Laboratoire Léon Brillouin

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BD diffusons les neutrons

Propriétés électroniques de la matière à haute densité d'énergie : orientations

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Orientations

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3.    Orientations


 

La vaste gamme de densités des plasmas qui pourront être produits par LULI 2000, la LIL et le LMJ conduit à distinguer les problèmes rencontrés dans l’étude des plasmas de densités faibles et élevées.

Les plasmas de faible densité sont les plus susceptibles de se trouver dans des conditions éloignées de l’équilibre thermodynamique local. La modélisation des processus radiatifs, faisant intervenir le calcul de la population de très nombreux niveaux ioniques, repose actuellement, pour les éléments lourds et de Z moyens, sur des méthodes statistiques qui regroupent plusieurs configurations électroniques dans quelques « super-niveaux ». Il est essentiel de parvenir à valider ce type d’approche par l’expérimentation, car les codes de calcul qui s’y réfèrent sont utilisés pour les diagnostics expérimentaux.

Parmi les propriétés les plus importantes qui caractérisent  le domaine encore très peu exploré des plasmas denses et chauds, on relève notamment:
- la modification des fréquences de transition liés-liés en fonction de la densité,
- l’abaissement des potentiels d’ionisation,
- l’interaction des configurations électroniques dans les ions,
- les transitions radiatives quasi-moléculaires dans les  potentiels coulombiens multi-ioniques,
- les interactions entre les électrons liés et les électrons libres.

Nous mentionnons ici quelques problèmes théoriques concernant la structure électronique et les propriétés dynamiques de plasmas denses, en particulier les propriétés radiatives de systèmes désordonnés contenant des ions et des électrons liés ou libres. La justification de ces études se situe à différents niveaux. Tout d’abord, il existe un besoin en données atomiques structurelles pour la simulation des expériences auprès des lasers et pour les diagnostics spectroscopiques de ces expériences. Ces données sont aussi intéressantes pour l’astrophysique et pour toutes les études relatives à la Fusion par Confinement Inertiel. A ce niveau, l’approche traditionnelle que l’on trouve dans la littérature se limite souvent à une physique atomique « traditionnelle » de type atome « isolé » ou faiblement perturbé. Cette physique reste souvent pertinente pour les plasmas (même dans des plasmas relativement denses) car beaucoup de transitions impliquent des électrons très liés pour lesquels le champ du noyau est très largement dominant par rapport à des champs associés à l’environnement plasma. Néanmoins, indépendamment de la génération de ces données, ces études présentent également dans la majorité des cas un intérêt fondamental lié au fait qu’il s’agit d’atomes en situations extrêmes. Ces situations extrêmes se manifestent par :

 

  • la présence d’ions fortement multichargés dans des milieux proches de l’équilibre thermodynamique,
  • les effets de densité sur la structure atomique,
  • de fortes interactions entre les électrons liés et libres.

 

 

L’étude de la structure électronique des atomes dans un plasma est liée au problème de la distribution statistique des états électroniques excités. Cette question est primordiale car un plasma chaud est un système qui peut être à l’Équilibre Thermodynamique Local (ETL) ou hors-équilibre (HETL). La transition d’un régime hors-équilibre vers un régime à l’équilibre se fait par l’intermédiaire des collisions et/ou par le rayonnement. Plus précisément, plus un plasma est dense et (relativement) froid, plus on peut le considérer comme à l’équilibre. Inversement, plus un plasma est chaud peu dense et optiquement mince, plus le système est ouvert et donc dans un état (stationnaire ou non) hors-équilibre. La réalité est malheureusement complexe dans le sens où la frontière ETL-HETL n’est pas clairement définie. En laboratoire, on peut néanmoins définir des conditions où l’on est presque à l’équilibre et d’autres, moins bien définies, qui sont plus ou moins éloignées de l’équilibre. Ces dernières situations ne peuvent être abordées que dans le cadre d’un formalisme complètement HETL.

 

 

 

 

 

3.1    Plasmas de densité peu élevée

 

 

 

La plupart d’études expérimentales et théoriques dans le contexte des grands lasers concernent ce type de plasmas. En ce qui concerne la théorie, cela permet de partir de l’approximation des atomes isolés. Le cadre de l’ETL, ne nécessitant pas une individualisation des processus microscopiques contribuant au peuplement de tel ou tel niveau, est étudié depuis longtemps. Ainsi, on arrive maintenant à une modélisation satisfaisante des processus radiatifs dans le régime des densités peu élevées (rho < 0.01 g/cm3). C’est un régime plus compliqué a priori que l’ETL mais, heureusement, les situations HETL correspondent forcément à des densités moins élevées où les effets de densité mentionnés plus haut sont peut-être moins cruciaux.

 

 

 

 

 

3.1.1    Plasmas à l’équilibre thermodynamique local

 

 

 

Les derniers développements intéressants dans ce régime sont relatifs à l’emploi de méthodes statistiques qui, introduites dans le formalisme de la théorie de la structure et des transitions atomiques, permettent de modéliser l’émissivité et la photo-absorption des éléments de nombres atomiques Z intermédiaires (formalisme des Unresolved Transition Arrays et des Super Transition Arrays). Dans un régime de densités peu élevées, auquel on peut accéder dans les cibles chauffées radiativement, on note que les grands lasers permettront de mettre en condition des échantillons de matière suffisamment épais pour que l’on puisse accéder avec un bon rapport signal/bruit à des fenêtres spectrales de faible photo-absorption. Ceci semble central pour le problème du transfert radiatif dans les étoiles. Le bien-fondé de l’utilisation des modèles statistique constitue un problème important dans ce régime. Il  faut établir un critère permettant de décider dans quelles conditions un chevauchement des raies détaillées donne un spectre non-résolu.

 

 

 

 

 

3.1.2    Plasmas hors équilibre thermodynamique local

 

 

 

Le traitement HETL est très différent car il nécessite une approche de type "équations de bilan" où l’on commence par recenser tous les processus microscopiques importants. On calcule ensuite les taux correspondants afin de construire un système d’équations couplées qui pilotent la population des diverses espèces ioniques, excitées ou non, présentes dans le plasma. Par ailleurs, l’approche HETL standard ne s’applique en général qu’aux électrons liés, les électrons libres étant considérés comme thermalisés. Dans le régime des faibles densités (rho < 0,01 g/cm3), l’une des principales inconnues qui demeure dans la modélisation HETL est le nombre de niveaux à réellement prendre en compte dans le système des équations de bilan (influence des niveaux doublement voire triplement excités sur la cinétique d’ionisation). Ce problème est d’autant plus crucial si l’on va vers des éléments de Z élevés. Pour les corps lourds, il est clair qu’une approche DTA (Detailed Term Accounting) devient complètement prohibitive. Le pendant des méthodes statistiques UTA et STA mentionnées précédemment consiste à définir des « superniveaux » regroupant une configuration (Detailed Configuration Accounting) voire un grand nombre de configurations (Super Configuration Accounting). Le problème qui apparaît est donc la définition des taux de transition radiatifs et collisionnels entre ces superniveaux. Là encore, le degré de regroupement des niveaux dépend de la finesse de résolution spectrale que l’on désire dans telle ou telle gamme spectrale. Il y a donc un besoin de définir des expériences spécifiques permettant de valider des codes d’analyse qui calculent la population des différents niveaux pris en compte de manière auto-cohérente avec le rayonnement. La validation globale de ce type de codes doit être une des priorités des études liées aux grands lasers, dans la mesure où ils servent ensuite de diagnostic pour des expériences plus complexes. Il sera donc nécessaire de mettre en place auprès de la LIL puis du LMJ des procédés expérimentaux spécifiques de type « gas bag » ou de type « jet de gaz » afin d’exploiter au mieux l’énergie laser disponible et d’assurer la stabilité hydrodynamique du plasma.

 

 

 

 

 

3.2    Plasmas très denses

 

 

 

    Il s’agit ici d’une gamme de densités de l’ordre de la densité du solide. Dans de tels plasmas, le traitement des électrons liés et libres dans le cadre d’un même formalisme devient indispensable. La section efficace de photo-absorption et la plupart des coefficients de transport sont liés à la réponse dynamique linéaire, qui doit tenir compte des interactions entre tous les électrons.  Le problème principal dans la description de phénomènes dynamiques se situe dans notre incapacité à décrire correctement l’interaction entre les électrons liés et libres, qui a un caractère dynamique. Les méthodes existantes sont très simplifiées et, en général, négligent la plupart des corrélations entre ces deux catégories d’électrons. Ceci est d’autant plus critiquable que la division des électrons en liés et libres est en grande partie arbitraire et résulte de la modélisation admise.
    Il s’agit donc entre autres du problème de l’écrantage dynamique dans les plasmas très denses.
    Ce sujet est très difficile ; il peut être important dans différentes applications, mais il est surtout capital du point de vue de la recherche fondamentale. Il doit s’inscrire dans un projet à long  terme. Les phénomènes physiques visés sont, par exemple :

 

  • mélange des canaux entre les transitions liés-liés, liés-libres et libres-libres
  • interaction entre les modes électrons-trous et les modes collectifs dans les plasmas (et la matière condensée)
  • traitement correct de l’élargissement dû aux électrons libres.

 

    Il nous semble que la modélisation de ces phénomènes est indispensable afin d’interpréter d’éventuelles mesures de qualité dans les plasmas à très haute densité.

    Les propriétés électroniques des plasmas dans ce régime pourront être surtout  importantes dans le contexte du calcul des résistivités des plasmas et de leur équation d’état. L’importance du transfert radiatif (opacités) dépend des valeurs de la température et de la densité. La longueur d’onde dans laquelle les sections efficaces correspondant aux transitions électrons-trous pourraient être modifiées par d’éventuels phénomènes collectifs demanderait à priori un traitement particulier.

    Ce régime de densités, dans les conditions où les températures sont peu élevées (de l’ordre de quelques eV à des quelques dizaines d’eV), entre dans la catégorie de la matière dense et « tiède » (« Warm dense matter »). Ce sujet est d’une certaine actualité dans la littérature. Il existe des projets de mesure de certaines  propriétés de ces plasmas auprès d’autres installations que les grands lasers (en particulier, on envisage l’utilisation des lasers à électrons libres). Néanmoins, certaines expériences de ce type peuvent également être effectuées auprès des grands lasers. L’étude du comportement des plasmas dans ce régime, indépendamment de son caractère fondamental, pourrait être pertinente pour la fusion inertielle et pour l’astrophysique.

 

 
#726 - Màj : 26/09/2018

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