IPNS, 30 Hz) et à Los Alamos, le Los Alamos Neutron Science Center (LANSCE). Une nouvelle source intense est à l'étude, la National Spallation Neutron Source (NSNS) qui devrait être construite à Oak Ridge. D'une puissance de 1 MW à l'origine, elle pourrait être poussée à 5 MW par la suite. La troisième source en fonctionnement est située au Japon (KENS) à Tsukuba. Dans ce pays deux projets sont en cours d'étude, le Japan Hadron Project (JHP) de 1 MW prévu pour 2003 et le projet OMEGA de 1 à 5 MW de JAERI programmé pour 2008.
La source à spallation qui vient d'être mise en service en Suisse à Villingen (SINQ au PSI) présente les caractéristiques d'une source à flux continu. Il est encore trop tôt pour juger de ses performances et tenter une comparaison avec les réacteurs. Cependant on peut dire que dans le cas d'expériences stroboscopiques de type diffraction par exemple, ce type de source présente des inconvénients rédhibitoires que n'ont ni les réacteurs conventionnels ni les sources pulsées à 50Hz type ISIS. Le flux de g (vitesse c) accompagnant la production de bouffées neutroniques (vitesse km/s) est facilement discriminable par l'horloge de comptage dans le cas d'une basse fréquence (50 Hz). Dans le cas d'un régime entretenu, comptages de g et de neutrons se chevauchent, altérant considérablement le rapport signal / bruit; un palliatif partiel est de compliquer protections et optiques.
Au niveau européen, sous l'impulsion de la direction de ISIS et du KFA Jülich, l'étude technique d'une nouvelle source, l'European Spallation Source (ESS) a débuté en 1990. Elle a été menée par un consortium de laboratoires, soutenus par la Fondation Européenne pour la Science. Un document technique a été publié en Juin dernier. Basée sur les progrès récents dans le domaine des accélérateurs, cette source fonctionnant à 5 MW serait 30 fois plus intense qu'ISIS. Elle alimenterait environ 40 instruments. Cinq organisations, le Central Laboratory of Research Council (Royaume-Uni), le Forschungszentrum Jülich (Allemagne), l'Institut Paul Scherrer (Suisse), le Commissariat à l'Energie Atomique (France) et le Laboratoire National de Risø (Danemark) ont signé en Avril dernier un protocole d'accord de trois ans pour l'étude et le développement d'un accélérateur de forte puissance. Même si le financement de cette installation est trouvé, elle ne serait pas mise en service avant 2010. Elle pourrait alors éventuellement remplacer le RHF avec une brillance moyenne du même ordre.
Dans ces conditions, une politique scientifique consistant à rester attentif au développement technique de ce projet et à préparer la communauté à l'utilisation à long terme d'une source à spallation paraît judicieuse. Dans la décennie à venir, les besoins français seront correctement satisfaits par les deux réacteurs existants sur notre sol, à l'exception de certaines utilisations spécifiques qui font déjà l'objet d'expériences sur ISIS.
Des arguments pertinents et détaillés à l'appui de cette politique ont été fournis par les notes citées à l'annexe 3 (réf. 3 et réf. 5). Une différence d'appréciation entre l'Allemagne et l'Angleterre d'une part, la France de l'autre, existe sur les aspects politiques liés au choix du type de source de neutrons.
En ce qui concerne l'utilisation scientifique, le bénéfice des sources à spallation actuelles se limite à quelques thèmes. La comparaison avec les réacteurs montre que dans le domaine des neutrons de faible énergie (neutrons froids), en particulier pour la diffusion aux petits angles (microstructures en métallurgie, grandes structures en matière molle et biologie), les performances des sources pulsées ne sont pas compétitives ; en revanche, elles sont performantes pour la réflectométrie et pour certaines études inélastiques vers les forts transferts d'énergie et de moment. Pour la diffraction l'expérience reste assez controversée puisque les profils des raies sont mathématiquement beaucoup plus complexes à paramètrer. Il semble que les logiciels actuellement disponibles puissent être améliorés. Pour l'instant, même la communauté française utilisatrice de la diffraction à ISIS convient qu'on peut faire mieux avec un faisceau de réacteur ! En biologie, le potentiel de ces sources pulsées, en particulier dans le domaine inélastique, est en cours d'exploration. Des développements instrumentaux sont par ailleurs en cours pour essayer de rendre l'étude des excitations de monocristaux aussi efficace qu'avec un réacteur. Malgré la faiblesse relative de leur puissance moyenne, les sources pulsées sont en revanche irremplaçables pour les études de diffusion inélastique isotrope, et très pratiques pour les études résolues en temps dans la gamme de fréquence des bouffées ; pour les expériences nécessitant des conditionnements d'échantillons particuliers (cellule de hautes pressions...), la géométrie fixe de ces sources est un avantage; pour les poudres cristallines, elles ont une excellente résolution en vecteur de diffusion (intérêt pour les mesures de contraintes internes, accentué encore par la géométrie fixe à 90° qui permet de sonder un volume simple et bien défini) ; cependant ici aussi la forme de raie est actuellement difficile à exploiter.
Enfin des limites actuelles d'utilisation des sources à spallation sont signalées par tous les interlocuteurs, en particulier pour les grands angles (liquides, amorphes) : flux insuffisant, problèmes de résolution (calibrage des détecteurs) et de bruit, traitement des effets inélastiques (plus difficile compte tenu de la large gamme d'énergie), manque de stabilité de l'intensité.
Le développement de la neutronique depuis une vingtaine d'années a résulté davantage des progrès dans l'ensemble des éléments qui constituent l'environnement des expériences (monochromateurs, comptage, analyse des spectres) que du progrès dans les sources elles-mêmes. La recherche sur les méthodes expérimentales doit rester forte auprès des sources de neutrons.
Du point de vue instrumentation, la communauté française est bien placée : elle dispose au LLB de 29 instruments dont 23 programmés et, à l'ILL, des 4 instruments français du programme CRG (cf. § 7.4) et de l'accès aux 25 instruments programmés. En comparaison, l'ensemble des laboratoires européens de neutrons offre 66 instruments, plus les 17 de la source à spallation. Les points forts du parc instrumental sont décrits ci-dessous. Il faut noter que plus des deux tiers des instruments du LLB sont implantés sur des faisceaux de neutrons froids, ce qui souligne l'aspect unique de ce réacteur. Une description détaillée des instruments, avec leur utilisation, est fournie dans l'Annexe 8.
A l'ILL la tendance actuelle est de doter les instruments (programmés et CRG) d'équipements améliorant chacune de leurs performances spécifiques (optiques, monochromateurs, passeurs d'échantillons, multidétecteurs, détecteurs 2D…). Avec la même politique d'équipement, des réacteurs plus modestes (MURR, Studsvik…) ont pu surpasser certains de nos instruments bien que disposant de flux plus faibles. La suprématie de l'ILL devrait être rétablie avec des équipements hautement optimisés. Notons aussi que l'ILL se distingue par un large parc d'outils qui augmente d'autant les possibilités d'expériences, comme la cryogénie à dilution, les très hautes températures…
Au LLB, un parc instrumental adapté
aux caractéristiques de la source a été développé
(cf. Annexe 8). Les points forts de ce parc sont les suivants :
- pour les spectromètres de
diffusion aux petits angles, le LLB a été un des premiers
laboratoires équipé (1972). Il dispose d'une grande capacité
d'accueil avec 3 instruments classiques et 1 spécifique travaillant
en neutrons polarisés, ce qui est rare et ouvre des perspectives
nouvelles pour les matériaux magnétiques.
- Pour la réflectométrie,
le LLB a joué un rôle de pionnier dans le domaine instrumental
(1982) et il possède aujourd'hui trois appareils dont l'un en neutrons
polarisés avec analyse de polarisation.
- Quant aux spectromètres
à 3-axes, destinés aux études de dynamique de
réseau et de spin, ils ont tous leur spécificité suivant
leur implantation, leur géométrie et leur environnement expérimental.
La compacité des deux installations sur faisceau thermique du LLB
a permis de compenser une bonne partie du plus faible flux initial
et de le ramener à mieux que la moitié de l'instrument équivalent
de l'ILL au niveau de l'échantillon. Ces deux appareils disposent
en outre de débattements angulaires plus grands. Le changement de
barillet prévu à ORPHEE pour 1998 permettra d'augmenter la
taille du faisceau au monochromateur et de gagner encore près d'un
facteur deux en flux.
Dans le contexte européen, la situation française en trois axes est équivalente à celle de l'Allemagne. La communauté allemande dispose en effet de 4 spectromètres thermiques (2 à Jülich, 2 à Berlin dont 1 en neutrons polarisés) en plus de celui du LLB et de ceux de l'ILL. La nouvelle source à spallation installée au PSI en Suisse est équipée de deux 3-axes sur source froide dont un en neutrons polarisés. Risø au Danemark comprend un instrument thermique avec neutrons polarisés et deux sur source froide. Cet ensemble d'installations place l'Europe en tête dans le contexte international. En particulier avec l'arrêt de Brookhaven, les Etats Unis ne disposeraient plus que de sept 3-axes installés ; le Japon n'en compte pour l'instant que trois.
En physique nucléaire les seuls instruments sont implantés à l'ILL ; ils sont essentiellement gérés par la communauté germanique, les universités allemandes ayant une forte tradition en sciences nucléaires. Ils sont orientés soit vers l'analyse ou l'usage des produits de fission à partir de neutrons thermiques, soit vers la physique des neutrons froids ou ultra froids soit vers la physique fondamentale.
L'adéquation du parc instrumental du LLB aux besoins de la communauté peut être estimée à partir de la surcharge (temps demandé / temps disponible) constatée ces trois dernières années sur les instruments, classés ci-dessous suivant les techniques :
1994 |
1995 |
1996 |
|
Diffractomètres poudres |
1,4 |
1,2 |
1,1 |
Contraintes |
1,7 |
1,6 |
1,9 |
Textures |
1 |
1,2 |
1,7 |
Diffusion, dynamique |
1,5 |
1,5 |
1,2 |
Trois axes |
1,3 |
1,2 |
1,3 |
Systèmes désordonnés |
1,6 |
1,7 |
1,2 |
Petits angles |
1,8 |
1,5 |
1,5 |
Monocristaux |
1,7 |
2,2 |
3 |
Réflectométrie |
0,8 |
1,1 |
1,3 |
La demande est en augmentation forte sur les diffractomètres du type monocristaux et en croissance pour les matériaux (contraintes et textures) et la réflectométrie, deux nouveaux domaines. Pour le reste du parc la demande est stable ou en légère décroissance. Une rationalisation devrait conduire à ne maintenir en service que les instruments dont le taux de surcharge est suffisamment élevé à moyen terme.
La recherche d'améliorations de l'instrumentation doit être un élément essentiel d'une optimisation de la politique en matière de neutrons, car elle peut permettre pour un coût raisonnable d'accroître les possibilités expérimentales. Par exemple, les performances des appareils 3-axes à l'ILL restent comparables à celles obtenues au LLB, malgré la brillance exceptionnelle du RHF.
Cet impact est très important, déjà au moment de la construction, mais aussi régulièrement au cours de la vie des instruments lors de leur remise à niveau. L'effort fait appel autant à des équipementiers industriels classiques qu'aux PME locales (surfaces, électricité, mécanosoudure…).
Il est cependant des équipementiers plus spécifiques dont l'activité tient en bonne partie de la neutronique (ou du synchrotron). Ce sont des secteurs plutôt étroits mais où l'industrie française a eu ou a encore une place de choix avec par exemple : CILAS (guides, super-miroirs, monochromateurs), GMI (mécaniques instrumentales) et MICROCONTROLE (goniométrie rapprochée), CERCA (détecteurs de grande surface). Le développement de verres spéciaux, des techniques de comptage par "microstrips", des détecteurs courbes, le contrôle instrumental et la micro-électronique…, relèvent de ces secteurs, et en retour dépendent étroitement de la santé de la neutronique, en France et dans le monde.
En général les utilisateurs extérieurs maîtrisent moins bien les neutrons que le RS, car celui-ci est le prolongement naturel des Rayons X de laboratoire. Ceci handicape la première technique qui nécessite un saut qualitatif, même dans des cas où elle serait plus adaptée.
Les paramètres pertinents pour comparer les avantages respectifs des neutrons et des photons (X ou g ) pour l'exploration de la matière sont bien connus : pénétration, longueur d'onde, intensité de l'interaction, intensité des faisceaux, sélectivité des interactions avec divers éléments, polarisation, structure temporelle....De plus l'environnement de l'échantillon (taille, support, régulation de température...) est plus facile à maîtriser avec les neutrons en raison de la transparence de beaucoup de matériaux.
Les inconvénients majeurs des neutrons proviennent du faible flux incident par rapport au RS (compensé dans la mesure du possible par des faisceaux de grande section et des échantillons plus volumineux) et du fait qu'il y a très peu de sources dans le monde avec la puissance et l'instrumentation nécessaires. Contrairement aux RX, pour lesquelles l'aspect TGE du rayonnement synchrotron complète un arsenal d'équipements de laboratoire déjà très performants, les neutrons ne se présentent que sous l'aspect TGE.
Les nouvelles sources de rayonnement
synchrotron de troisième génération comme l'European
Synchrotron Radiation Facility (ESRF) ont permis des avancées
rapides liées :
- aux flux disponibles, en particulier
en X durs, très utiles pour la métallurgie : pénétration
dans l'échantillon et les cellules environnementales, cinétiques,
petits échantillons (tailles submillimétriques ou micrométriques) ;
les pics de l'Hydrogène deviennent visibles ;
- à la structure temporelle du faisceau, permettant
des mesures dans le domaine de la nanoseconde ;
- à sa cohérence, qui autorise le
développement de l'imagerie par contraste de phase et la spectroscopie par
corrélation de photons ;
- à la définition géométrique
du faisceau (études locales en particulier d'interfaces) ;
- à la polarisation des faisceaux
soit linéaire, soit circulaire, qui autorise de larges possibilités
de couplage avec des niveaux sondés dans l'échantillon.
Les possibilités ainsi ouvertes stimulent une très grande créativité instrumentale qui peut contraster avec le caractère bien établi de la majorité des techniques de diffusion neutronique, surtout sur réacteurs (ISIS stimule elle aussi une créativité du même type).
La diffraction des neutrons reste cependant la mieux adaptée pour les études de dynamique. Pour ne donner qu'un exemple la détermination des facteurs de structure et de la dynamique dans une région critique est une thématique encore appelée à se développer. Les innovations récentes des spectromètres à neutrons permettant de mesurer la dynamique aux petits angles est un signe de cet intérêt. Dans le passé, la neutronique s'est imposée en particulier dans la détermination des exposants critiques, qui caractérisent le comportement singulier des fluides, mélanges, matériaux magnétiques et polymères au voisinage d'une transition du second ordre. C'est en raison de cette diversité que de telles études n'ont pas, malgré leur importance, été mentionnées à la section 4.1 où elles seraient apparues de façon trop répétitives. Il s'agit encore d'un domaine majeur d'études en ce qui concerne la détermination des indices critiques universels et du changement de régime entre champ moyen et fluctuations critiques, problèmes d'importance théorique capitale.
Bien que la complémentarité classique entre les neutrons et le rayonnement synchrotron soit soulignée dans tous les rapports (par exemple référence 1 Annexe 3) et réunions scientifiques qui traitent de ce sujet, l'impression générale qui semble prévaloir est celle d'un dynamisme plus grand de la communauté du RS. En fait, cette impression est peut-être fournie par le fait que des pans entiers de recherche (cristallographie des protéines par exemple) ont jusqu'ici fait appel presque exclusivement au RS comme technique d'étude, ce qui conduit à une pression certaine sur les instruments. En revanche, l'utilisation de neutrons se fait en général conjointement à d'autres techniques et notamment à la diffusion de lumière ; de plus la communauté d'utilisateurs est moins structurée.
Le développement actuel des
recherches utilisant le rayonnement synchrotron concerne de nombreux domaines
également utilisateurs de la diffraction neutronique. Au premier
abord, le RS a pu apparaître comme une technique en concurrence avec
la diffraction neutronique. En réalité il est probable que
d'ici quelques années les études nouvelles menées
grâce au RS contribueront en retour au développement
d'études complémentaires en diffraction neutronique :
- C'est par exemple le cas du magnétisme.
Le dichroïsme magnétique des rayons X est une sonde sélective
qui permet de déterminer de façon indirecte la contribution
au magnétisme des atomes de diverses natures et celle des diverses
couches atomiques, et aussi de séparer moment de spin et moment
orbital. Ces informations permettront d'analyser les expériences
de diffraction de neutrons polarisés avec une précision grandement
accrue, donnant accès à la localisation des divers types
d'électrons magnétiques ainsi que des moments de spin et
orbital.
- Dans le domaine de la matière
molle, les rayons X sont évidemment bien adaptés pour
les études structurales sur les cristaux liquides ou les colloïdes
minéraux, en particulier les études cinétiques. Mais
dans la mesure où des recherches s'orientent actuellement vers des
systèmes mixtes contenant des tensioactifs et/ou des polymères,
les neutrons peuvent s'avérer indispensables grâce au marquage.
Par ailleurs, les expériences de diffusion sous écoulement
ou contrainte qui nécessitent des géométries compliquées
sont plus facilement réalisables par diffusion neutronique, le neutron
étant une sonde qui pénètre fortement dans la matière.
Enfin, l'intensité très forte des sources de rayons X peut
entraîner dans certains cas une dégradation des échantillons.
- Dans le cas de la biologie structurale
la complémentarité entre les neutrons et le RS s'exprime
à différents niveaux. La contribution majeure de ce dernier
est représentée par la cristallographie, avec actuellement
près de 10 000 structures de macromolécules biologiques déposées
dans les banques de données. Les études aux neutrons se placent
aussi bien en amont qu'en aval de ces travaux. En amont : la DNPA est une
méthode puissante pour définir les conditions de cristallogénèse
et de formation de complexes fonctionnels ; en aval : la cristallographie
aux neutrons pour localiser les atomes d'hydrogène (certains de
ces atomes, par leur implication dans les processus chimiques et dans la
définition du champ électrostatique local, sont essentiels
pour la simulation complète d'une macromolécule par dynamique
moléculaire et pour la compréhension des mécanismes
réactionnels), la DNPA pour la détermination des interactions
d'intérêt biologique entre différentes macromolécules
de structure atomique connue, les expériences de dynamique par diffusion
inélastique de neutrons (temps de vol et rétrodiffusion)
et leur interprétation basée sur la dynamique moléculaire.
En fait il devient de plus en plus évident que la compréhension
de la dynamique d'un système biologique sera essentielle pour appréhender
sa fonction.
La réussite de la politique française en ce qui concerne l'équipement en sources continues de neutrons mérite d'être soulignée. Après la fermeture de réacteurs de recherche anciens, ou même assez récemment remis à niveau comme SILOE à Grenoble, il ne reste plus aujourd'hui qu'une source nationale. Mais celle-ci a bénéficié d'améliorations qui en font actuellement le meilleurs réacteur à flux moyen du monde, surtout si cet effort de jouvence est poursuivi. D'autre part, l'implantation en France du RHF donne à nos laboratoires un accès facilité à la meilleure source mondiale, soit directement, soit à travers des CRG, ce qui favorise aussi leur audience dans la communauté scientifique européenne. Des équipements nombreux et performants, mais encore perfectibles, sont installés sur les deux sources, qui sont complémentaires à bien des égards.
Cet équilibre contraste avec la situation de l'Allemagne, qui exploite trois sources continues nationales anciennes, dont l'une seulement sera à terme fermée, vers l'époque où entrera en service le réacteur de Munich, et avec la situation du Royaume-Uni qui a tout misé en ce qui concerne les sources nationales sur la source à spallation ISIS. Malgré les performances de celle-ci -elle est la meilleure du monde- l'absence de source continue pousse les Britanniques à exercer une forte pression sur l'ILL, car les domaines d'excellence des deux types de sources diffèrent.
En sens inverse, la demande française sur ISIS reste faible, bien qu'il paraisse judicieux pour un avenir très lointain de rester attentif aux possibilités offertes par une grande source européenne à spallation.
Entre neutrons et photons il existe à la fois une concurrence et une synergie. La complémentarité des deux techniques fait l'objet d'une prise de conscience progressive. Des principes généraux de fonctionnement sont communs à l'ensemble des TGE pour l'étude de l'état condensé. Les scientifiques qui ont fait le pas pour utiliser l'une des techniques, rayonnement synchrotron ou neutrons, se tournent plus facilement vers l'autre. La mise en route de l'ESRF s'est ainsi traduite par un basculement de la communauté. Cependant l'apport considérable des expériences réalisées autour du rayonnement synchrotron est en train de donner une grande impulsion au développement de certains domaines scientifiques, et la diffraction neutronique devrait en bénéficier indirectement en retour comme cela est rappelé au paragraphe 5.4, dans les cas où cette technique est indispensable (magnétisme, pénétration, détection de l'hydrogène, etc...).
Comme il a été indiqué dans le chapitre 3, on trouve des utilisateurs de rayonnement (neutrons, synchrotron,...) dans la quasi totalité de la communauté scientifique. La pluridisciplinarité est ainsi une caractéristique de ces travaux, auxquels concourent les spécialistes de la technique (utilisateurs " intérieurs " du LLB et de l'ILL soit directement, soit à travers les CRG) et les utilisateurs " extérieurs ". Ceux-ci demandent de la part des spécialistes un effort de soutien, plus ou moins important selon leur degré de connaissance dans l'utilisation du rayonnement. Dans les paragraphes suivants, sont passées en revue les forces et les faiblesses de la communauté nationale, les actions de formation pour l'emploi des techniques neutroniques, l'utilisation par l'industrie et enfin les difficultés respectives des utilisateurs venant des laboratoires " extérieurs " et de ceux des laboratoires liés aux sources de neutrons.
Les Annexes 4 et 5 donnent la liste des laboratoires ayant utilisé le LLB et l'ILL au cours des trois dernières années. L'Annexe 6 fournit les nombres de thèses préparées au LLB entre 1994 et 1996.
Dans le cadre de la mission du groupe, une enquête a été réalisée en Avril par la SFN auprès des utilisateurs de neutrons. Cent réponses ont été analysées, échantillon assez important mais probablement limité à des habitués. 78 utilisateurs déclarent utiliser la neutronique pour un travail à long terme, 49 pour un travail de thèse, 27 ponctuellement (plusieurs réponses étaient possibles). La dynamique propre de leur discipline de recherche (65) et la spécificité de l'instrument choisi (60) sont les facteurs prépondérants pour la préparation de leurs projets de recherche utilisant les neutrons, et un facteur fort pour 22 et 27, respectivement ; le dialogue avec les physiciens des centres a une importance forte pour 41 utilisateurs et prépondérante pour 35, tandis que la méthode de sélection des projets a une importance faible pour la majorité (48) et nulle pour 19. Les chiffres pour la fréquence des comités de sélection des projets sont 46 (faible) et 17 (nulle). Le flux disponible lors du choix entre ILL, LLB et ISIS a une importance prépondérante pour 27, forte pour 32, faible pour 32 et nulle pour 6.
La plupart des chercheurs utilisent plusieurs installations : l'ILL et le LLB pour 50, l'ILL, le LLB et ISIS pour 19. 8 n'utilisent que l'ILL et 24 seulement le LLB. L'appréciation des utilisateurs sur la réalisation des expériences de neutrons a été demandée. Les performances instrumentales sont jugées excellentes (55) et bonnes (20) à l'ILL ; pour le LLB, elles sont jugées excellentes (27) et bonnes (60) par la majorité. L'environnement échantillon est excellent (28) et bon (43) à l'ILL, excellent (22) et bon (55) au LLB. L'assistance scientifique recueille également une majorité favorable (ILL : 19 " excellent ", 39 " bon " ; LLB : 45 " excellent ", 28 " bon "). Les chiffres correspondants pour l'assistance technique sont 25 et 33 pour l'ILL, 34 et 39 pour le LLB. L'appréciation sur le traitement des données est " excellent " (16), " bon " (28) et " assez bon " (25) pour l'ILL, les chiffres correspondants pour le LLB étant 27, 41 et 13. Les possibilités de travail à long terme au LLB sont appréciées (excellentes pour 45, bonnes pour 30) ; au contraire elles sont majoritairement médiocres (25) et assez bonnes (23) à l'ILL. Un faible nombre de réponses (18) concerne ISIS - signe de la difficulté d'utiliser cette installation pour les Français – et les opinions ne montrent aucune tendance nette.
Pour la plupart des utilisateurs, leurs expériences ont répondu à leur attente (53 " bon " et 43 " excellent "). Ils considèrent que leur travail a été bien reconnu par la communauté scientifique (55 " bon " et 27 " excellent) et avec plus de réserves par leur organisme de tutelle (assez bon pour 19, bon pour 41 et excellent pour 23).
Parmi les difficultés que les utilisateurs voient au développement de l'utilisation des neutrons, la difficulté de la technique, le fait de devoir utiliser un grand instrument, le vieillissement des sources et des instruments, l'insuffisance d'environnement échantillon ont une importance majoritairement faible, les problèmes administratifs une incidence nulle. Les facteurs prépondérants sont le manque de moyens financiers et de ressources humaines.
Le développement du rayonnement synchrotron n'a pas entraîné une diminution de l'utilisation des neutrons pour 84 utilisateurs
Parmi les souhaits de développement, l'aménagement des sources existantes est prépondérant (61) et fort (21). Le développement de l'enseignement sur les neutrons est jugé d'importance prépondérante (35) et forte (30), celui des formations par thèses et post-docs prépondérant (40) et fort (30). L'encouragement des projets à long terme recueille 55 " prépondérant " et 29 " fort ". Au contraire, les perspectives de construction de nouvelles sources ont une influence nulle (25) et faible (30).
Enfin, 75 estiment satisfaisante l'articulation entre leur laboratoire et les grands équipements. Ils souhaitent que l'accès des laboratoires aux TGE soit favorisé, le personnel et les moyens des installations renforcés, que les implications personnelles par détachements et de formation soient encouragées, ainsi que l'implication des laboratoires dans les CRG.
Nous reprenons à nouveau ici les thèmes des paragraphes 4.1 et 4.3, en analysant les forces et les faiblesses des communautés concernées. Nous examinons principalement la recherche fondamentale ; les utilisateurs industriels apparaissent au paragraphe 6.2.4 et font l'objet du paragraphe 6.4.
Ces thèmes regroupent une part importante, de l'ordre de 40% environ, des communautés utilisatrices. Le nombre de demandes extérieures est globalement constant. Elles émanent pour la plupart d'une communauté de physiciens bien connue et stable. Les laboratoires de chimie du solide sont moins bien représentés et sont plus attirés par les nouvelles performances du rayonnement synchrotron. Les laboratoires français présents sont très variés et répartis sur l'ensemble du territoire. En ce qui concerne l'ILL, la demande n'est pas toujours égale et suivie dans le temps. Elle dépend essentiellement des thèses engagées.
Pour les chercheurs intérieurs au LLB, la cristallographie concerne essentiellement deux équipes (diffraction poudre et diffraction monocristaux) regroupant une dizaine de permanents dont l'activité inclut évidemment la détermination des structures magnétiques. C'est pour beaucoup une activité de service. Les recherches propres sont essentiellement du domaine du magnétisme (voir ci-dessous), des quasi-cristaux et des cristaux moléculaires. Ces groupes participent à deux GDR (quasi-cristaux, assemblages moléculaires) et à deux réseaux européens (nouveaux matériaux, systèmes moléculaires). Ce thème concerne aussi 10 personnes du DRFMC-CEA engagés dans les CRG de l'ILL et environ 5 personnes à l'ILL proprement dit. Ces divers groupes développent une recherche personnelle originale sur les thèmes déjà cités ; dans d'autres cas, ils ont une riche activité d'ordre instrumentale (environnement des échantillons, nouvelles sources de neutrons polarisés, réflectométrie de neutrons). Pour les surfaces solides, l'équipe du LLB est limitée à une personne. L'activité principale est celle des super-miroirs, elle bénéficie de contrats avec Risø (Danemark), PSI (Suisse) et HMI (Allemagne) en réseau européen et d'une collaboration avec l'industrie (la société CILAS).
Des communautés différentes de chercheurs extérieurs sont impliquées dans les divers thèmes scientifiques détaillés au chapitre 4 :
- L'analyse de la structure magnétique de nouveaux composés concerne une quarantaine de physiciens et physico-chimistes répartis dans une dizaine de laboratoires CNRS et Universitaires. Dans ce cas, les concepts sont bien établis et des programmes performants d'analyse de structures magnétiques existent.
- Un groupe plus restreint de physiciens (environ 20 personnes appartenant à 5 ou 7 laboratoires) aborde l'analyse approfondie de la structure magnétique de systèmes modèles, l'étude de la localisation des électrons, les propriétés de systèmes de petites dimensions.
La technologie centrée sur l'utilisation des spectromètres à 3-axes est sophistiquée et l'analyse des résultats délicate. Il y a une plus grande nécessité de professionnalisme que pour d'autres techniques, et pour les laboratoires extérieurs une plus longue période de formation. Ces caractéristiques conditionnent le type de fonctionnement, recherche propre très forte en association avec d'autres laboratoires et demande extérieure faible en dehors des collaborations existantes. Les utilisateurs extérieurs peuvent difficilement s'impliquer fortement dans cette technique neutronique.
Pour le magnétisme des surfaces, le sujet étant récent, la communauté est relativement bien connue, et particulièrement homogène. La spécificité du LLB a permis la mise au point par un chercheur d'un laboratoire voisin d'un instrument particulièrement performant. La collaboration est ouverte aux laboratoires européens sous forme de réseaux.
Les surfaces solides non magnétiques constituent un sujet nouveau en plein développement. La technologie de choix est la réflectométrie, actuellement peu représentée mais appelée à prendre de l'importance. Le nombre de participations françaises est cependant très limité. Il est difficile d'évaluer la communauté potentiellement intéressée, mais elle semble mal prospectée.
La demande française dans ce domaine est en développement depuis trois ans.
La communauté française est très active dans l'étude de la transition vitreuse. Elle est au premier plan en ce qui concerne la dynamique vibrationnelle des verres, en relation avec une forte tradition en diffusion de la lumière sur ce sujet. Les travaux sur les polymères amorphes commencent à se développer. Par contre, les techniques structurales de caractérisation des verres sont encore insuffisamment utilisées. Cette thématique devrait être en expansion, en relation avec les apports de la simulation numérique.
Environ quinze équipes françaises ont une activité importante dans ce domaine. En 1996, plus de vingt propositions ont été présentées au LLB. Pour la même période, quinze propositions ont été présentées à l'ILL. Les instruments concernés sont les diffractomètres pour les études structurales et pour l'études de la diffusion quasiélastique et inélastiques, les spectromètres de temps de vol, de rétrodiffusion et d'échos de spin.
La communauté "Matière Molle" fait assez largement appel aux neutrons. Les utilisateurs se répartissent de manière relativement homogène dans les différents Laboratoires et Centres de Recherches. A titre d'exemple, lors de la Table Ronde 1996 du LLB "Physico-chimie - Biologie", il y a eu 112 propositions d'expériences représentant 1249 jours. Sur ces 112 propositions, 42 émanaient du LLB ou du CEA, 49 d'institutions françaises et 21 de laboratoires étrangers.
On peut distinguer trois composantes
dans la communauté " matière molle " :
- Il y a tout d'abord un noyau important
de chercheurs qui combinent efficacement les possibilités des diverses
sources et plus particulièrement de l'ILL et du LLB Ces chercheurs
s'accordent à penser que l'ILL et le LLB sont complémentaires,
les projets à l'ILL devant être très bien cadrés
alors que le LLB favorise des recherches exploratoires. De plus, un certain
nombre d'expériences, notamment sur les colloïdes ne nécessitent
pas un flux intense. D'autres expériences, par exemple sur des polymères
ou des phases lamellaires très gonflées, nécessitent
un haut flux et de faibles vecteurs d'onde. Il faut aussi noter que tous
les laboratoires importants sont représentés dans les tables
rondes, même si on constate une diminution de l'activité de
certains gros laboratoires qui étaient traditionnellement très
demandeurs. Ces mêmes laboratoires n'intègrent pas toujours
rapidement dans leurs projets les nouveaux développements expérimentaux,
en particulier en réflectométrie.
- Le deuxième groupe d'utilisateurs,
créé par la présence des sources, est essentiellement
constitué par des chercheurs " intérieurs " aux
laboratoires de neutrons. Si les relations entre ces chercheurs et ceux
du premier noyau qui se trouvent dans les laboratoires extérieurs
sont excellentes, il n'en demeure pas moins qu'elles devraient se traduire
par une intégration plus totale à la communauté de
la matière molle.
- La troisième composante d'utilisateurs
potentiels, probablement la plus importante, regroupe les chercheurs qui
n'utilisent pas encore les TGE mais dont les thèmes de recherches
en justifieraient l'emploi. Dans ce groupe figurent la quasi-totalité
de la communauté industrielle, mais aussi de nombreuses équipes
universitaires.
Il y a un potentiel d'utilisation de neutrons certainement très important dans la communauté "matière molle", mais cette troisième composante est insuffisamment prospectée et dans sa majorité ne sait pas utiliser au mieux la complémentarité des sources. La formation théorique initiale est en règle générale assurée. Les DEA de matière molle comprennent des cours de diffusion de rayonnement et les experts en neutrons participent activement aux écoles.
Dans le domaine nouveau des surfaces et interfaces, les propositions d'expériences de laboratoires français émanent surtout de la région parisienne. Pour l'étude des surfaces un seul chercheur permanent assure l'accueil au LLB. Il y a dans le domaine des interfaces liquides une concurrence importante d'ISIS.
Les grands laboratoires de chimie du solide sont présents, mais la communauté dans son ensemble reste à prospecter. Cette thématique est ancrée au LLB par la présence d'une équipe d'experts. La collaboration est réelle avec les laboratoires extérieurs qui conçoivent et élaborent les échantillons. En métallurgie la volonté de développement s'est concrétisée par une embauche récente. Dans ce domaine la compétition avec le rayonnement synchrotron est stimulante, car les techniques sont complémentaires, en particulier pour les études résolues en temps qui vont maintenant être possible aux neutrons avec la mise en route à l'ILL du nouveau diffractomètre D 20. Il faut noter une désaffection pour la source à spallation qui garde toutefois son avantage pour les mesures à hautes pressions ou hautes températures.
En 1996, au LLB, dans le domaine défini au § 4.1.4, la demande émane à 60% d'équipes françaises ; une cinquantaine de propositions ont été faites par 25 équipes (universitaires, CEA, ONERA, centres techniques et écoles d'ingénieurs, industries).
La moitié de ces expériences correspond à des déterminations de contraintes internes (taux de refus 50% du temps demandé) et de textures (taux de refus 30%); ces demandes sont en forte progression depuis 3 ans. La plupart des études sont liées à des problèmes industriels (métallurgie, carcasses de pneumatiques, biomédical, nucléaire, milieux poreux...), le travail étant souvent effectué par une équipe universitaire (en particulier dans le cadre de thèses). Dans ce domaine, l'ouverture du LLB est excellente et le problème qui peut se poser est celui de recherches propres garantes du maintien d'un standard élevé dans ces domaines.
L'autre moitié correspond à des études de vieillissement d'alliages (souvent d'origine nucléaire, parfois sous irradiation et parfois sur d'autres alliages industriels), de frittage (réactif ou pas, de matériaux simples ou composites), et d'ordre chimique local dans les alliages solides (y compris les quasi-cristaux). Enfin quelques études de couches minces entrent dans ce domaine d'étude.
Les équipes étrangères
travaillent au LLB sensiblement sur les mêmes thèmes, mais
avec des pondérations différentes :
- 4 équipes italiennes (Université
d'Ancône, ENEA, Université de Florence, Centre Technique des
verres de Murano-Venise) qui amènent quelques autres utilisateurs
italiens (contraintes, petits angles, et plus rarement, textures et réflectivité).
Le spectromètre pour les contraintes est cogéré, mais
tous les projets sont examinés par les comités de sélection.
L'Italie paie un droit d'accès aux faisceaux du LLB. L'entrée
de l'Italie à l'ILL ne devrait pas affecter sa participation au
LLB dans le domaine des matériaux.
- une équipe autrichienne (Vienne)
pour des études de décomposition, de frittage et d'ordre
à courte distance. Cette équipe possède un 3 axes
(1/3 de temps de faisceau sans comité d'expérience) et a
beaucoup travaillé avec des français (Orsay).
- 4 équipes allemandes (Berlin,
Karlsruhe pour les contraintes, Dresde, MPI Stuttgart pour la diffusion
aux petits angles, respectivement pour les aciers irradiés des cuves
des réacteurs russes, et les hétérogénéités
dans les matériaux amorphes. Ces projets passent en comité
d'expériences.
- 3 équipes anglaises (Open
University of Milton Case, Newcastle, Cambridge - études de contraintes
internes)
- diverses équipes, de Bulgarie
(verres complexes), de Pologne (textures), de Hongrie (contraintes internes,
précipitation).
Les chercheurs " intérieurs " sont fort peu nombreux dans ces domaines et leur activité propre en pâtit : l'ILL ne compte aucun spécialiste matériaux à temps plein; le LLB en a embauché un en 1995 (textures et petits angles); une autre embauche est prévue début 1998 (contraintes). Ces embauches sont précieuses pour le développement de cette communauté.
Pour ce thème, comme en matière
molle, la communauté présente trois composantes :
- Les utilisateurs extérieurs
habitués. Ils proviennent de laboratoires du CEA, du CNRS,
mais aussi d'autres organismes comme l'Université et l'INRA. Leurs
projets reflètent les divers domaines où les neutrons peuvent
contribuer, de la physico-chimie de systèmes biologiques aux études
à finalité biologique.
- Les utilisateurs " intérieurs
". Ils sont essentiellement localisés auprès des laboratoires
CEA/CNRS du LLB et de l'Institut de Biologie Structurale auxquels il convient
d'ajouter le groupe du Collège 8 de l'ILL (reconnu comme laboratoire
d'accueil de DEA et de doctorants de l'Université française).
Un des domaines forts au LLB est l'étude de l'eau. Actuellement,
les "spécialistes" sont représentés en France
par une quinzaine de chercheurs statutaires et une dizaine d'étudiants
en thèse et "post-docs".
- Les utilisateurs potentiels.
Les biologistes "structuralistes", experts en cristallographie
des protéines, en RMN, en microscopie électronique etc. constituent
un réservoir important d'utilisateurs potentiels des neutrons, notamment
pour la cristallographie neutrons à haute et basse résolution
et la diffusion centrale, pour la caractérisation des protéines
et de leurs interactions en solution, en complémentarité
avec leurs méthodologies principales. On peut recenser cette communauté
à partir de la vingtaine des laboratoires d'accueil du DEA de Cristallographie
et RMN Biologiques. Certains laboratoires ont le vécu nécessaire
pour déjà mettre en pratique cette complémentarité.
Chacune de ces méthodologies, cependant, est hautement spécialisée
et compétitive; les étudiants et chercheurs dans ces laboratoires
ont rarement le loisir de s'intéresser à des méthodes
complémentaires. Il y aurait besoin de spécialistes neutrons
aussi bien pour stimuler le démarrage de collaborations que pour
les mener à bien.
Avec les progrès actuels, on peut prévoir qu'en biologie cellulaire aussi apparaîtront des systèmes complexes, bien définis, qu'on pourra obtenir en quantités suffisantes pour la caractérisation structurale et dynamique. Les neutrons pourraient être très puissants pour ce type d'étude. Cependant il est à prévoir que les difficultés d'interface avec la communauté de biologie cellulaire seront plus grande qu'avec celle de la biologie structurale, qui a déjà une forte culture biophysique.
Assez peu de physiciens français participent à cette activité qui est actuellement l'apanage de physiciens allemands et autrichiens, travaillant à l'ILL. Signalons cependant deux ouvertures françaises. Avec l'extrême sensibilité révélée par le dispositif Cryopad en matière de mesure de la polarisation, l'évolution de milieux gazeux (He3) polarisés nucléairement peut être analysée. La RMN appliquée (médecine) pourrait bénéficier de telles études au départ très fondamentales (collaboration russe-allemande-française).
Un projet plus large nommé PIAFE (Production Ionisation Accélération de Faisceaux Exotiques) a été lancé à l'initiative d'équipes françaises (CSNSM Orsay, ILL, ISN Grenoble, INP Lyon). Il est supporté par l'Union Européenne (avec Belgique, Danemark, Suède, Royaume-Uni et surtout Allemagne) et implique également une équipe russe. Il s'agira de produire des faisceaux de noyaux radioactifs, à partir de neutrons lents, donc ayant des sections efficaces très importantes. L'accélération après transport de ces ions sur un accélérateur contigu à l'ILL permettra des avancées en matière de recherche sur la spectroscopie nucléaire de désintégration, la recherche de nouveaux isotopes, l'étude de certains processus de la dynamique de fusion, l'étude de dipôles géants, de l'effet Josephson nucléaire. Une retombée possible serait une meilleure connaissance de certains processus "d'incinération" de déchets nucléaires.
Signalons aussi, dans le domaine de la science des matériaux, quelques expériences de spectroscopie Mössbauer en ligne réalisées à l'ILL (initiative allemande). Il existe avec les sources de neutrons des potentialités de spectroscopie diverses à mettre en œuvre près des sources pulsées. Ainsi quelques rares groupes français participent à des études par spectroscopie de muons (essentiellement physiciens et métallurgistes) réalisées au ISIS où la communauté européenne est certes petite mais active et bien identifiée (ISIS, Jülich, Uppsala, Coïmbra, Constance). Ces chercheurs vont également trouver des faisceaux performants auprès de machines étrangères (USA, Russie, Canada, Suisse, Japon).
Ce panorama non exhaustif met en évidence de nombreux sujets importants susceptibles de se développer. Le renouvellement des besoins laisse présager une pression au moins constante. Cependant ce développement nécessite une meilleure prise de conscience, par diverses catégories d'utilisateurs potentiels, de l'intérêt spécifique des neutrons comme sonde dans leur domaine de recherche (en particulier pour la matière molle, les matériaux et la biologie).
La forte technicité de l'utilisation
des neutrons rend impérative, plus que dans tout autre domaine,
les actions de formation des utilisateurs, qu'il s'agisse :
- de l'initiation de base,
- de l'apprentissage des méthodes nouvelles,
- de l'acquisition de la culture de sûreté
nucléaire.
En ce qui concerne le LLB, la formation des utilisateurs se fait principalement " sur le tas ". Cette situation existe pratiquement depuis sa création. Si elle est satisfaisante pour le recyclage des habitués, elle est tout à fait inadaptée pour les utilisateurs néophytes ou occasionnels. Dans une récente enquête réalisée par le groupe des petits angles du LLB auprès d'un nombre limité d'utilisateurs, 56 % ont indiqué qu'ils connaissaient des personnes qui pourraient utiliser la diffusion de neutrons et pour 65 % d'entre eux la raison pour laquelle ils ne le font pas est la méconnaissance de la technique et des possibilités de rencontre d'un correspondant. Pour les 100 utilisateurs qui ont répondu au questionnaire de la SFN, la formation s'est faite principalement sur le tas (81), via des écoles thématiques (34), et en cycle universitaire (20) ; 74 pensent que leur formation doit être approfondie ; 25 enseignent la neutronique.
Une faiblesse de la communauté scientifique française est son manque de formation générale sur l'emploi des neutrons. Dans le passé le LLB a assuré un cours de ce type très réussi en 1974, mais n'a proposé jusqu'en 1992 aucun cycle de formation annuel analogue à ceux réalisés depuis longtemps par les Anglais (ISIS) ou les Suisses (PSI). Le LLB apportait certes son soutien indirect à la formation, par ses spécialistes participant à titre individuel à de nombreuses écoles d'été ou à des cycles de formation comme les cours HERCULES. Mais en tant que laboratoire, il n'a commencé à jouer le rôle moteur et organisateur souhaitable qu'en 1992, année où il a lancé des réunions annuelles spécialisées sur la diffusion neutronique, les journées de la neutronique (appelées depuis Journées Rossat-Mignod, du nom de leur fondateur, décédé en 1993). Après sa création lors des troisièmes journées au Cap d'Agde en 1994, la Société Française de Neutronique (SFN) s'est impliquée immédiatement dans ces actions de formation en organisant des écoles thématiques s'adressant aux non spécialistes. Les journées Rossat-Mignod et l'école thématique qui leur est associée depuis 3 ans drainent un public de "professionnels" de la neutronique, partagé entre les deux gros noyaux de Saclay - Orsay et de Grenoble, et un public plutôt de physico-chimistes, cristallographes et spectroscopistes.
Au niveau des troisièmes cycles et des grandes écoles d'ingénieurs, l'enseignement de base des sciences neutroniques reste peu développé, sauf peut-être dans les DEA de matière molle. Mais, hormis les post-doctorants débutant dans la carrière, y a-t-il eu en France beaucoup d'universitaires ayant pu ou ayant voulu être détachés comme chercheurs auprès des TGE ? Un effort pédagogique double, à destination des étudiants et à destination de leurs enseignants eux-mêmes, est nécessaire.
Le public français à HERCULES est mixte : jeunes thésards et post-doc ou chercheurs confirmés. Il vient chercher à la fois l'art du synchrotron et celui de la neutronique. Depuis quelques temps la participation du CEA se fait plus rare qu'au début de cette école, alors qu'elle reste constante pour le CNRS et se renforcerait plutôt du côté des laboratoires universitaires. Il y a autant de physiciens que de chimistes et un peu moins de biologistes.
Une école francophone (Ecole de Pinsot) dédiée aux matériaux a été organisée en Avril 1997 par l'ILL, avec une forte participation des chercheurs du LLB à l'enseignement. Le public était beaucoup plus diversifié à la fois par l'âge, par l'origine géographique et par la discipline. Les grands centres (Saclay - Grenoble) étaient bien représentés sans plus. Peu d'industriels (2 ou 3) sont venus (sans doute en raison de la durée de l'école) alors que cette formation avait l'ambition de mobiliser un tel public.
On peut terminer ce panorama des rencontres par un bilan de la première Conférence Européenne de Diffusion Neutronique (ECNS) qui s'est tenue à Interlaken, en Octobre 1996. Plus de 700 participants ont présenté autant de communications, les conférences invitées étant de très haut niveau. Ce "jamais vu" témoigne de la richesse et de la bonne santé de la neutronique européenne, qui apparaît comme une réelle culture européenne. La France n'était pas représentée à hauteur de son activité (restriction des crédits ?). Outre les faits marquants en physique de la neutronique, un grand chapitre concernait l'étude des matériaux (physique, chimie, génie des matériaux…) ; la métallurgie était bien représentée…par d'autres pays. Au récent congrès international de Toronto (ICNS août 97), la participation fut moindre qu'à ECNS 96 avec 500 participants. Les prochaines éditions d'ECNS et d'ICNS se tiendront à Budapest et Munich respectivement.
Dans le domaine de la formation il faut souligner que le nombre de thèses qui ont utilisé en tout ou partie la technique neutronique est de l'ordre de 50 par an, nombre constant ces dernières années (Annexe 6), mais qui reste faible en comparaison avec la communauté des utilisateurs potentiels.
L'acquisition de la culture de sûreté nucléaire nécessite des actions de formation d'un type différent, qui ne peuvent être dispensées qu'auprès de la source. Pour le personnel exploitant, les règles de sûreté sont indissociables du fonctionnement même du réacteur, alors qu'elles ont souvent été perçues par les utilisateurs comme des contraintes freinant leur recherche. Heureusement, depuis plusieurs années, des formations adaptées aux différents utilisateurs sont imposées par l'exploitant : stages de radioprotection de 5 jours dispensés par l'INSTN pour les permanents ; stages d'une journée organisés par l'équipe de radioprotection d'ORPHEE pour les utilisateurs réguliers ; formation sur le tas par le correspondant pour les utilisateurs occasionnels.
Une des faiblesses marquantes de l'activité neutronique en France, comparaison faite avec d'autres pays outillés semblablement comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni, est le nombre très réduit des intervenants industriels en aval. Il est vrai que de façon globale, la recherche industrielle française a du retard par rapport à celle de nos voisins. Mais il est regrettable qu'un tel retard se manifeste même dans un domaine comme celui des neutrons où la France possède des atouts remarquables. La situation étant un peu meilleure auprès du rayonnement synchrotron, on pourrait dans la perspective de développer les applications industrielles des TGE inciter la communauté scientifique compétente en neutronique à prendre exemple sur celle du RS. La comparaison n'est certes pas tout à fait pertinente car ce dernier type de rayonnement prolonge souvent une instrumentation X existant déjà dans les laboratoires industriels. Cependant, des initiatives appropriées de neutroniciens en direction de chercheurs de l'industrie seraient susceptibles d'inciter ces derniers à bénéficier de techniques qu'ils ne connaissent pas. Des actions pourraient utilement être menées en association avec des utilisateurs du RS déjà en contact avec l'industrie.
Il importe donc de trouver des moyens et des voies de motivation pour faire profiter l'industrie des avantages des techniques de neutronique. Plus que d'autres méthodes d'étude, l'emploi des neutrons nécessite une technicité qui peut rebuter les utilisateurs potentiels de l'industrie. Pour attirer et accueillir les utilisateurs industriels, il est nécessaire de créer une structure d'accueil simple analogue à celle mise en place dans les laboratoires de rayonnement synchrotron.
D'autre part, la formation des industriels doit être pensée de manière originale, distincte de la formation des chercheurs. Avant même de former des opérateurs, il faut sensibiliser les décideurs à l'intérêt de la technique, leur donner des éléments de crédibilité (garantie de qualité, de délais, de confidentialité, etc.). Les lieux, durées, coûts, encadrements d'une telle formation doivent être définis en fonction de ce public. En fait il s'agit là tout autant d'information que de formation. Il peut même s'agir de simple promotion, pour la fourniture de mesures " clefs en main ", d'usage courant par exemple aux Etats-Unis.
Au niveau Européen, le LLB et ISIS ont soumis un projet BRITE-EURAM de formation des industriels aux mesures des contraintes résiduelles (avec la participation de la SNCF et PSA). L'université d'Orsay organise, avec le soutien du LLB, une formation permanente sur les textures. Ces initiatives, encore trop fragmentaires, méritent d'être soutenues.
En métallurgie, l'éveil des industriels français à l'emploi des neutrons est tardif (cinq dernières années pour EDF, CEA-métallurgie appliquée...). Au LLB la dérivée est fortement positive, en volume et en nombre de "clients", surtout pour les études de contraintes et de textures. En chimie minérale, le monde industriel reste à prospecter (matériaux pour le nucléaire, ciments, matériaux de construction et de génie civil, industrie pharmaceutique, biomatériaux...). Signalons enfin qu'un grand nombre de petites études industrielles ne sont pas identifiées comme telles, car elles sont effectuées par des équipes universitaires (problème général en Europe). Ce n'est pas le cas pour quelques grands groupes qui, soit achètent le résultat d'une mesure de routine (par ex. Péchiney, CEA-DRN), soit effectuent eux-mêmes les mesures (IFP, EDF-DER). Côté accompagnement de l'accès aux industriels, il y a un réel problème " français " qui doit pouvoir se résoudre en bonne partie par des moyens humains. Des actions pédagogiques du type " journées de travaux pratiques " pourraient convaincre de l'utilité de mesures utilisant les neutrons et de leur faisabilité.
A ORPHEE, la neutronographie a un statut atypique, puisque l'équipe et l'installation sont gérées par le CEA-DRE, et non par le LLB. L'équipe comprend un ingénieur et trois techniciens (dont un permanent CEA) ; elle travaille pour une clientèle très ciblée, et fournit des prestations de service. Pour l'essentiel, on tire parti des fortes sections efficaces de quelques éléments (H, B, Gd) pour faire des diagnostics soit sur matériaux organiques (tuyaux, colles, explosifs, pneumatiques...) ou nucléaires (répartition du bore), soit par marquage (par exemple céramiques dopées au Gd). Il s'agit souvent de contrôles de production (aéronautique - civile ou militaire -, espace, électronique, automobile...). Ces contrôles sont peu automatisés car les séries sont pour l'instant trop petites et trop diverses. En conséquence, l'installation ne peut fonctionner que 8 heures par jour. La clientèle pourrait être augmentée au prix d'une automatisation du dispositif de positionnement et de manipulation des plaques photographiques. C'est la rapidité et la fiabilité des réponses qui attire la clientèle.
Un développement intéressant est la neutronoscopie (camera CCD) qui permet de suivre la progression de fluides organiques dans des dispositifs transparents aux neutrons, simples (pulvérisateurs) ou complexes. A ORPHEE ce domaine est considéré comme parfaitement connu, ce qui ne justifierait plus de recherche sur la physique des phénomènes mis en jeu. Il n'y aurait pas de concurrence avec la radiographie X, même à haute énergie, compte tenu de la spécificité des contrastes obtenus avec les neutrons. Pourtant il semble que la très forte brillance des sources de rayonnement synchrotron ouvre la voie à une microscopie à rayons X durs qui provoquera nécessairement un renouveau du domaine. L'intérêt de la tomographie neutronique ne semble pas non plus avoir été étudié (développement prévu à Munich).
Cette faiblesse d'analyse prospective est sans doute liée aux critères strictement commerciaux qui régissent actuellement ces activités.
En ce qui concerne l'analyse par activation, la clientèle industrielle du LPS lui confie actuellement en totalité le soin d'effectuer les mesures. Il n'est pas envisagé de monter une installation d'analyse par émission instantanée gamma, technique disponible au NIST (USA).
La coupure existant actuellement entre les utilisateurs industriels d'ORPHEE, qui passent par le LLB pour la métallurgie, par le DRE pour la neutronographie, par le LPS pour l'analyse par activation, semble préjudiciable au développement des applications. Une politique dynamique de prospection des milieux industriels devrait s'appuyer sur une cellule industrielle unique rassemblant ces activités et susceptible de guider tous les utilisateurs potentiels.
Enfin, afin de sensibiliser ces utilisateurs potentiels, en particulier ceux qui dans l'industrie sont éloignés du monde scientifique, aux possibilités que pourrait leur offrir la neutronique, une cellule de communication adjointe au LLB et/ou à l'ILL pourrait efficacement agir. Le remarquable stand de l'ESRF à l'Exposition de Physique 97 a été exemplaire de ce point de vue.
Même lorsque leur production scientifique porte sur des sujets voisins, les chercheurs " intérieurs " (les chercheurs grenoblois rattachés aux CRG de l'ILL sont assimilés à cette catégorie) et " extérieurs " sont confrontés à des difficultés différentes.
Les chercheurs du LLB et de l'ILL supportent
une triple charge :
- le développement des méthodes expérimentales,
- leur recherche propre,
- l'accueil de la communauté d'utilisateurs
" extérieurs ".
Leur apport aux progrès de l'instrumentation a été évoqué au paragraphe 5.3.1 et sera décrit au paragraphe 7.3. Leur contribution scientifique directe a été incluse dans le paragraphe 6.2. On peut noter à ce sujet que le fait d'être des spécialistes de la neutronique présente pour eux un danger : alors que les " extérieurs " sont plus naturellement enclins à utiliser les diverses techniques existantes pour étudier leur échantillon, les " intérieurs " risquent à long terme de s'enfermer dans l'analyse exclusive aux neutrons. Enfin ils jouent un rôle essentiel d'accueil de la communauté, en mettant à la disposition de celle-ci l'outil neutron avec ses techniques expérimentales de pointe les plus récentes, en les adaptant éventuellement aux besoins des utilisateurs extérieurs, et en collaborant avec certains de ceux-ci. Ce rôle d'accueil s'étend aussi aux actions de formation ( cf. § 6.3). Il constitue une lourde charge, mais permet en contrepartie l'établissement de collaborations susceptibles de bénéficier à la recherche propre des intérieurs.
Ces tâches des chercheurs intérieurs sont encore alourdies par la composition multidisciplinaire de la communauté qui nécessite une adaptation à des problématiques différentes. C'est particulièrement vrai pour les chercheurs du LLB, insuffisamment nombreux pour que leurs recherches propres recouvrent en totalité les sujets d'intérêt, très éparpillés, des utilisateurs extérieurs qu'ils doivent accueillir. Cette situation est une entrave à la diffusion d'un emploi rationnel des neutrons dans ces domaines. En particulier, l'industrie n'a que peu d'interlocuteurs intérieurs.
Il faut remarquer que les doctorants à l'ILL ou au LLB deviennent souvent des spécialistes avertis, dont un certain nombre reviennent aux TGE comme physiciens quelques années plus tard et " irriguent " au mieux la communauté extérieure. Dans ces conditions, le plus faible nombre de thésards ILL que par le passé, lié à la réduction des embauches dans les organismes de recherche, est un grave handicap pour la perception de la neutronique dans les laboratoires extérieurs, en particulier en physico-chimie et en cristallographie.
Une autre difficulté importante des intérieurs est la suivante : l'évaluation de l'activité des chercheurs des laboratoires de neutronique – permanents ou étudiants – est bien souvent basée sur l'examen de leur recherche propre exclusivement, plutôt que sur leur contribution au développement d'instruments ou sur leur rôle de correspondant. Ceci explique qu'ils tendent à privilégier celle-là au détriment de ceux-ci.
Pour ce qui concerne les extérieurs, ils ont à faire face à des difficultés objectives : ils doivent employer des instruments complexes avec lesquels il ne sont pas familiarisés ; ils dépendent des correspondants intérieurs et des instruments existants ; leur communauté est dispersée et peu structurée. D'autres difficultés sont de nature conjoncturelle : ceci a été le cas de la fermeture de l'ILL entre 1991 et 1995, puis de la pression de la " mode " synchrotron lors du démarrage de l'ESRF, équipement neuf et attractif.
On constate cependant, chez les intérieurs comme chez les extérieurs, une nouvelle vitalité. En témoigne la création en 1994 de la Société Française de Neutronique, qui joue pour la communauté scientifique des utilisateurs un important rôle fédérateur, informateur et formateur. Il reste cependant à toucher l'important réservoir d'utilisateurs potentiels (mentionnés au § 6.2) qui devraient dans les prochaines années devenir demandeurs.
L'examen détaillé des diverses communautés utilisatrices des neutrons en France, à la lumière des recherches menées à l'étranger (chapitres 4, 5 et 6), met en évidence de fortes distorsions. D'un côté les permanents du LLB et de l'ILL et les nombreux chercheurs qui fréquentent régulièrement ces laboratoires constituent dans bien des secteurs des ensembles de professionnels de haut niveau, tirant le meilleur parti de la neutronique pour leur domaine de recherche propre. Les utilisateurs occasionnels, souvent à travers des collaborations, tirent également un bon profit scientifique de cette technique d'étude.
Cependant, il existe de trop nombreux domaines où d'importants progrès pourraient être réalisés grâce à l'emploi des neutrons, comme le montrent des exemples à l'étranger. De tels utilisateurs potentiels peuvent se trouver dans les disciplines de physique fondamentale détaillées au paragraphe 6.2, et plus encore en sciences appliquées et dans l'industrie.
A ce sujet, on ne saurait trop insister sur l'importance de la formation, action essentielle pour un emploi plus rationnel et plus efficace des neutrons par les communautés concernées. Ce n'est pas un hasard si l'on compte 1200 utilisateurs au Royaume-Uni et 300 en Suisse (pour 600 en France), deux pays où les laboratoires de neutronique dispensent chaque année depuis longtemps des cycles de formation, ce qui aboutit à une culture générale. La formation doit devenir en France plus systématique et plus permanente. Elle doit aider à diffuser les projets d'expérimentation, à rendre plus autonomes les utilisateurs extérieurs par rapport aux intérieurs, à faire sentir aux utilisateurs potentiels les profits qu'ils pourraient tirer d'expériences de neutronique complémentaires des techniques qu'ils connaissent.
L'Université et les grandes écoles au niveau de l'éducation de base et le LLB aux niveaux spécialisés sont concernés en tant qu'organismes par ces actions de formation. En ce qui concerne les chercheurs de l'ILL et du LLB, cette tâche supplémentaire s'ajoute à leur contribution aux progrès de l'instrumentation, à leur fonction d'accueil et à leur recherche propre ; il importe que ces diverses tâches, nécessaires à la communauté, soient toutes prises en compte dans l'évaluation de leur activité. Contrairement à d'autres chercheurs, l'examen de leurs contributions professionnelles à la recherche fondamentale ne suffit pas.
Enfin l'usage industriel des neutrons, trop peu développé en France, pourrait être amélioré grâce à des structures d'accueil spécifiques et à des actions d'information et de promotion, tout autant que de formation.
Les TGE internationaux sont nés de la nécessité de mettre les moyens nationaux en commun pour construire les appareils de plus en plus performants et par suite de plus en plus onéreux, qui sont suscités par le développement de la science. Selon le public des chercheurs qui les utilisent, les TGE, nationaux ou internationaux, peuvent cependant se classer en deux catégories.
La première catégorie, la plus nombreuse, comprend des équipements lourds destinés à une communauté de spécialistes, ayant des préoccupations scientifiques communes : accélérateurs pour l'étude des particules, ou pour l'étude des noyaux, tokamaks pour la fusion contrôlée, télescopes pour l'astrophysique, satellites pour les sciences de la terre et de l'univers, navires pour l'océanographie, etc. Les utilisateurs forment alors une communauté qui peut être numériquement large, mais qui est scientifiquement assez étroite : les problématiques des diverses expériences faites avec ces TGE sont proches, sinon identiques.
Les TGE d'étude de l'état condensé, à savoir les sources de neutrons et celles de rayonnement électromagnétique, sont d'une autre nature. Basés sur une source de rayonnement de grande taille (synchrotron, réacteur), ils alimentent un grand nombre d'instruments variés de taille modeste, spécialisés, chacun constituant un moyen d'étude particulier. L'ensemble forme une " fédération " de petits instruments, gérée par un laboratoire. Celui-ci les met à la disposition d'une communauté aux intérêts scientifiques très divers (presque toute la science : physique des noyaux, des solides, des liquides, des polymères, chimie, biologie, sciences de l'univers, environnement, archéologie...) dans des perpectives fondamentales ou appliquées, communauté mal délimitée, souvent occasionnelle, mouvante dans le temps. Ici le TGE n'est qu'un moyen d'étude parmi d'autres (éventuellement en complément d'équipements légers tels que la RMN). Le but est de comprendre la structure et les propriétés de l'échantillon soumis à l'irradiation, alors que pour la première catégorie de TGE le but scientifique est plus directement lié à l'appareil lui-même. Dans la seconde catégorie, chaque expérience est brève, dans la première ou bien très longue, ou bien en cascade.
Cette différence a des conséquences sur la structure des laboratoires la plus adéquate pour tirer le meilleur parti des TGE. Dans le premier cas, les chercheurs préparent leurs expériences dans des laboratoires nationaux spécialisés, puis se regroupent le plus souvent en vastes collaborations internationales sur le TGE, qui est leur unique moyen d'étude. L'existence des seuls TGE internationaux ne présente pas alors d'inconvénients majeurs. De plus la structure attachée au TGE peut se borner à sa gestion technique.
Dans le second cas, les laboratoires utilisateurs sont par nature trop dispersés en thèmes pour accéder directement à l'outil TGE, source de neutrons ou de rayonnement synchrotron. Ceci ressort bien de la liste des laboratoires français utilisant les neutrons (Annexes 4 et 5) puisqu'environ 250 laboratoires répartis sur tout le territoire sont concernés pour le LLB, 150 pour l'ILL. De plus, en raison de sa taille, chaque expérience est menée par une petite équipe. Un laboratoire annexé au TGE, où des chercheurs permanents jouent un rôle d'accueil des usagers, est donc nécessaire (ESRF, ILL). Mais cela ne suffit pas, un laboratoire national est tout aussi nécessaire. Il a une mission multiple irremplaçable : initiation des utilisateurs aux techniques expérimentales à travers le soutien technique et les collaborations scientifiques, fédération des divers thèmes scientifiques, formation générale et spécialisée, lieu de rencontre des nombreux laboratoires utilisateurs, information (rôles inutiles pour la première catégorie de TGE). Ce laboratoire national ne peut bien répondre à ces besoins que s'il est lié à une source nationale, car c'est autour d'une source et de ses instruments que se nouent et se développent les interactions entre les intérieurs et les extérieurs.
Dans une perspective européenne, on pourrait souhaiter que ces divers rôles soient joués par le laboratoire associé à une source internationale. L'ILL et l'ESRF satisfont en fait déjà aux fonctions qui leur ont été assignées, faire progresser l'instrumentation et l'expérimentation, accueillir les utilisateurs et participer à leur formation. Mais il serait tout à fait irréaliste d'imaginer que ce rôle puisse s'étendre à l'animation, la fédération et la prospection des diverses communautés scientifiques intéressées. Deux obstacles majeurs s'y opposent : les utilisateurs sont trop nombreux à l'échelle européenne, plusieurs milliers ; le spectre de leurs intérêts scientifiques est trop large. Un laboratoire multinational unique couvrant à la fois cette diversité scientifique et celle des pays membres serait ingérable et inefficace pour les buts visés. Il en serait de même pour une fédération de laboratoires moins disparates, établis autour de la source internationale chacun sur une base thématique ou sur une base nationale.
Ces diverses exigences ont été conciliées en France, pour les neutrons comme pour le rayonnement synchrotron, grâce à une politique ayant conduit à une double structure, laboratoire national doté d'un TGE, et accès à une source internationale plus performante. Le succès spectaculaire de l'ESRF dans la communauté nationale est dû en partie à l'existence du LURE qui l'a préparée pendant des années à l'emploi du RS. Le LLB devrait diffuser la culture neutrons de la même manière.
Le caractère national du LLB ne l'empêche d'ailleurs pas d'être ouvert sur l'Europe, puisqu'il a été sélectionné comme " Grande Installation " par l'Union Européenne, et puisque le tiers environ des utilisateurs d'ORPHEE viennent de l'étranger. Cette proportion pourrait croître, tout en restant minoritaire afin de ne pas interférer avec la mission principale du LLB.
La comparaison avec la politique des pays voisins confirme cette analyse. Ceux qui utilisent les neutrons avec les meilleurs succès, le Royaume-Uni et la Suisse, fondent comme la France leur force en s'appuyant sur un laboratoire national, ISIS ou PSI, en allant aussi utiliser d'autres sources complémentaires. De même l'Allemagne considère son large accès à l'ILL comme complémentaire à ses laboratoires nationaux, ce qui ne l'empêche pas de construire à Munich encore une nouvelle source nationale. A l'inverse, l'Espagne et l'Italie, qui ne disposent pas de source ni de laboratoire national, n'ont pu, malgré leur dynamisme scientifique, développer qu'une communauté d'une centaine d'utilisateurs de neutrons.
Les programmes de recherche sur l'exploration de l'état condensé évoluent. De plus en plus de programmes à long terme, très sophistiqués, reposent sur l'emploi de TGE internationaux très performants. Mais les progrès reposent aussi sur des expériences plus standard et sur des expériences plus aventureuses, exploratoires, avec des résultats plus aléatoires. Elles nécessitent des essais non programmés, des modifications en cours d'étude ou même de nouvelles expériences, en un mot une grande souplesse. Cette grande souplesse ne peut être bien accordée que par des laboratoires et des TGE nationaux. Il est difficile d'adapter un TGE international, avec des règles de gestion des expériences plus strictes, à cette exigence. De plus les nouveaux utilisateurs doivent faire leurs armes avant de pouvoir accéder à un TGE international.
Par ailleurs, l'accès des industriels français aux neutrons est plus facile pour le LLB, laboratoire national, que pour un TGE international, notamment en ce qui concerne la confidentialité. Toutes ces questions ne se posent pas pour les TGE de la première catégorie, où ce sont des expériences très élaborées qui gouvernent les progrès de la recherche.
Enfin, un laboratoire national rattaché à un TGE comme le LLB ou le LURE est le lieu naturel où se forgent des contacts entre communautés scientifiques très différentes, autour d'une technique expérimentale commune. Les progrès de la science nécessitent souvent un décloisonnement entre spécialités, condition de la pluridisciplinarité. Ces laboratoires y participent en créant des liens directs entre chercheurs et en rassemblant des utilisateurs dans des colloques. La forte dispersion des communautés utilisatrices sur tout le territoire national rend ce rôle particulièrement précieux.
Le rôle de ces deux laboratoires est triple. Ils ont à la fois une mission de service, une mission de formation et un programme propre de recherche et de développement technologique. Cette diversité des missions et la nature pluridisciplinaire du travail constituent une charge très lourde pour les personnels. L'appréciation des taux relatifs de service et de recherche propre des laboratoires est particulièrement difficile à faire. Elle dépend à la fois de la thématique et des intérêts personnels du chercheur et il est difficile d'établir une règle générale. De plus ces deux laboratoires ont une finalité différente.
L'Institut Laue-Langevin, laboratoire international avec un statut de société civile de droit français, a été le premier laboratoire au monde gérant un TGE sur un concept d'ouverture vers les utilisateurs (laboratoire de service). Le succès de cette formule est à l'origine de l'énorme différence entre les communautés d'utilisateurs européennes et américaines (cf. chapitre 5). Le Laboratoire Léon Brillouin, laboratoire national, avec le statut de laboratoire commun CEA/CNRS, a été créé, lui, pour développer l'utilisation des faisceaux de neutrons sur le plan national et pour rendre des services à la communauté nationale. Cette différence de mission est essentielle et justifie une différence de structure et de fonctionnement.
Disposant de ces deux atouts dans son jeu, la France a une position de force. Vis-à-vis de ses partenaires européens, elle peut en principe ajuster sa pression sur l'installation européenne (ILL), tout en préservant pour ses chercheurs un accès privilégié à une installation très performante (LLB). Cette dernière a ainsi servi de position de repli pendant la réparation récente du réacteur de ILL.
Les questions de structure et fonctionnement doivent être abordées des points de vue suivants : comment les scientifiques français peuvent-ils utiliser les sources de neutrons (LLB et ILL en particulier) ? Quelle est et quelle doit être la nature de l'activité des chercheurs permanents ?
L'ILL étant un laboratoire international, il aide la communauté nationale au même titre que les autres pays. Le LLB, lui, fait partie de la communauté nationale, mais la charge de travail très importante à laquelle sont soumis les scientifiques de ce laboratoire ne favorise pas leurs nécessaires interactions avec le reste de la communauté.
Les relations avec la communauté portent principalement sur les contacts personnels des responsables d'instruments, les " tables rondes " des comités de sélection (TR) et les journées de la neutronique organisées par la SFN en collaboration avec le LLB. Des relations organiques avec d'autres laboratoires existent mais ne sont pas développées systématiquement dans tous les domaines, ni avec toute la communauté nationale. D'autre part des " carrefours de rencontre " sont aussi prévus, organisés à l'initiative des responsables de TR, comprenant par exemple : des sessions de discussion dédiées à des sous-thèmes particuliers de la TR, avec présentation volontaire de propositions associées et/ou invitation d'un spécialiste du sujet (non nécessairement neutronicien) ; des présentations à caractère technique : développement instrumental récent, traitement des données, etc... ; des séances d'accueil gérées par les groupes du LLB, pour répondre à toutes les questions des utilisateurs extérieurs, débutants ou non.
Depuis sa création et jusqu'au début de cette année le LLB n'éditait pas de lettre d'information. Cependant cette année une note d'information accompagne les formulaires de demande de temps expérimental. Cette initiative est à encourager. Un site INTERNET a aussi été créé récemment sur lequel les utilisateurs peuvent trouver les informations concernant le laboratoire.
Le mode de gestion des expériences est actuellement rigide car il est requis de figer en début d'année pour le LLB et de semestre pour l'ILL les quatre composantes "demandeur – appareil – contact local – date de l'expérience". Cette rigidité pourrait être réduite par une meilleure utilisation de la marge de manœuvre laissée à l'appréciation des directeurs. Un élément de rigidité supplémentaire existe à l'ILL, inévitable en raison de son caractère international. Sur une source nationale les contraintes sur les temps d'expérience sont moins fortes.
L'activité scientifique au sein de l'ILL est organisée autour de huit collèges (Instruments et méthodes - Théorie - Physique fondamentale et nucléaire - Excitations structurales et magnétiques - Structures cristallographiques et magnétiques – Sciences des matériaux, surfaces et spectroscopie - Biologie - Structure et dynamique de la matière molle). A chaque collège est attaché un sous-comité scientifique, formé de personnes extérieures nommées par l'ILL et spécialistes du domaine, qui se réunit deux fois par an et sélectionne les propositions d'expériences. A chaque expérience sélectionnée est accordé un temps d'expérience à une date et avec une durée déterminées.
Ce mode de sélection garantit pour l'essentiel la qualité les expériences acceptées, mais il ne permet que difficilement de gérer les situations imprévues (pannes expérimentales, obtention de résultats originaux entraînant le besoin de temps supplémentaire de mesure ou, à l'inverse, échec d'une expérience qui devrait entraîner l'abandon avant la fin du temps accordé). De plus, pour les thèmes scientifiques ou pour les instruments sur lesquels la pression de la demande est la plus forte, une tendance au saupoudrage du temps d'expérience existe. Ces thèmes sont souvent les plus innovateurs, ces instruments les plus originaux. Ainsi, et de façon contradictoire, les propositions qui devraient être le plus prioritaires peuvent être pénalisées !
Jusqu'à une date récente, le choix des expériences à l'ILL n'était décidé que sur de stricts critères scientifiques ; la seule contrainte était que l'un des auteurs de la proposition devait appartenir à l'un des pays membres de l'ILL. Les problèmes financiers récents, à l'échelle de l'ILL comme de la recherche en général, ont entraîné une certaine évolution. Les directeurs peuvent intervenir aujourd'hui pour moduler cette règle afin de rééquilibrer l'accès aux expériences en fonction de la participation financière du pays des auteurs de la proposition au fonctionnement de l'ILL.
Au LLB, les quatre thématiques (Etudes structurales et transitions de phase - Magnétisme et supraconductivité - Systèmes désordonnés et matériaux - Physico-chimie et biologie) remplacent les collèges de l'ILL. Les expériences sont sélectionnées sur la base de propositions écrites. Jusqu'à l'an dernier, ces propositions étaient présentées par leurs auteurs lors de tables rondes organisées une fois par an en fin d'année. Les comités de sélection, formés de membres extérieurs au LLB ( 6 à 8) ainsi que de membres de ce laboratoire (4), se réunissaient à l'issue des tables rondes. Des rigidités similaires à celles signalés ci-dessus pour l'ILL existaient. Cependant la pression un peu moindre de la demande et l'existence de groupes scientifiques structurés au sein du LLB donnaient une plus grande souplesse dans les conditions d'accès aux faisceaux de neutrons et dans leur utilisation.
Pour améliorer encore ces conditions d'accès, le déroulement des Tables Rondes tel qu'il est prévu pour 1997, et annoncé dans la feuille accompagnant les demandes de temps de faisceau, devrait permettre une meilleure interaction entre utilisateurs externes et chercheurs du LLB. Elles seront organisées à l'INSTN pour en faciliter l'accès. L'idée novatrice a été d'introduire la notion de projets pluriannuels. Dans le cadre de ces projets, les besoins en temps de faisceau sont évalués sur une durée de référence de trois ans. Les réunions de tables rondes thématiques sont maintenant limitées à la discussion des projets pluriannuels, qui devraient se voir accorder de 40% à 60% du temps de faisceau et représenter une partie originale de l'activité scientifique. Les autres demandes sont sélectionnées sur la seule base des propositions écrites.
Notons qu'une recommandation donnée aux Comités de sélection est de prendre en compte la mission de formation du LLB dans l'appréciation des propositions d'expériences émanant de chercheurs non familiarisés avec les neutrons. Un autre élément nouveau de souplesse est envisagé, introduire une session supplémentaire des comités de sélection six mois après la session principale, annuelle.
Deux scientifiques et un technicien sont affectés à chaque spectromètre de l'ILL. Ils sont responsables de la maintenance de l'instrument concerné, de son développement technique ainsi que du développement éventuel des équipements variés représentant "l'environnement échantillon". Un scientifique, qui n'est pas forcément l'un des responsables de l'instrument concerné, participe à la préparation et à la réalisation de chaque expérience acceptée en tant que correspondant. La qualité de l'accueil sur les expériences dépend en réalité beaucoup de l'implication des responsables à l'entretien de leur instrument et de celle des correspondants à la réalisation de l'expérience. Lorsque l'implication du correspondant est faible, le risque d'échec est grandement augmenté. Il ne faut pas oublier qu'une expérience associe à l'utilisation du temps de faisceau sur une période déterminée, l'analyse des données. L'aide du correspondant peut s'avérer tout aussi importante à ce moment que lors des mesures.
Au LLB, il y a aussi un correspondant pour chaque expérience et un scientifique pour chaque instrument, mais il n'y a que 18 techniciens pour 24 instruments. Du point de vue de l'entretien et du développement des appareils, la situation est donc plus difficile qu'à l'ILL. Pour aider les utilisateurs extérieurs à préparer leurs expériences, des carrefours de rencontre sont organisés lors des tables rondes. Elles sont l'occasion de présentations à caractère technique, de discussions concernant la réalisation concrète des expériences et de séances d'accueil pour répondre aux questions des utilisateurs extérieurs.
Les scientifiques du LLB sont souvent plus fortement impliqués que ceux de l'ILL dans la réalisation des expériences acceptées, soit en tant qu'auteurs de propositions ou à travers des collaborations directes avec les auteurs.
L'accès au site de l'ILL se fait dans des conditions qui satisfont à la fois aux exigences de la réglementation spécifique à une installation nucléaire et aux nécessités des activités scientifiques.
Les conditions d'accès au site du LLB sont en revanche beaucoup trop lourdes et trop longues. La durée des formalités varie, en fonction de la nationalité de la personne concernée, entre 10 jours au minimum et 4 mois. Ces conditions ont des conséquences scientifiques néfastes. Elles entraînent parfois une mauvaise utilisation des instruments. Surtout, elles découragent certains utilisateurs potentiels et contribuent ainsi à freiner l'emploi des neutrons, même dans des cas où leur utilité est incontestable. Elles constituent aussi un frein à l'ouverture des équipements vers l'Europe.
Le LLB souffre de plus d'un isolement géographique lié à la mauvaise organisation et la rareté des transports en commun. En dehors de quelques navettes gratuites, une seule ligne régulière relie le Centre de Saclay à la station RER du Guichet. Mais cette ligne s'arrête à l'entrée de l'INSTN et les visiteurs qui ne sont pas munis d'un badge doivent marcher deux kilomètres sur route pour gagner la porte Nord ! La situation vient d'évoluer grâce à la mise en service de cars réguliers entre la gare de Massy-Palaiseau et la porte Nord.
Une très grande compétence a été développée depuis l'origine à l'ILL autour des aspects de mise en forme des faisceaux de neutrons et de leur détection. Dans le domaine des multidétecteurs ou des neutrons polarisés, les groupes de l'ILL sont les leaders mondiaux incontestés, avec des avancées récentes de grande importance. Du point de vue de l'environnement des échantillons, des développements techniques remarquables ont aussi été obtenus permettant de réaliser des expériences dans des conditions physiques extrêmement variées (ultra-basses températures, champs magnétiques intenses, très hautes pressions, ...).
Au LLB, les développements technologiques autour des instruments tiennent aussi une large place. La structure de fonctionnement de ce laboratoire, plus souple par nature que celle de l'ILL, favorise les initiatives personnelles et elle a permis la réalisation d'innovations importantes. Le LLB est ainsi au premier rang dans des domaines tels que la réflectométrie des neutrons ou la spectrométrie aux petits angles avec augmentation de contraste par polarisation nucléaire des noyaux d'Hydrogène de la cible. Sur certains trois axes, les performances sont comparables à celles obtenues à l'ILL et ceci malgré un flux à la source bien inférieur.
Du point de vue de l'environnement des échantillons, la réalisation de cellules à très haute pression utilisables sur un spectromètre 3-axes, a permis la première détermination des modes de phonons du Germanium à 9.7 GPa. Cependant, avec un seul scientifique affecté à chaque instrument, le travail de recherche quotidien prend souvent le pas sur les développements techniques d'intérêt général. Il en résulte que certains aspects de l'environnement échantillon demeurent insuffisants. C'est en particulier le cas de la cryogénie.
Il existe actuellement un plan de jouvence ambitieux qui, malgré l'abandon actuel du projet d'extension ORPHEE-PLUS, devrait largement améliorer les performances actuelles, même si l'utilisation d'ORPHEE doit rester majoritairement nationale. Il s'agit essentiellement de profiter des progrès récents accomplis dans le domaine de l'optique neutronique pour augmenter les flux et les statistiques de comptage. De plus le LLB participe activement à un réseau européen (XENNI) pour le développement de nouveaux types de détecteurs dits " microstrips " et des dispositifs d'optique neutronique comme les multicouches polarisantes CoTi et les polariseurs en transmission.
Dans l'ensemble, le LLB joue une rôle moteur important dans le développement technologique, en particulier dans la recherche de l'optimisation des instruments. Mais il manque de support technique pour les expériences courantes au service des laboratoires extérieurs.
A la suite de la réduction du budget de l'ILL, le parc expérimental est passé de 30 à 25 instruments. Le Conseil de Direction a alors décidé d'autoriser l'installation d'instruments gérés par des laboratoires extérieurs, dans le cadre des " Collaborating Research Group " (CRG) analogues à ceux installés à l'ESRF. Ces instruments sont de trois types :
les CRG-A, instruments de l'ILL gérés par des laboratoires extérieurs qui mettent à la disposition de l'ILL 50 pour cent du temps de faisceau ;
les CRG-B, instruments construits par des laboratoires extérieurs ou rachetés à l'ILL et pour lesquels l'ILL dispose de 30 pour cent du temps de faisceau ;
les CRG-C, qui sont à la disposition unique des laboratoires extérieurs.
La France a implanté 4 instruments : trois du type CRG-B, dont deux transférés du réacteur SILOE et implantés après modifications sur un guide thermique doté de super-miroirs financés en partie pour cette opération par le CEA (le gain en flux obtenu est supérieur à 10). Ces trois instruments sont gérés par le DRFMC du CEA Grenoble. Le quatrième, du type CRG-A, est géré par le laboratoire de Cristallographie (CNRS) de Grenoble. Ces instruments sont accessibles pour la communauté française par le biais des laboratoires qui les gèrent. Il faut signaler qu'un accord a été signé entre le DRFMC et un laboratoire allemand pour la cogestion d'un quatrième instrument du type CRG-B.
Actuellement, il n'y a pas de CRG dédié à la Biologie. Une action commune de l'IBS et du LLB est envisagée pour créer un CRG autour de la dynamique des protéines sur un instrument de l'ILL. En effet, l'étude de la relation dynamique-fonction ouvre de nouvelles perspectives en biologie. C'est un domaine où la France pourrait être un "leader" mondial par l'existence de fortes compétences interdisciplinaires (à l'interface de la biologie, de la physique et de la chimie) et méthodologiques.
Il est trop tôt pour juger de l'impact sur la communauté nationale et de la nécessité réelle du mode de travail " CRG neutrons ". Cette analyse est aussi rendue difficile du fait du petit nombre et de la diversité des CRG qui ne sont pas encore tous en opération. La différence essentielle avec les " CRG synchrotrons " est que ces derniers sont complètement neufs d'idée et de conception, alors que les CRG-ILL sont déjà un peu plus l'exploitation d'un type d'instrument existant (bien que des moyens originaux et importants aient été engagés par le CEA). Il est souhaitable sans doute de maintenir un appareil en bon état si la communauté d'utilisateurs ne peut se satisfaire des possibilités et du temps d'accès à l'instrument nouveau censé le remplacer. Il est de toute manière très important de définir le coût de revient du CRG pour les organismes (CNRS et CEA) par rapport à l'infrastructure existante (y compris le coût du neutron en interne à l'ILL et celui des personnels extérieurs faisant fonctionner le CRG pendant la période de mise à disposition pour l'ILL). Un premier examen des expériences proposées dans le cadre des CRG neutrons (non incluses dans le temps officiel ILL) montre que la demande locale est dominante. Il reste encore à convaincre une partie déjà identifiée de la communauté des utilisateurs des avantages de cet accès souple aux neutrons par ce biais. Il est vrai qu'une proposition acceptée à l'ILL est assortie de la prise en charge des frais de mission pour 2 expérimentateurs, ce qui n'est pas le cas pour les propositions CRG, et ce qui pénalise donc les laboratoires éloignés.
Les CRG devraient irriguer la communauté nationale et en principe lui faciliter l'accès à l'ILL. Mais à l'inverse des Laboratoires (ILL et surtout LLB), ils ne réunissent que des spécialistes d'un sujet donné. Une interprétation plus ambitieuse du mode CRG (analogue à ce qui se fait à l'ESRF) serait de rassembler en une seule tutelle différents CRG (cette question sera reprise au paragraphe 8.2).
Cependant, un laboratoire national joue un rôle fédérateur, qui ne pourrait être tenu par un CRG, ni même par une réunion de plusieurs CRG. Ceux-ci seraient d'ailleurs ici beaucoup plus difficiles à regrouper que dans le cadre de l'ESRF. De plus leur nombre est par nature limité.
Dans les perspectives des questions qui leur ont été posées (voir Annexe1), les membres du groupe ont examiné les scénarios possibles selon les décisions qui pourraient être prises sur le nombre et le type de sources de neutrons mises à la disposition de la communauté nationale. La réflexion sur ces scénarios s'est appuyée sur les prémisses suivantes :
- le réacteur de Munich sera mis en service en 2002 et celui de Jülich fermera (§ 5.1.2). Par ailleurs les performances d'ISIS seront améliorées. Ces événements ne devraient pas modifier le schéma de manière significative, à part peut être une pression allemande un peu moins forte au niveau de l'ILL et un peu plus forte au niveau du LLB compte tenu des relations étroites existant déjà entre des chercheurs rhénans et ce laboratoire.
- la réflexion engagée sur l'opportunité scientifique et financière de construire une source à spallation européenne n'aboutira pas avant 5 ans (§ 5.2). Une telle source ne pourrait être mise à la disposition de la communauté que dix ans après ; son existence aura alors certainement une incidence sur l'ILL, car elle sera probablement destinée à prendre le relais du RHF, mais cette question ne se posera que vers 2010.
- d'un point de vue scientifique, le nombre et la qualité des expériences réalisées actuellement sur les sources existantes et l'évolution probable des projets émanant des diverses communautés suggèrent que les besoins en neutrons devraient augmenter légèrement ou au moins rester constants dans les prochaines années (Ch. 4 et § 6.2).
Scénario 1: Le fonctionnement d'ORPHEE et la participation française à l'ILL sont maintenus.
Cette solution présente l'avantage de continuer à donner à la communauté française de très bonnes conditions d'accès aux faisceaux de neutrons. Le caractère complémentaire, des points de vue scientifique et technique, de l'activité auprès d'une source nationale et d'une source internationale est préservé (§ 5.1.3).
Cette hypothèse ne doit cependant pas signifier le maintien du statu quo. La situation actuelle n'est en effet pas optimale dans tous les domaines et doit pouvoir être améliorée en particulier au niveau du laboratoire national.
Dans un certain nombre de domaines signalés au paragraphe 6.2, l'activité scientifique des physiciens du LLB est de tout premier plan ; la qualité de leur activité doit beaucoup à leur spécialisation et à la souplesse dans l'utilisation des neutrons dont ils disposent à titre personnel. Cependant, la comparaison avec les communautés voisines a montré que l'utilisation de la diffusion des neutrons par l'ensemble de la communauté française est moindre que ce qu'elle devrait être. Dans cette optique, il y a un équilibre à trouver, selon les disciplines et les individus, entre le rôle de laboratoire national et l'activité scientifique propre. Une plus grande ouverture sur l'extérieur ne portant pas préjudice à la qualité de l'activité scientifique propre devrait être recherchée. Le développement de projets pluriannuels, favorisés depuis deux ans (§ 7.2.2), pourrait être un moyen d'ouverture de ce point de vue, à condition que de nouvelles équipes en bénéficient régulièrement. Des actions de popularisation de la diffraction neutronique à travers la formation et l'accueil de non spécialistes pourraient aussi être menées.
Une modification de la structure du laboratoire pourrait permettre de mieux mettre en harmonie les activités technique et scientifique. L'organisation actuelle n'est en effet pas toujours satisfaisante. L'impression du groupe est que le LLB dispose d'atouts remarquables et qu'une efficacité incomparable pourrait être obtenue. Des suggestions plus précises sont faites dans ce sens au paragraphe 8.2.
Scénario 2 : La France se retire de l'ILL
C'est une hypothèse radicale. Le RHF est la première source de neutrons au monde et elle est située sur le sol français. La communauté française a utilisé en 1996 environ 1300 jours de faisceau par an à l'ILL sur un total de 4370 (29,7%) et 3144 au LLB sur un total de 4957 (63,4%). D'un point de vue strictement technique, cette solution entraînerait donc la restriction de l'utilisation d'ORPHEE à la seule communauté française ( il y a actuellement environ 30% d'utilisateurs étrangers) ; elle nécessiterait de renoncer à 20 % environ des expériences et à l'abandon d'expériences réalisables uniquement au RHF. Il en résulterait une importante décroissance de l'activité neutronique, et la communauté française perdrait sa position dans la concurrence internationale.
En particulier, dans le domaine des études structurales, une grande partie de la diffraction neutronique à haute résolution pour laquelle existe une forte demande de la France et des partenaires étrangers, ne pourrait plus être satisfaite. La plupart des expériences in situ sur poudre (transitions et transformations de phases), telles que des expériences très fines et très précises sur quatre cercles, ne pourraient être entreprises. Les études sur les systèmes à électrons fortement corrélés, sur les modèles de spins unidimensionnels, seraient fortement affectées. La diffusion quasi élastique et la mise en évidence de mouvements locaux à différentes échelles de temps, qui nécessitent souvent plusieurs semaines de faisceau à l'ILL ne sont pas envisageables ailleurs. Pour la matière molle, l'arrêt de l'ILL signifierait que l'on perdrait le bénéfice de flux élevés qui s'avèrent importants notamment pour l'étude aux petits angles de systèmes pour lesquels le contraste en diffusion de lumière est faible (polyélectrolytes), pour l'observation de processus de relaxation structurale rapide dans des macromolécules, ou pour l'étude de la dynamique des membranes. Enfin, la perte de l'accès à de hauts flux marquerait la fin de la neutronique biologique en France.
Ce scénario couperait aussi la communauté des neutroniciens de la participation à un laboratoire international, lieu d'échanges scientifiques extrêmement riche. Par ailleurs, il entrerait en contradiction avec la politique passée, qui a été caractérisée par un transfert sur l'ILL des compétences et des instruments de SILOE lors de la fermeture de ce réacteur. Enfin ce scénario ne pourrait s'appliquer qu'à partir de 2004, compte tenu de l'accord intergouvernemental en cours.
Scénario 3 : ORPHEE est arrêté.
C'est une hypothèse non moins radicale, symétrique de celle décrite ci-dessus, et dont les effets sur la communauté française ne seraient pas moins graves. Elle créerait aussi des problèmes internationaux vis-à-vis des partenaires étrangers implantés auprès d'ORPHEE, et surtout vis-à-vis de l'ILL en raison d'une nécessaire augmentation forte de la participation française. Pour l'utilisation nationale, il a déjà été suggéré de déplacer à l'ILL certains des instruments aujourd'hui installés au LLB ; mais seule une faible proportion de ceux-ci pourraient l'être dans la réalité. Le nombre de sorties disponibles est en effet seulement de l'ordre de cinq et les possibilités d'installation à l'ILL de spectromètres de diffusion aux petits angles sont pratiquement nulles. La création de nouvelles sorties, techniquement envisageable, est irréaliste : elle supposerait des négociations difficiles avec nos associés et ne pourrait se faire qu'au prix d'investissements fort lourds.
L'activité scientifique en diffraction et diffusion des neutrons serait donc très fortement affectée (§ 5.1.3), peut-être plus encore que dans le scénario 2. A titre d'exemple, le développement des études de systèmes complexes dans le domaine de la matière molle serait pratiquement stoppé. Une large partie de la détermination structurale à haute résolution sur poudre, et de même la détermination des arrangements magnétiques, seraient rendues impossibles par l'arrêt d'ORPHEE, étant donné la charge de l'ILL dans ces domaines. D'ailleurs, l'introduction à l'ILL d'expériences qui auraient pu se faire à flux moyen serait extrêmement dommageable, car elle réduirait fortement le temps disponible pour d'autres expériences impliquant une nécessité absolue de haut flux.
La fermeture d'ORPHEE ferait disparaître la spécificité du travail auprès d'une source nationale, soulignée au chapitre 7. Des expériences exotiques, de caractère prospectif donc aléatoire par nature, peuvent y être menées plus facilement et plus rapidement que sur une source internationale. De plus, les expériences de première caractérisation sous flux moyen à l'aide d'une technique standard jouent, par exemple dans le cas du magnétisme, un rôle un peu similaire à celui de la diffraction des rayons X, et les résultats obtenus sont susceptibles de servir de base au démarrage d'études plus approfondies. Pour ces types d'utilisation, l'accès aux faisceaux de neutrons doit être le plus souple possible et une source nationale est plus apte à répondre à de tels besoins.
Il est à retenir qu'un nombre important des propositions soumises au LLB (et à l'ILL) sont conjointement souscrites par plusieurs unités de recherche françaises et qu'elles impliquent souvent des collaborations entre utilisateurs extérieurs et chercheurs du LLB. La fermeture de l'une ou l'autre des sources aurait certainement des retombées tout à fait négatives sur l'ensemble de ce tissu national, fondé sur des compétences complémentaires voire interdisciplinaires.
Si ORPHEE était arrêté, un laboratoire national du type LLB resterait indispensable, mais il serait difficile de le conserver à Saclay. Il faudrait le recréer à Grenoble pour assurer les indispensables fonctions d'accueil, de formation et de structuration de la communauté nationale, une fédération des CRG ne pouvant pas remplir ce rôle. Mais cela poserait par rapport à nos associés étrangers le problème de l'utilisation du RHF par ce laboratoire national.
Enfin, l'accès aux neutrons des industriels, déjà nettement insuffisant, serait complètement étranglé.
Pour conclure ce paragraphe 8.1, il est certain que des pans entiers de la recherche, pure ou appliquée, seraient sacrifiés dans les scénarios 2 et 3. Le scénario 1 paraît s'imposer, d'autant plus que les deux sources actuellement existantes sont le fruit d'une politique volontariste déjà ancienne de rationalisation, ayant abouti à équilibrer réalisations de pointe, rénovations et fermetures. La comparaison avec la situation en Allemagne est éloquente (cf. Annexe 7).
Le poids financier supérieur du scénario 1 pourrait être partiellement compensé par une participation demandée aux utilisateurs étrangers du LLB, dont le nombre restera important pendant longtemps en raison de la qualité technique d'ORPHEE (cf. § 5.1.1) et de la fermeture prévisible de réacteurs anciens. En effet il est à prévoir que la réduction du nombre de sources européennes dans les années à venir, mise en évidence au début du chapitre 5, aboutira à une demande accrue sur les sources restantes, les plus performantes. Non seulement l'ILL mais aussi le LLB devront ainsi faire face à une poussée. On ne peut donc craindre aucun sous-emploi des faisceaux. Il est probable que le pourcentage de l'utilisation d'ORPHEE par des équipes étrangères, actuellement de 30%, aura tendance à croître, et que la sélection des propositions sera de plus en plus dure.
Dans cette perspective, il importe que cette source et son environnement instrumental préservent, grâce à la réalisation d'un plan glissant de jouvence, la qualité technique qui les rendent attractifs par rapport à d'autres laboratoires européens.
Enfin, les scénarios 2 et 3 présentent le risque majeur d'une fermeture, pour une raison ou une autre, du seul réacteur qui resterait en service. La communauté française serait alors totalement privée de faisceaux de neutrons. La présence du LLB a permis de faire face à la fermeture du RHF pour rénovation. De même, la situation aux Etats-Unis aurait été catastrophique après la fermeture de Brookhaven si d'autres sources n'avaient pas été construites ou modernisées.
Il est important que le CNRS et le CEA prennent rapidement une décision sur l'avenir du LLB et d'ORPHEE, compte tenu de l'incertitude et de l'inquiétude dans lesquelles vit le personnel du LLB depuis la dénonciation de la convention.
La diffraction et la diffusion des neutrons sont des méthodes essentielles pour l'étude de la matière. Ces techniques ont apporté durant les vingt dernières années des contributions scientifiques très importantes, elles ont évolué durant la même période de façon considérable, et continueront certainement à le faire dans la prochaine décennie. Leur utilisation par la communauté française ne correspond cependant pas, sauf dans certains domaines, à l'importance de leur impact scientifique. D'une part, le nombre de chercheurs (physiciens, chimistes, biologistes, ingénieurs, ...) formés à ces techniques au sein des laboratoires français est trop faible ; d'autre part, les collaborations avec les laboratoires professionnels de la neutronique sont insuffisantes. Peut-être aussi les neutrons n'ont-ils pas aujourd'hui auprès des jeunes scientifiques comme auprès des commissions scientifiques l'attrait de la nouveauté qu'a le rayonnement synchrotron. Mais il ressort des arguments développés dans ce rapport que cette situation peut et doit s'améliorer.
La recommandation première du groupe, émise à la lumière du § 8.1, est donc de maintenir l'accès de la communauté française à deux sources de neutrons et leurs instruments, le LLB, laboratoire national, et l'ILL, laboratoire européen. Ces deux TGE sont complémentaires des points de vue technique et scientifique et sont à eux deux ajustés aux besoins présents et futurs à l'échelle d'une décennie.
Il ne s'agit cependant pas de garder le statu quo : le groupe recommande en même temps qu'un certain nombre de mesures soient prises pour développer en France une communauté de neutroniciens à la hauteur de ce qu'elle devrait être, grâce à des actions de prospection et de formation, et pour améliorer l'efficacité du LLB.
1. Prospection
2. Formation
La formation (§ 6.3) doit en particulier encourager les utilisateurs potentiels à apprendre les possibilités scientifiques et les techniques de la neutronique, et à utiliser au mieux la complémentarité des différentes méthodes d'étude (neutrons, lumière, RX, électrons, RMN,...). Pour ce faire, des actions systématiques doivent être menées dans deux directions :
3. Fonctionnement
Une meilleure adéquation devrait être recherchée entre les besoins de la communauté et l'accès aux instruments. En particulier, la souplesse de fonctionnement du LLB, qui est une caractéristique des laboratoires nationaux par rapport aux sources internationales (§ 7.1 et § 7.2) peut encore être améliorée. Des efforts doivent être réalisés pour :
4. Structures.
Diverses difficultés structurelles freinent actuellement un emploi rationnel des neutrons par les communautés nationales. L'image trop exclusive du LLB comme laboratoire de sciences fondamentales, aussi bien que son statut actuel, peuvent rebuter l'industrie. Les critères d'évaluation de l'activité des chercheurs, mettant l'accent sur leur recherche propre, n'encouragent ni les développements de l'instrumentation, ni l'accueil, ni les activités de formation (§ 6.5). Le fait qu'au CNRS, le LLB soit rattaché à un seul département (SPM), alors qu'il existe dans tous les autres départements des utilisateurs au moins potentiels, peut être un frein pour ces derniers. (Les réunions périodiques de concertation sur les neutrons qui se tiennent au niveau de l'administration des départements ne semblent guère avoir d'impact sur le LLB ni sur les utilisateurs potentiels.) Enfin, au CEA, la situation administrative du LLB et d'ORPHEE sépare trop les responsabilités.
Il paraît souhaitable d'étudier des changements structurels du LLB qui réaliseraient les objectifs suivants :
5. Suivi.
Sous leur forme actuelle, les recommandations qui précédent sont encore imprécises. Elles nécessitent des réflexions plus approfondies qui sortent du cadre de notre mission, mais qui doivent être menées d'urgence afin d'aboutir rapidement à des actions. Dans ce but, il conviendrait de recréer un comité permanent, constitué d'un très petit nombre de membres, choisis uniquement pour leurs compétences personnelles, et non pas en tant que représentants d'organismes ou de communautés. Dans l'immédiat, il aura pour tâche d'élaborer, en concertation avec les divers responsables concernés, des mesures concrètes dans les directions définies ci-dessus. Nommé pour plusieurs années, il assurera leur suivi. Plus généralement, ses missions devront s'étendre à tous les aspects évoqués dans ce rapport : nationaux et européens, LLB, ILL et CRG, industrie et enseignement supérieur, dans des perspectives à court, moyen et long terme. A cheval sur les organismes de tutelle, il leur rendra compte de l'évolution des communautés et de la demande, des réalisations et projets d'équipements, des actions de formation et de prospection, afin qu'une politique suivie puisse être menée sur l'emploi des neutrons.
Parmi les mesures recommandées plus haut, une bonne part concerne le LLB. Nous avons constaté, à la suite de discussions et à la lecture de documents qui nous ont été adressés, que les chercheurs aussi bien que les responsables de ce laboratoire sont tout à fait conscients de la nécessité d'améliorations sur les questions de prospection, de formation et de fonctionnement, et leurs suggestions vont dans le même sens que les recommandations ci-dessus. Cependant, même si ces propositions sont retenues, et même si elles ont l'aval de la direction du LLB et l'assentiment de la majorité des chercheurs, elles sont difficiles à mettre en œuvre en raison des multiples tâches qui, déjà, pèsent sur le LLB. L'appui du futur comité sera donc utile, d'abord pour les préciser en accord avec les responsables du LLB, puis pour aider ceux-ci lors de leur mise en application. Les évolutions rapides en cours dans certains domaines (comme la biologie ou la métallurgie) montrent que le LLB possède le dynamisme nécessaire pour faire face à ces exigences nouvelles, et ce sera l'un des rôles de ce comité de l'y aider.
En conclusion de ce rapport, il faut insister sur le fait que le groupe est arrivé à ces recommandations parce qu'elles répondent réellement aux besoins de la communauté française, et qu'elles correspondent sur le plan technique à une situation optimisée par rapport à celle des pays voisins. Il est indispensable que des évolutions du type de celles recommandées ci-dessus soient réalisées rapidement, afin que les moyens remarquables dont dispose le pays soient pleinement utilisés, et qu'ils ne soient pas réduits. Il ne faut pas mésestimer le risque d'effets irréversibles qui résulteraient d'une mise en œuvre tardive : c'est l'activité d'une partie importante de la communauté scientifique française qui en souffrirait.
La rédaction du présent rapport n'a pas été calquée sur les questions de la lettre de mission, mais il inclut les réponses. Les paragraphes répondant à chaque question sont mentionnés ci dessous :
1). Quelle est l'ampleur des communautés concernées ? Quels sont leurs besoins en quantité et en qualité en faisceaux de neutrons ? Quelle va être l'évolution de ces communautés qui, souvent, utilisent aussi le rayonnement synchrotron ? De nouvelles communautés apparaissent-elles (géosciences, industriels....)? La structure et le fonctionnement des laboratoires de neutronique sont-ils adaptés ?
Ch. 3 ; § 4.1, § 4.3 ; § 5.4 ; Ch. 6 ;Ch. 7 ; Annexes 4 à 6
2). Comment se situent les performances de l'Institut Max von Laue-Paul Langevin à Grenoble et du laboratoire Léon Brillouin Orphée à Saclay dans le panorama des sources existantes ou en construction ? (tableau comparatif).
§ 5.1 ; § 5.3 ; § 5.5
3). Quelles sont les caractéristiques du réacteur de Munich et de la nouvelle source suisse ? Quelle sera leur impact sur l'utilisation de l'ILL et du LLB, notamment par la communauté allemande ? (scénarios divers en fonction de la fermeture possible de sources allemandes vieillissantes).
§ 4.2 ; § 5.1.2 ; Annexe 7
4). Considérant que le seul projet à long terme est actuellement une source à spallation pulsée européenne, quel en serait 1'impact sur les diverses sciences utilisant la diffusion de neutrons ? Existe-t-il une dynamique de l'utilisation et de la rénovation des sources pulsées existantes ?
§ 5.2
5). Quel rôle pourrait jouer le laboratoire Léon-Brillouin dans le contexte européen dans cinq ans ?dans dix ans ?
Ch. 8
Roger BALIAN - Président - SPHT, CEA SACLAY.
Sauveur CANDAU - Institut Le Bel, Strasbourg.
Daniel FRUCHART - LABORATOIRE DE CRISTALLOGRAPHIE, GRENOBLE.
Dominique GIVORD - LABORATOIRE LOUIS NEEL, GRENOBLE.
Jacques M. HAMMANN -DSM/ SPEC, CEA SACLAY.
Georges MARTIN - DTA/CEREM/SRMP, CEA SACLAY.
René VACHER - LABORATOIRE DES VERRES, MONTPELLIER.
Joseph ZACCAÏ - IBS, GRENOBLE.
Bernard FARNOUX - Secrétaire - DSM, CEA SACLAY.
En plus des documents de base comme les documentations techniques et les rapports d'activité récents des laboratoires de neutrons, le groupe a utilisé les documents suivants :
(de 1994 à 1997) (liste fournie par le laboratoire).
Institut |
Laboratoire |
Ville |
C.E.A.- BIII | Groupe "Caractérisation"/Lab "Rayon X". | BRUYERES LE CHATEL |
C.E.A- BIII | Groupe "Projection Thermique" | BRUYERES LE CHATEL |
C.E.A- Grenoble | Laboratoire DRFMC/SI3M/Physico-Chimie Moléculaire | GRENOBLE |
C.E.A- Grenoble | Laboratoire DRFMC/SP2M | GRENOBLE |
C.E.A- Grenoble | Laboratoire DRFMC/SPSMS/LCP | GRENOBLE |
C.E.A- Grenoble | Laboratoire DRFMC/SPSMS/MDN | GRENOBLE |
C.E.A- Grenoble | Laboratoire DRFMC/SPSMS/MRS | GRENOBLE |
C.E.A.- Grenoble | DRFMC/SCIB | GRENOBLE |
C.E.A.- Saclay | DSM - DAPNIA - SED | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | DSM/DRECAM/S.P.E.C. | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay/DCC-DSD-SCS | Laboratoire de Recherche sur les Bétons | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | DRECAM/SRSIM | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | DECM/SRMP | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | DECM/SRMA | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | Département de Biophysique des Proteines et des M. | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | DMECN/SRMP | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | DSM/DRECAM/DPC-SCM | GIF SUR YVETTE |
C.E.A.- Saclay | LLB - CEA/CNRS | GIF SUR YVETTE |
C.N.A.M. | Chaire de Chimie Générale-CNRS UNR 1103 | Paris Cédex 03 |
C.N.R.S. | Centre de Recherche sur les Macromol.Végétales | SAINT MARTIN D'HERES |
C.N.R.S. | I.P.C.M.S./GEMME | STRASBOURG Cédex |
C.N.R.S. | Centre Etude Chimie Métallurgique | VITRY SUR SEINE Cédex |
C.N.R.S. | Groupe des Matériaux Organiques / I.P.C.M.S | STRASBOURG |
C.N.R.S. | I.P.C.M.S./E.H.I.C. | STRASBOURG Cédex |
C.N.R.S. | L.M.O.V. | MEUDON-BELLEVUE |
C.N.R.S. | Laboratoire de Chimie de Coordination | TOULOUSE |
C.N.R.S. | Laboratoire de Magnétisme Louis Neel | GRENOBLE Cédex |
C.N.R.S. | Laboratoire des Matériaux Organiques / L.M.O.P.S | VERNAISON |
C.N.R.S. | LASIR | THIAIS |
C.N.R.S. | Centre Thermodynamique. & Macrocalorimétrie | MARSEILLE Cédex |
C.N.R.S./ C.R.P.H.T. | Centre de Recherche sur la Physique des Hautes Températures | ORLEANS Cédex 02 |
C.N.R.S./ CRMC2 | Centre de Recherche sur les Mécan. de la Crois. Cristalline | MARSEILLES Cédex 09 |
C.N.R.S./ CRMD | Laboratoire C.R.M.D. | ORLEANS Cédex 02 |
C.N.R.S./ LASIR / H.E.I. | Laboratoire Physique/Chimie | LILLE Cédex |
C.N.R.S./ LCMSTR | Laboratoire Chimie Métalurgie des Terres Rares | MEUDON-BELLEVUE |
C.N.R.S./ LPSES / Sophia Antipolis | Laboratoire Physique du Solide & Energie Solaire | VALBONNE |
C.N.R.S./ Univ R. Descartes | Chimie Minérale Structurale | PARIS Cédexc 05 |
C.N.R.S./ UPR6601 | Centre de Recherches sur la physicochimie S.S. | MULHOUSE |
C.N.R.S./ C.R.T.B.T. | Centre de Recherche sur les Très Basses Temp. | GRENOBLE Cédex |
C.N.R.S. | CPM MATFORMAG | GRENOBLE |
C.N.R.S. | I.C.M.C.B. | PESSAC Cédex |
C.N.R.S. | Laboratoire Cristallographie | GRENOBLE Cédex |
C.N.R.S./ Fac de Pharmacie | Laboratoire de Physique | MONTPELLIER |
C.N.R.S./ UMR 27 | L.P.C.B. | THIAIS |
C.N.R.S./ UPR ESA | Laboratoire de Synthèse et physicochimie organique | TOULOUSE |
C.N.R.S./ URA 1530/ | Fac des Sciences ST Jérôme MATOP | MARSEILLE Cédex 20 |
C.N.R.S./ URA 419 | Laboratoire de Chimie des Métaux de Transition | PARIS Cédex 05 |
C.N.R.S./ URA 792/ | Collège de France Laboratoire de Fluides Organisés | PARIS cédex 05 |
Centre de Recherche Paul Pascal | Domaine Universitaire | PESSAC |
Collège de France | Laboratoire de Physique Matière Condensée | PARIS cédex 05 |
CRISMAT/I.S.M.R.A. | CRISMAT | CAEN Cédex |
E.M.B.L. | E.M.B.L. | GRENOBLE Cédex |
E.N.S. | Laboratoire de Physique Statique | PARIS Cédex |
E N S. | Ecole Normale Supérieure | CACHAN |
E.N.S. Lyon | Laboratoire de Physique | LYON Cédex 07 |
E.N.S. Lyon | UMR103 CNRS BIOMERIEUX | Lyon Cédex 07 |
E.N.S.A.M. | Laboratoire des Matériaux | PARIS Cédex 05 |
E.N.S.C.P. | Laboratoire de Métallurgie | PARIS |
E.S.P.C.I. | L.C.M.M. URA 1466/Matériaux Inorganiques | PARIS Cédex 5 |
E.S.P.C.I. | Laboratoire de Physico-Chimie Macromoléculaire. | PARIS Cédex 05 |
E.S.P.C.I. | Laboratoire de Physique du Solide | PARIS CEDEX 05 |
E.S.P.C.I. | Laboratoire Physique des liquides & Electrochimie | PARIS Cédex 05 |
E.S.R.F. | E.S.R.F. | GRENOBLE |
Ecole Centrale de Paris | Laboratoire de Chimie Physique du Solide | CHATENAY-MALABRY Cédex |
Ecole Centrale de Paris | Laboratoire de Mécanique MSS/MAT-URA 850 | CHATENAY MALABRY Cédex |
Ecole Centrale de Paris | Lab. Physico-Chimie Moléculaires & Minérales | CHATENAY-MALABRY |
Ecole des Mines | Institut Nat.Polytech de Lorraine/ L.S.G.2.M | NANCY Cédex |
Ecole Polytechnique | CER/DTA/SESI | PALAISEAU Cédex |
Ecole Polytechnique | L.S.I. | PALAISEAU Cédex |
EDF-DER/Centre des Renardières | Département EMA | MORET SUR LOING |
ENSEEG | L.T.P.C.M./Laboratoire Thermod & Phys-Chim Matér. | ST MARTIN D'HERES |
ENTREPRISE LOREAL | ENTREPRISE LOREAL | AULNAY SOUS BOIS |
Faculté de Pharmacie | Laboratoire de Chimie Minérale | PARIS |
Faculté des Sciences | LCM3B-Lab de Crist. & Modél. des Mat. Minér & Biol | VANDOEUVRE LES NANCY |
I.F.T.S./Université Reims | Laboratoire des Sciences des Matériaux | CHARLEVILLE-MEZIERES |
I.P.N D'Orsay | Laboratoire de Radiochimie | ORSAY Cédex |
INRA | Laboratoire Biochi & Technol. des Proteïnes | NANTES Cédex 03 |
INRA | Laboratoire de Physicochimie Biotech. des Polym. | REIMS Cédex 2 |
INRA | Laboratoire LPCM | NANTES Cédex 03 |
INRA/Centre de Recherches Agronomiques | Lab. de Biochimie des Macromolécules Végétales | REIMS Cédex 2 |
INSA | GEMPPM | VILLEURBANNE |
Insititut de Pharmacologie et Biologie Structurale | CNRS | TOULOUSE cedex |
Inst. Univers. de Cherbourg | LUSAC | OCTEVILLE |
Institut Charles Sadron | Centre de Recherche sur Macromolécules/C.R.M. | STRASBOURG |
Institut Curie | Groupe Transuraniens, Str. Phys.Chimie | PARIS Cédex 05 |
Institut Curie | Laboratoire P.C.C./Section de Recherche | PARIS cedex 05 |
Institut Curie | Laboratoire P.S.I./Section de Physique-Chimie | PARIS Cédex 05 |
Institut Des Matériaux de Nantes/I.M.N. | Laboratoire de Chimie du Solide | NANTES Cédex |
Institut Français du Pétrole | Institut Français du Pétrole | RUEIL MALMAISON Cédex |
Institut Laue Langevin | ILL | GRENOBLE Cédex |
Institut Recherches Police | Institut Recherches Police | ROSNY SOUS BOIS |
L.E.T.A.M. | LETAM/ISGMP | METZ Cédex 01 |
Lab d'Electro Chimie et Chimie des Solides Inor. | Lab d'Electro Chimie et Chimie des Solides Inorganisés. | VERSAILLES Cédex |
Laboratoire SCMI | Laboratoire SCMI | CHINON |
LOT-ORIEL | LOT-ORIEL | LES ULIS |
Oxford Inst./Parc club Orsay Univ. | Oxford Instrumentation | ORSAY Cédex |
PECHINEY | Centre de Recherches et Développement | VOREPPE |
Rhône Poulenc | Laboratoire Application Dispersion | AUBERVILLIERS |
Rhône Poulenc | Laboratoire Physique Analyse | AUBERVILLIERS |
SNECMA | Laboratoire Matériaux & Procédés | EVRY Cédex |
Société Cryodiffusion | Société Cryodiffusion | LERY |
SUPELEC | Ecole Supérieure d'Electricité | GIF SUR YVETTE |
U.S.T.L./LDSM/Université de LILLE I | Laboratoire Dynamique & Structure des Matériaux | VILLENEUVE D'ASCQ |
Université Pierre & Marie Curie | Laboratoire Physique des Solides | PARIS Cédex 05 |
Université & INSA de Rouen | Laboratoire de Rayons X | MONT SAINT AIGNAN Cédex |
Université Bordeaux I | Laboratoire Chimie du Solide | TALENCE Cédex |
Université Bordeaux I | Laboratoire Spectroscopie Moléculaire et Cristal. | TALENCE Cédex |
Université Claude Bernard Lyon 1 | Département Physique des Matériaux | VILLEURBANNE Cédex |
Université de Bourgogne | Laboratoire Physique des Solides | DIJON Cédex |
Université de Clermont-Ferrand | Laboratoire Physico-Chimie des Matériaux | AUBIERE Cédex |
Université de Franche Comte | Laboratoire Electrochimie des Solides | BESANCON Cédex |
Université de Lille/U.S.T.L. | Laboratoire Dynamique des Cristaux Moléculaires | VILLENEUVE D'ASCQ Cédex |
Université de Metz | Laboratoire P.L.I. | METZ |
Université de Nancy I | Laboratoire de METAL.Phys. et de Sciences de Mat. | VANDOEUVRE LES NANCY |
Université de Nancy I | Laboratoire de Physique | NANCY Cédex |
Université de Nantes | Laboratoire Chimie des Solides | NANTES Cédex |
Université de Picardie | Laboratoire de Réactivité et de Chimie des Solides | AMIENS |
Université de Reims | Sciences des Matériaux | REIMS |
Université de Rennes I | CSIM/URA CNRS | RENNES Cedex |
Université de Rennes I | Laboratoire Chimie du Solide | RENNES Cédex |
Université de Rouen | L.M.A./URA CNRS 808 | MONT ST AIGNAN Cédex |
Université de Savoie | Laboratoire Structure des Matériaux | ANNECY LE VIEUX |
Université de Technologie de Compiègne | DT PPI - Département Génie Chimique | COMPIEGNE |
Université de Technologie de Troyes | LASMIS-Dpt GSM | TROYES Cédex |
Université de Toulon et du Var | Laboratoire de Physique des Cristaux | LA GARDE |
Université de Toulon et du Var | M.F.S./L.P.C.M.3 | LA GARDE CEDEX |
Université du MAINE/Faculté des Sciences | Laboratoire des Fluorures | LE MANS Cédex |
Université du MAINE/Faculté des Sciences | Laboratoire P.E.C. | LE MANS Cédex |
Université Grenoble 1/Joseph-Fourier | Laboratoire Spectrométrie Physique | ST MARTIN D'HERES |
Université Louis Pasteur | L.U.D.F.C. | STRASBOURG Cédex |
Université Montpellier II | Laboratoire des Matériaux et Procédés Membranaires | MONTPELLIER Cédex |
Université Montpellier II/USTL | Laboratoire des Verres | MONTPELLIER CEDEX |
Université Montpellier II/USTL | Laboratoire Chimie Minérale & Chimie des Matériaux | MONTPELLIER Cédex |
Université Montpellier II/USTL | Laboratoire Gr. Dynam. Phases Condens./GDPC/C.026 | MONTPELLIER Cédex 5 |
Université Montpellier II/USTL | Laboratoire Scien.Matéri. Vitreux | MONTPELLIER Cédex |
Université Nancy I | L.E.S.O.C./UA 406 | VANDOEUVRE LES NANCY |
Université Nancy I | Laboratoire Minéralogie & Cristallographie | VANDOEUVRE LES NANCY |
Université Nancy I | Laboratoire Physico-Chimie des Colloides | VANDOEUVRE LES NANCY |
Université Nancy I | Laboratoire Physique du Solide | VANDOEUVRE LES NANCY |
Université Paris Nord/XIII | CSP | VILLETANEUSE |
Université Paris Nord/XIII | L.P.L.T.M. | VILLETANEUSE |
Université Paris Sud | Laboratoire de Biologie | ORSAY |
Université Paris Sud | Laboratoire de Chimie des solides | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud | Laboratoire de Chimie Inorganique | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud | Laboratoire de Défauts dans les Métaux | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud | Laboratoire de Métallurgie Structurale | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud | Laboratoire de Modélisation et d'Ing. des Prot. | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud | Laboratoire de Physique des Solides | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud | Laboratoire de Structures des Métaux Métalliques | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud | Laboratoire des composés non stoechiométriques | ORSAY Cédex |
Université Paris Sud / URA 446 | Lab Thermodynamique et Physico-chimie des mat. | ORSAY |
Université Paris Sud | LURE | ORSAY Cédex |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire Recherches Physiques | PARIS Cédex 05 |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire A.O.M.C. | PARIS |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire de Chimie Macromolléculaire | PARIS |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire de Minéralogie/Cristallographie | PARIS Cédex 05 |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire de Physique Théorique des liquides | PARIS Cédex 05 |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire Electrochimie | PARIS Cédex 05 |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire Physique des Milieux Condensés | PARIS |
Univ. Paris VI/Pierre & Marie Curie | Laboratoire S.R.I. | PARIS |
Univ. Paris VI/Pierre et Marie Curie | Laboratoire Physico-chimie | PARIS Cedex 05 |
Univ Paris VI Pierre & Marie Curie | L. P.C.S.M./ ESPCI | PARIS Cédex 05 |
Univ. Paris VI Pierre & Marie Curie | Laboratoire d'Acoustique et Optique de la Mat. Con | PARIS Cédex 05 |
Univ. Paris VI Pierre & Marie Curie | Laboratoire S.R.S.I./ Ura 1662 | PARIS |
Univ. Paris VI Pierre & Marie Curie | Laboratoire de Cristallochimie du Solide | PARIS cédex 05 |
Univ. Paris VI Pierre et Marie Curie | Laboratoire des Milieux Désordonnés et Hétérogènes | PARIS CEDEX 05 |
Université Paris VII | Laboratoire de Biologie Physico-Chimique | PARIS |
Université Paris VII / G.P.S. | Groupe de Physique des Solides | PARIS cédex 05 |
Université Paris XI | Faculté de Pharmacie / Laboratoire de Physique | CHATENAY-MALABRY |
Université Paul Sabatier | Laboratoire IMRCP | TOULOUSE Cédex |
Université Rennes I | Laboratoire Gr.Mat.Cond. & Matériaux/GMCM | RENNES Cédex |
URA 1467 | E.N.S.C.R. | RENNES |
(de 1994 à 1997) (liste fournie par l'Institut).
Laboratoire |
Ville |
ALCATEL ALSTHOM RECH |
GIF SUR YVETTE |
ANDRA |
CHATENAY MALABRY |
CEA GRENOBLE |
GRENOBLE |
CEA |
BRUYERES LE CHATEL |
CEMES |
TOULOUSE |
CENBG |
BORDEAUX |
CENTRE RECH ELF |
ST SYMPHORIEN D'OZON |
CNCE/DAM/PTN |
LYON |
CNCE/DCC/DPE/SPEA |
GIF S/YVETTE |
CNCE/DPC-SCM SACLAY |
GIF S/YVETTE |
CNCE/DRECAM/SCM |
CEA SACLAY |
CNCE/DRECAM/SPEC SACLAY |
GIF S/YVETTE |
CNCE/DSM/DAPNIA/SPHN |
GIF S/YVETTE |
CNCE/DSM/DAPNIA/SPP |
GIF S/YVETTE |
CNCE/LAB 'PIERRE SÜE' |
GIF S/YVETTE |
CNCE/LLB-LAB LEON BRILLOUIN |
GIF S/YVETTE |
CNCE/SBPM/DBCM |
SACLAY |
CNES |
TOULOUSE |
CNRS |
PONT A MOUSSON |
CNRS |
VILLERS |
CNRS/ANALYSE NUMERIQUE |
VILLEURBANNE |
CNRS/BIOPOLYMERE ARTIFICIELS |
MONTPELLIER |
CNRS/CECM-ETUD & CHIM META |
VITRY / SEINE |
CNRS/CEMESLOE-ELAB MAT ETUD STRU |
TOULOUS |
CNRS/CERMAV-RECH MACROM VEGET |
GRENOBLE |
CNRS/CHIM METR SPECTR TERRE RARE |
MEUDON |
CNRS/CPMA-CHIM PHYS MATER AMORPH |
ORSAY |
CNRS/CPMR-CHIM PHYS MATIER & RAYON |
PARIS |
CNRS/CPT-CENTR PHYS THEORIQ |
PALAISEAU |
CNRS/CRMC2-MECANI CROISS CRIST |
MARSEILLE |
CNRS/CRMD-CENT RECH MATIER DIVISE |
ORLEAN |
CNRS/CRPP CENT RECH PAUL PASCAL |
BORDEAUX |
CNRS/CRTBT-RECH TRES BASS TEMP |
GRENOBLE |
CNRS/CSIM-CHIM SOLID & INORG MOL |
RENNES |
CNRS/CSNSM-SPECTRO NUCL & DE MASSE |
ORSAY |
CNRS/CTM-THERMODYN MICROCALOR |
MARSEILLE |
CNRS/DPM DEPT PHYS MATERIAU |
VILLEURBANNE |
CNRS/EDIFIS |
MARSEILLE |
CNRS/EPM-ELAB PROC MAG |
ST MARTIN D'HERES |
CNRS/EQUIP PHYS DE L'ETAT CONDEN |
LE MANS |
CNRS/FAST-FLUID AUTONOM SYST THERM |
ORSAY |
CNRS/GDPC-GRP DYN PHASE COND |
MONTPELLIER |
CNRS/GEMPPM INSA |
VILLEURBANNE |
CNRS/GES-GRP ETUDE SEMICOND |
MONTPELLIER |
CNRS/GMCM-UNIV RENNES I |
RENNES |
CNRS/GPS-GROUP PHYS & DES SOLID |
PARIS |
CNRS/IBC-INST BIOLO CELLULAIRE |
BORDEAUX |
CNRS/IBPC |
PARIS |
CNRS/ICMC-INST CHIM MAT CONDENS |
BORDEAUX |
CNRS/ICS-INST CHARLES SADRON |
STRASBOURG |
CNRS/ICSI |
MULHOUSE |
CNRS/IEF-ELECTRONIQ FONDAMENTALE |
ORSAY |
CNRS/IMN INST DES MATER DE NANTES |
NANTES |
CNRS/IPBS |
TOULOUSE |
CNRS/IPCMS-INST PHYS CHIM MAT |
STRASBOURG |
CNRS/IRC |
VILLEURBANNE |
CNRS/IUSTI-SYST THERM INDU |
MARSEILLE |
CNRS/LAB CRIST |
GRENOBLE |
CNRS/LAB DE PHYS |
LYON |
CNRS/LAB DE RHEOLOGIE |
GRENOBLE |
CNRS/LAB DES FLUORURES |
LE MANS |
CNRS/LAB GLACIO & GEOPHYS |
ST. MARTIN D'HERES |
CNRS/LAB MAGNETISME LOUIS NEEL |
GRENOBLE |
CNRS/LAB SPECTRO MOL & CRISTAL |
BORDEAUX |
CNRS/LASIR-SPECTR INFRA & RAMAN |
THIAIS |
CNRS/LCC-LAB CHIM DE COORDINAT |
TOULOUSE |
CNRS/LCI-LAB CHIM INORG |
ORSAY |
CNRS/LCM-UNIV LILLE |
LILLE |
CNRS/LCMI- CHIM DES MAT INORGAN |
TOULOUSE |
CNRS/LCMI-CHAMPS MAGNET INTENSE |
GRENOBLE |
CNRS/LCPM-CHIM PHYS MACROMOLECUL |
NANCY |
CNRS/LCPMP-CHIM PHYS MAT POLYM |
LE MANS |
CNRS/LCPS CRIST & PHYS SOLID |
LILLE |
CNRS/LCPS-CHIM PHYS DU SOLIDES |
CHATENAY |
CNRS/LCS-LAB CHIM SOL |
ORSAY |
CNRS/LCS-LAB CHIM SOLIDE |
TALENCE |
CNRS/LCS-LAB CRISTALL SOLIDE |
PARIS |
CNRS/LCSM-LAB CHIM SOLID MIN |
NANCY |
CNRS/LCT-COMPOSITES THERMOSTRUCT |
PESSAC |
CNRS/LDCM-LAB DYNAM CRISTAUX MOL |
LILLE |
CNRS/LDV LAB. DES VERRES MONTPELLIER |
MONTPELLIER |
CNRS/LEM-LAB ETUD & MICROSTRUC |
CHATILLON |
CNRS/LEPES-ELECTRONIQ DES SOLID |
GRENOBLE |
CNRS/LEPMI-ENSEEG |
ST. MARTIN D'HERES |
CNRS/LERMAT-ETUD & RECH /MATERIAU |
CAEN |
CNRS/LESCET-EVOL SYST CHIM& ESP TR |
PARIS |
CNRS/LM2SM-MECA SOL STRUC & MAT |
CHATENAY |
CNRS/LMCP LAB MIN CRIST |
PARIS |
CNRS/LMCTS-MAT CERAM & TRAIT SUR |
LIMOGES |
CNRS/LMGP-MAT GEN PHYS |
ST MARTIN D'HERES |
CNRS/LMI-MAT INORGANIQUE |
PARIS |
CNRS/LMMS-MODELISAT & MECA STRUCT |
PARIS |
CNRS/LMPM-LAB MAT PROC MEMB |
MONTPELLIER |
CNRS/LMPSM-METALL PHYS SC DES MAT |
NANCY |
CNRS/LMS-METALLURGIE STRUCTURAL |
ORSAY |
CNRS/LPBC-LAB PHYS BIOMOL CELL |
PARIS |
CNRS/LPCM/ESPCI |
PARIS |
CNRS/LPMC-PHYSCHIM MAT COND |
MONTPELLIER |
CNRS/LPMM-PHYSICO & MAT LUM |
VILLEURBANNE |
CNRS/LPS-LAB PHYS DES SOLIDES |
ORSAY |
CNRS/LPS-LAB PHYS STATIST |
PARIS |
CNRS/LPSB-PHYS SOLID DE BELLEVUE |
MEUDON |
CNRS/LPSE-PHYS & SPECTR ELECTRO |
MULHOUSE |
CNRS/LPSP-LAB PHYS STAT POLYM |
LE MANS |
CNRS/LPTL-UPMC |
PARIS |
CNRS/LRRS-RECH REACTIVIT DES SOLID |
DIJON |
CNRS/LSG2M-SCIENC & GENIE MAT MET |
NANCY |
CNRS/LSP-SPECTRO PHYS |
ST MARTIN D'HERES |
CNRS/LTPCM-THERMODYN PHYSICO |
ST MARTIN |
CNRS/LUDFC-ULTRSON DYN FL COM |
STRASBOURG |
CNRS/LURE-UTIL RAYONN ELECTROMAGNE |
ORSAY |
CNRS/MAT ORG A PROP SPECIFIQ |
VERNAISON |
CNRS/MATOP-MAT ORGANISA & PROP |
MARSEILLE |
CNRS/PCSP-PHYSICOCH SYST POL |
MONTPELLIER |
CNRS/PEC-PHYSIQ ETATS CONDENS |
MARSEILLE |
CNRS/PHYS SOLID DIELECTR& PHOTOELE |
DIJON |
CNRS/PMC-PHYS MILIEUX CONDENSES |
PARIS |
CNRS/S2MC-SC SURF& MAT |
ST MARTIN D'HERES |
CNRS/SAPPMC |
VANDOEUVRE |
CRISMAT/ISMRA |
CAEN |
CSNSM |
ORSAY |
CSTB |
ST MARTIN D'HERES |
D.C.N. - TOULON |
SIX-FOURS-LES-PLAGES |
DEPT PHYS-UNIV PAU |
PAU |
DOMICILE EATON |
GRENOBLE |
DRFMC-CEN GRENOBLE |
GRENOBLE |
ECOLE NAT SUP CHIM |
MULHOUSE |
EDF |
MORET SUR LOING |
ELECTROCHIM SOLIDES |
BESANCON |
ENSAM |
AIX EN PROVENCE |
ENSC-MONTPELLIER |
MONTPELLIER |
ESBS ILLKIRCH |
STRASBOURG |
ESPCI |
PARIS |
FAC DE PHARM |
UNIV MONTPELLIER I |
FAC DES SCI LUMINY |
MARSEILLE |
FAC MEDECINE |
STRASBOURG |
FAC PHARMACIE |
PARIS |
GROUPE PHYS MAT |
CLERMONT FERRAND |
I.N.R.A./S.R.V. |
ST GENES CHAMPANELLE |
I.U.T. TROYES |
TROYES |
IBM FRANCE |
PARIS |
IBMC UPR BIOLO STRUCT |
STRASBOURG |
IBS-INST BIOLO STRUCT |
GRENOBLE |
IGBMC |
STRASBOURG |
ILL |
GRENOBLE |
INRA STATION RECH |
POLIGNY |
INRA |
NANTES |
INSA TOULOUSE |
TOULOUSE |
INSA |
VILLEURBANNE |
INSERM U331 |
LYON |
INST BIOLO PHYS-CHIM |
PARIS |
INST DOLOMIEU |
GRENOBLE |
INST FRANCAIS PETROLE |
RUEIL MALMAISON |
INST LAVOISIER |
VERSAILLES |
INST PHYS & CHIM |
STRASBOURG |
INST PHYS NUCL |
VILLEURBANNE |
INST PHYS NUCLEAIRE |
LYON |
INSTITUT FRANCAIS DE PETROLE |
PARIS |
IPN - INST PHYS NUCLEAIRE |
ORSAY |
ISN |
GRENOBLE |
L OREAL RECHERCHE |
AULNAY SOUS BOIS |
LAB BIOLO SYST NERVEUX |
PARIS |
LAB CHIM MOLE-UNIV CERGY PONTOISE |
PONTOISE |
LAB CHIM PHYS |
LILLE |
LAB CHIM SOLIDES |
CLERMONT FERRAND |
LAB CRIST & PHYS SOL |
VILLENEUVE D'ASCQ |
LAB GENIE MAT-ISITEM |
NANTES |
LAB OPTIQUE MOL |
METZ |
LAB PHYSICOCHIM DES POLYMERES-PAU |
PAU |
LAB TRANSITION PHASES |
AMIENS |
LABO CHIM PHYS |
TOURS |
LABO DE SPECT PHYS |
GRENOBLE |
LAPP |
ANNECY |
LCC TOULOUSE |
TOULOUSE |
LGGE/CNRS |
ST. MARTIN D'HERES |
LPLI-UNIV METZ |
METZ |
MECASURF |
AIX EN PROVENCE |
OBSERVATOIRE GRENOBLE |
ST MARTIN D'HERES |
ONERA |
CHATILLON |
RHONE POULENC |
AUBERVILLIERS |
ROQUETTE FRERES LESTREM |
LESTREM |
SYSTEMS BIO-INDUSTRIES |
CARENTAN |
UJF MAISON DES MAGISTERES |
GRENOBLE |
UNIV MAINE |
LE MANS |
UNIV FLANDRES ARTOIS |
LILLE |
UNIV JOSEPH FOURIER |
GRENOBLE |
UNIV METZ |
METZ |
UNIV PROVENCE |
MARSEILLE |
UNIV REIMS |
REIMS |
UNIV RENNES |
RENNES |
UNIV SCIENTI & MEDICALE |
ST MARTIN D'HER |
UNIV TOULON ET VAR |
LA GARDE |
UNIV ORLEANS |
ORLEANS |
UNIVERSITE DE BESANCON |
BESANCON |
UNIVERSITE PARIS-SUD |
PARIS |
UNIVERSITE DE LYON |
LYON |
(entre parenthèses figure le nombre de thèses propres du LLB)
1994 |
1995 |
1996 |
|
Physico-chimie Biologie |
19 (2) |
18 (4) |
15 (2) |
Structures Transitions de phase |
11 (0) |
8 (1) |
6 (0) |
Magnétisme Supraconductivité |
7 (1) |
13 (3) |
10 (1) |
Systèmes désordonnés Matériaux |
11 (1) |
9 (1) |
13 (2) |
Total |
48 (4) |
48 (4) |
44 (5) |
Le potentiel d'une source de neutrons est défini ici par le produit du flux (en 1014 neutrons / cm2 s) de la source par le nombre d'instruments équipant cette source. Le tableau ci-dessous indique le potentiel à la disposition exclusive d'une communauté nationale.
Le potentiel de l'ILL, avec 25 instruments programmés, est de 375. Il est mis à la disposition des pays membres. Les communautés françaises et allemandes en bénéficient en déposant des demandes d'expériences auprès des comités de sélection.
Pour les instruments CRG, la France gère 1 CRG-A et 3 CRG-B, soit l'équivalent de 2,6 instruments et l'Allemagne 3 CRG-B et 1 CRG-C, soit 3,1 instruments. L'Allemagne gère aussi 2 instruments du type CRG au LLB, comptés chacun pour 0,3 instruments.
Réacteur |
Laboratoire |
PUISSANCE (MW) |
Flux |
Nombre d'instruments |
Potentiel |
Allemagne présent |
|||||
BER II | HMI BERLIN |
10 |
2 |
23 |
46 |
FRJ 2 | KFA JÜLICH |
23 |
2 |
15 |
30 |
FRG | GEESTHACHT |
5 |
0,5 |
10 |
5 |
RHF (CRG) | ILL GRENOBLE |
57 |
15 |
3,1 |
46,5 |
ORPHEE (CRG) | LLB SACLAY |
15 |
3 |
0,6 |
1,8 |
total |
51,7 |
129,3 |
|||
Allemagne futur |
|||||
BER II | HMI BERLIN |
10 |
2 |
23 |
46 |
FRG | GEESTHACHT |
5 |
0,5 |
10 |
5 |
RHF (CRG) | ILL GRENOBLE |
57 |
15 |
3,1 |
46,5 |
FRM II | MUNICH |
20 |
8 |
21 |
168 |
ORPHEE (CRG) | LLB SACLAY |
15 |
3 |
0,6 |
1,8 |
total |
57,7 |
267,3 |
|||
France |
|||||
ORPHEE | LLB SACLAY |
15 |
3 |
29 |
87 |
RHF (CRG) | ILL GRENOBLE |
57 |
15 |
2,6 |
39 |
total |
31,6 |
126 |
La notion de potentiel doit être maniée avec prudence car deux instruments de l'ILL par exemple ne fournissent pas les mêmes possibilités expérimentales que dix instruments du LLB.
Pour la diffraction (poudres, monocristaux, liquides et amorphes), la communauté dispose au LLB de quatorze instruments de bonne qualité, dont deux pour l'étude des matériaux, et à l'ILL de trois CRG (D15, D23 et D1B). Le meilleur appareillage se trouve à l'ILL avec 14 instruments classés diffractométrie, sauf pour les très grandes longueurs d'ondes où le LLB permet d'atteindre 5 Angström. Signalons aussi au LLB une cellule à hautes pressions (250 kBars).
Le LLB consacre deux diffractomètres aux matériaux, l'un pour les mesures de contraintes internes (cogestion avec INFM-Italie), l'autre, qui mérite d'être amélioré, pour les textures (collaboration Orsay). Des évolutions instrumentales sont prévues : mesures de contraintes internes sous sollicitation mécanique, détermination de textures à chaud. L'ILL n'a pas de diffractomètre dédié aux matériaux, mais 25% du temps de D1A est consacré aux mesures de contraintes; 10 à 20% du temps du nouveau CRG-A CNRS D1B sera réservé aux études de textures. Pour les matériaux, un effort spécifique est à faire pour les cellules d'environnement d'échantillons (hautes températures, cellules électrochimiques, cellules de réactivité contrôlée). Les multidétecteurs sont la plupart du temps indispensables. Pour les liquides et les matériaux amorphes, les diffractomètres de l'ILL et du LLB sont les meilleures installations au monde.
Vingt et un instruments (dont trois pour les matériaux) sont installés sur les autres réacteurs européens.
Dans le domaine de la diffusion aux petits angles, le LLB a pour projet de développer un appareil aux très petits angles avec un détecteur bidimensionnel, qui, pour les matériaux hétérogènes et les colloïdes, permettrait d'atteindre des tailles caractéristiques proches du micron. Deux instruments sont en fonctionnement à l'ILL, les meilleurs du monde. Des cellules originales sont montées au LLB et à l'ILL pour les études in situ de fluides en cisaillement. Les études de vortex sur monocristaux requièrent des cryostats spécifiques qui restent à construire. Il existe sept autres instruments dans le reste de l'Europe.
Réflectométrie et diffraction rasante des neutrons. La technique de la réflectométrie neutronique est encore récente. C'est l'importance prise par les études sur les couches minces magnétiques qui a conduit au fort développement actuel, mais trois domaines scientifiques principaux sont en réalité concernés : la matière molle pour l'étude des polymères et protéines, les surfaces solides et les couches minces magnétiques. Deux types d'appareillages existent : les appareils à temps de vol, plus adaptés à l'étude des liquides car le matériau peut rester immobile ; les réflectomètres dits monochromatiques, qui peuvent facilement être équipés de faisceaux de neutrons polarisés et sont donc plus adaptés à l'étude des systèmes magnétiques.
Au LLB les deux instruments à temps de vol sont pénalisés par la moins bonne qualité du faisceau ; le troisième, de type faisceau monochromatique et doté de neutrons polarisés avec analyse de polarisation, a permis la réalisation de très belles expériences en magnétisme, et des développements techniques prochains permettront d'augmenter le flux sur l'échantillon d'un ordre de grandeur.
A l'ILL un appareillage récent de type CRG, géré par une équipe allemande, fonctionne. Un véritable réflectométre est en construction et devrait être opérationnel à la fin de 1998. Enfin un instrument (CRG allemand lui aussi) permet de réaliser des expériences de réflectométrie, mais il est plutôt destiné à la diffraction rasante des neutrons. C'est une technique véritablement nouvelle, les premiers tests ont montré que les questions d'intensité de faisceaux risquent d'être importantes.
Les autres principaux réflectomètres existant dans le monde sont à Jülich, ISIS, Dubna et Argonne.
Pour la diffusion inélastique des neutrons, le LLB compte un total de 5 instruments à trois axes : 2 sur source thermique, dont un construit par une équipe allemande (INFP Karlsruhe) et 3 sur source froide, dont un installé sur un guide de neutrons, construit en collaboration avec une équipe autrichienne du FFWF (Seibersdorf Center).
L'ILL dispose de 6 appareils dont 3 thermiques, 2 sur source froide et 1 sur source chaude. Trois autres sont du type CRG, un Suisse, un Allemand (IN 12, un des meilleurs spectromètres à basse énergie du monde, cogéré avec le CEA Grenoble) et un Français, IN22.
Pour les trois axes sur source froide, les instruments de l'ILL arrivent largement en tête pour le flux. Le LLB possède trois instruments dont un implanté sur guide qui a un flux plus faible. Mais l'amélioration prévue du monochromateur de cet appareil devrait sensiblement améliorer la situation. Les spectromètres implantés directement sur le réacteur disposent d'une gamme de longueurs d'onde nettement plus étendue vers les courtes longueurs d'onde que ce qui est accessible sur guide. Cela leur confère une grande souplesse d'utilisation. Ils sont de ce point de vue les plus performants.
L'option neutrons polarisés est actuellement disponible sur trois spectromètres de l'ILL et sur un spectromètre du LLB. Avec le développement des nouvelles techniques de polarisation, cette option devrait se généraliser dans le futur. Au LLB, elle devrait être mise en place sur un des 3-axes thermiques après changement du barillet. La transformation est prévue pour fournir 5 fois plus de flux que l'instrument équivalent de l'ILL, seul thermique équipé de cette option.
La diffusion diffuse élastique à haute température. Le LLB en collaboration avec l'ONERA dispose d'un appareil optimisé spécifique, pour les études d'ordre local dans les alliages.
Spectromètres à temps de vol. Ce type d'installations permet de mesurer de très faibles transferts d'énergie et est essentiel pour les expériences de diffusion quasi-élastique. Le LLB ne compte qu'un instrument contre trois à l'ILL et huit pour le reste de l'Europe.
Le spectromètre du LLB, sur guide de neutrons froids, a été construit en collaboration avec des scientifiques belges (CEN Mol, Fonds National).
Deux des spectromètres de l'ILL sont du même type. Le troisième appareil de l'ILL, sur une source thermique, est lié à une collaboration avec le CNR (Italie).
Dans le domaine des instruments à haute résolution en énergie il faut citer les spectromètres à rétrodiffusion et les spectromètres à écho de spin. Les premiers utilisent la très bonne résolution en longueur d'onde que l'on obtient lors d'une réflexion de Bragg avec 2 thêta égal à 180 degrés sur un cristal analyseur. Ces instruments, qui ont une résolution de l'ordre du micro-eV, sont particulièrement adaptés à l'étude de la diffusion quasi-élastique. Actuellement, il y en a deux en service à l'ILL et un troisième en cours de transformation en CRG (§ 7.4). Il n'y a pas de spectromètre à rétrodiffusion au LLB. Dans les appareils d'écho de spin la mesure du temps de vol des neutrons est faite par précession de Larmor de leur moment magnétique dans un champ connu. Cette technique leur confère une très haute résolution de quelques neV. Le LLB n'a qu'un instrument de ce type. Il y en a deux à l'ILL et deux autres en Europe.
L'installation du LLB a été montée en collaboration avec le KFKI ( Science Academy Hungary). Ses performances sont limitées à cause du faible flux disponible. Cette situation devrait être améliorée par l'installation de guides dans les bobines de précession et par de meilleurs flippers. Un autre instrument est en cours d'installation par une équipe de Munich.