DEVELOPPEMENTS TECHNIQUES ET INSTRUMENTAUX.

 

 

La construction d’équipements nouveaux ainsi que l’amélioration des performances des spectromètres sont deux objectifs essentiels de l’activité instrumentale du LLB.

Une amélioration technique importante durant la période 95-96 a concerné la source de neutrons elle même. En effet, des impératifs liés au fonctionnement du réacteur obligent à changer les sources froides à hydrogène liquide périodiquement. Durant l’arrêt d’été 1995, les deux anciennes sources froides (géométrie plate) ont été remplacées par deux sources froides annulaires plus efficaces. Des gains sur le flux de neutrons froids supérieurs à 15% allant jusqu’à 40% pour les grandes longueurs d’onde ont été obtenus. Ces deux sources froides sont contrôlées par ordinateur. Cette amélioration est due à l’équipe d’Orphée.

Au LLB, les réalisations les plus remarquables sont celles de deux nouveaux instruments: un diffractomètre à haute résolution et un spectromètre à échos de spin par résonance. Ces équipements résultent de collaborations avec respectivement l’Institut de Physique Nucléaire de Saint Petersbourg (PNPI) et l’Université Technique de Munich.

Accroître les performances des spectromètres et utiliser au mieux les neutrons issus du réacteur sont aussi deux soucis permanents du LLB. L’utilisation de guides en super-miroirs (SM) en augmentant la luminosité des appareils est un moyen d’atteindre ces objectifs. De même, la combinaison SM-systèmes focalisants est une méthode de plus en plus développée au laboratoire. Enfin, l’installation de multicompteurs permettant d’obtenir simultanément un plus grand nombre de données se généralise.

Des progrès ont également été réalisés en ce qui concerne l’environnement échantillon et le traitement de données. Plusieurs cellules adaptées pour des études sous hautes pressions ont été mises au point, notamment pour des expériences de diffraction sur des liquides moléculaires et des expériences de dynamique de réseaux sur un spectromètres 3 axes. Des études en cisaillement se développent en diffusion aux petits angles, en particulier celles réalisées à l’aide d’un viscosimètre de Couette. Des systèmes électroniques de plus en plus rapides sont élaborés en tenant compte spécifiquement des quantités de données liées aux méthodes de temps de vol et (ou) aux multidétecteurs. Tous ces changements ainsi que de nombreux automatismes (mouvements échantillon, température, champ magnétique...) sont intégrés dans les programmes d’acquisition.

Pour l’avenir, une prospective sur l’évolution du parc instrumental du laboratoire a été présentée au Conseil d’administration du 30-9-96, qui l’a jugée favorablement. Toutefois, le financement d’un tel projet pose problème. Néanmoins, la jouvence d’un spectromètre 3-axes a pu commencer ainsi que les études de deux nouveaux spectromètres (un appareil de diffusion de neutrons aux très petits angles et un spectromètre de diffusion quasi-élastique à temps de vol).

 

Nouveaux spectromètres.

 

Diffractomètre pour poudres à haute résolution.

Un spectromètre de diffraction pour poudres à haute résolution réalisé en collaboration avec le PNPI a été installé sur le guide G4-2. Il est équipé de 70 ensembles détecteurs-collimateurs divisés en 7 sections; chaque section est motorisée indépendamment les unes des autres. De faibles déplacements des détecteurs permettent ainsi de réduire les erreurs systématiques. Ce diffractomètre à haute résolution sert à affiner les structures cristallographiques et magnétiques d’échantillons polycristallins.

 

Spectromètre à Echos de Spin par résonance.

A la fin de l’année 1994, un spectromètre à échos de spin par résonance (sans champ magnétique) a été installé sur le guide G1-bis; cette technique est développée par l’Université Technique de Munich. Les expériences réalisées au LLB sur cet appareil montrent la complémentarité avec l’appareil classique d’échos de spin MESS. Il atteint aisément les temps de 0.01 à 5ns aux grands vecteurs de diffusion.

 

Diffractomètre 2-axes de tests G5-6

Un diffractomètre de tests vient d’être installé sur le faisceau G5-6 afin de permettre des développements de nouveaux dispositifs neutroniques. Il est particulièrement adapté à la mise au point des monochromateurs de neutrons (germanium ou silicium)

 

Application des super-miroirs et Evolution des Spectromètres.

 

Des augmentations des flux de neutrons délivrés par les guides ont été obtenues par les utilisations récentes de super-miroirs (polarisants ou non polarisants), sur lesquels de nombreux travaux de recherche sont encore en cours.

Une collaboration de longue date avec la société CILAS a notamment permis d’équiper certains guides de miroirs multicouche ayant des réflectivités supérieures à 95% et des angles critiques multipliés par un facteur 2 (2qc) par rapport à celui du Ni ordinaire(qc). Ce type de SM a été installé sur les parties courbes des guides G1 (en 1996) et G2 (en 1995). Il en a résulté une diminution de la longueur d’onde de coupure de ces guides, qui est passée de 6Å à 3Å pour G1 et de 4Å à 2Å pour G2. Un gain de flux d’environ 4 est obtenu sur G1 à 4Å et d’environ 2.5 à 3Å sur G2. Rappelons que le guide G1 alimente le spin-écho par résonance et l’un des appareils de diffusion de neutrons aux petits angles (DNPA) PAC ; le guide G2 alimente le spectromètre PAXY et le réflectomètre de neutrons polarisés avec analyse de polarisation. Notons toutefois que les longueurs d’onde d’environ 2-3Å ne sont pas encore utilisables à cause de la limitation de vitesse des sélecteurs mécaniques des appareils de DNPA.

L’utilisation de multicouches polarisantes a aussi conduit à une augmentation du flux de neutrons sur le nouveau spectromètre à échos de spin par résonance. En effet, un guide pré-polarisant optimisé réalisé en collaboration avec la CILAS et P. Böni (PSI) a remplacé l’ancien déviateur de G1-bis. Ce guide de neutrons polarisés d’un nouveau type permet de gagner un facteur 10 à 30 sur le flux de neutrons incidents.

Le faisceau G2-2 sur lequel est installé le réflectomètre PADA a été modifié. Un monochromateur multicouche (2 et 3qc) polarisant suivi d’un guide focalisant vertical conduisent à des gains sur le flux de neutrons diffusés d’environ 25 aux petits angles et 100 aux grands angles. Les éléments de ce monochromateur sont fournis par la société CILAS et P. Böni pour les multicouches polarisantes.

Plusieurs dispositifs de focalisation de neutrons (FOCUS1 et FOCUS2) ont été mis au point sur le spectromètre G6-1. Ils sont constitués de plusieurs SM 3qc (réflectivité de 80%) focalisant à la fois dans les plans horizontaux et verticaux. Les gains obtenus sont de 4 à 7 pour les deux systèmes réalisés. Les éléments de guide SM 3qc ont été réalisés par P. Böni. Ces prototypes ont permis d’effectuer des mesures de diffraction à très haute pression (10GPa) où de très petits échantillons de 0.01 à 1mm3 sont requis.

 

 

 

Développement de techniques expérimentales: Environnement des Echantillons.

 

Le développement instrumental commence par l’étude de dispositifs neutroniques originaux, ou la recherche de nouvelles méthodes. Citons, une méthode utilisant des faisceaux de neutrons juxtaposés, qui a été testée au KFKI dans le but d’augmenter l’intensité diffusée pour des expériences à très petits angles. Par ailleurs, le besoin de nouveaux monochromateurs en Germanium a conduit à relancer leur fabrication, tout en améliorant la méthode.

Dans le cadre d’un contrat européen de recherche et de développement (XENNI), le laboratoire est engagé dans deux actions: l’optimisation de miroirs polarisants lithographiés (Fe-Co-Ti / Ti-N) et l’électronique de détecteurs microstrips. La réalisation de multidétecteurs pour neutrons est en effet un problème général de la communauté neutronique. Des solutions ponctuelles sont néanmoins trouvées: le diffractomètre d’analyse des contraintes a été équipé en collaboration avec l’INFM d’un multidétecteur réalisé à l’EMBL. Les temps de mesure ont ainsi été réduits d’un facteur 2 à 3.

Depuis quelques années, de nouvelles expériences sont réalisées en appliquant sur l’échantillon soit une pression soit une contrainte de cisaillement. Plusieurs cellules pour des études sous hautes pressions ont été fabriquées avec un alliage invisible aux neutrons (longueur de diffusion cohérente voisine de zéro), soit 34% de titane et 66% de zirconium. A basse température (10 à 350K), des pressions mesurées de 7kbar ont été atteintes. A haute température (630 à 780K), la gamme 0.2 à 1kbar a permis d’effectuer des études sur la structure de l’eau supercritique. Un équipement très original permettant de mesurer des phonons par diffusion inélastique de neutrons à de très haute pression (10GPa) a été développé au laboratoire: des expériences sur le germanium ont permis d confirmer des calculs de structure de bandes ab initio. Des équipements de cisaillement de type cône-plan permettant d’atteindre des vitesses dans la gamme de 10-3 à 200tours/mn ont été réalisés pour des expériences en physico-chimie par DNPA. Un viscosimètre de Couette a été mis au point avec deux méthodes de mesure de la contrainte sur l’échantillon selon sa viscosité.

 

Modélisation, Acquisition et Traitement de Données.

 

Au développement des instruments, s’ajoute celui des programmes d’analyse les mieux adaptés à chaque méthode: notamment pour la visualisation et le traitement rapide des données de diffraction, pour l’analyse de structures complexes avec la méthode de Rietveld, ou encore pour des ajustements des résultats avec des fonctions simples à une ou deux dimensions. Des efforts particuliers ont été faits pour faciliter l’utilisation de ces programmes (par exemple des aides en ligne). Notons aussi, la méthode du maximum d’entropie qui a été appliquée avec succès en cristallographie. Elle a en particulier permis de situer avec précision la position des ions hydrogène dans les composés moléculaires. Un autre problème difficile est l’évaluation des contraintes par diffraction de neutrons, notamment au voisinage d’une interface. Pour traîter ce roblème, un programme est mis au point afin de modéliser les effets liés aussi bien à l’instrumentation (un diffractomètre deux axes) qu’à l’hétérogénéité du matériau étudié.

Le groupe informatique poursuit sa politique de développement des programmes d’acquisition, en particulier au niveau des spectromètres de DNPA équipés de multidétecteurs (ayant aussi l’option temps de vol) et au niveau du spectromètre à temps de vol MIBEMOL. Par ailleurs, l’électronique de ce dernier vient aussi d’être entièrement refaite. Elle peut atteindre des fréquences rapides (3Mhz) et permet l’acquisition des données de temps de vol sur 128 compteurs simultanément. Le groupe électronique développe les études de systèmes de comptage (moniteurs à échelles multiples, multidétecteurs...) de capacité de plus en plus grande sous forme de périphériques compatibles avec un ensemble industriel IEEE 488. Cette instrumentation est aussi installée dans d’autres laboratoires étrangers, en Hongrie (KFKI) et en orée (KAERI) pour la période 95-96.

 

Perspectives.

 

Pour les années à venir, d’autres améliorations sont prévues ou ont déjà commencé. Par exemple, les dispositifs de focalisation de neutrons FOCUS décrits dans ce chapitre seront complétés par un multidétecteur de grande ouverture angulaire verticale réalisé par l’EMBL et l’ILL. L’ensemble destiné aux études de petits échantillons sera appelé MICRO. De plus nous envisageons un remplacement progressif des sélecteurs mécaniques équipant les appareils de DNPA par des sélecteurs mécaniques Dornier plus lumineux et capables de sélectionner les courtes longueurs d’onde de 2 à 3Å.

Des innovations sont aussi en cours. Notons, l’installation en avril 1997, d’éléments de guides focalisants en cuivre isotopique comme collimateurs dans la première aire de précession du spectromètre à échos de spin MESS. En modifiant la collimation du faisceau incident selon les expériences effectuées, des gains de flux de neutrons d’un facteur 2 à 8 sont attendus. Notons encore, l’étude en cours pour obtenir un spectromètre à 3-axes sur faisceau thermique 5 fois plus lumineux que l’actuel IN20 de l’ILL. Une augmentation de la taille du faisceau et un monochromateur focalisant, alliage d’Heusler, devraient permettre d’y installer une option neutrons polarisés. Cette nouvelle instrumentation est importante pour les études des systèmes à couplage spin-réseau, des supraconducteurs à haute Tc et des systèmes à &e cute;lectrons fortement corrélés.

Enfin, pour terminer ce résumé des développements instrumentaux au LLB, nous voudrions signaler deux projets de construction de nouveaux appareils. Un spectromètre de diffusion quasi-élastique à temps de vol, à haut flux et de résolution moyenne, permettrait de répondre à la forte demande d’expériences dans la gamme des transferts d’énergie entre 0.1 et 10meV en biologie notamment. Un spectromètre de diffusion à très petits angles est envisagé afin d’étendre les possibilités existantes en DNPA. La gamme de vecteurs de diffusion visée, 10-4- 10-2Å-1, permettrait de développer toutes les études de grands objets: micelles géantes, vésicules, membranes cellulaires, cavités et précipitation dans les alliages, gels biophysiques.


LLB Janvier 1998